L’ASCENSION DE PAIVA
EN L’ABSENCE DE JEFFERSON POIROT, SON MODÈLE, THIERRY PAIVA AURA L’OCCASION DE VRAIMENT MONTRER CE QUE PEUT PRODUIRE LA FORMATION BORDELAISE. RENCONTRE.
Avec un peu de provocation, on dirait que les sélections de Jefferson Poirot sont faites pour ça. Elles sont une bonne opportunité pour son « second », Thierry Paiva, pur produit de la formation bordelaise au sens large. Il fréquente les terrains du stade André-Moga depuis 2008, mais quand il est arrivé, il avait déjà plusieurs saisons de rugby dans les jambes. Il pratiquait le rugby depuis les mini-poussins de l’autre côté de la Garonne, rive droite, dans une autre banlieue. « Je suis de Floirac, et j’ai découvert le ballon ovale avec des voisins. J’ai commencé au club local (le CMF, N.D.L.R.) à cinq ans avant d’aller à Bègles en minimes deuxième année. Au début, je jouais un peu à tous les postes, avec un certain gabarit, on s’en sort toujours. En arrivant à Bègles, on m’a vite expliqué que mon avenir était en première ligne. »
C’est vrai que le gabarit de Thierry Paiva est impressionnant. Avec son mètre 83 et ses 123 kilos, il donne a priori, une sacrée impression de force, le genre de joueur dont on imagine la puissance des percussions et l’intransigeance des balayages. Il a commencé à droite, puis il est passé de l’autre côté en Reichel deuxième année. Cette saison 2018-2019, sera sans doute celle de son éclosion. Il a déjà connu douze apparitions en Top 14 dont deux comme titulaire. À Agen et à Perpignan. Sur quatorze matchs possibles, ça en dit long sur la confiance que le staff lui témoigne. « C’est vrai que si on m’avait dit ça à l’intersaison, j’aurais signé tout de suite. Tout s’est enchaîné, je me sentais bien, j’avais fait une très grosse préparation, et puis Peni Ravai s’est blessé. Dès le premier match contre Pau, je suis entré en jeu, en remplacement de Lekso Kaulashvili. » Il est aussi apparu quatre fois sur six en Coupe d’Europe, dont trois comme titulaire. « Mais pour moi tout a vraiment commencé la saison dernière, j’ai fait mes grands débuts à Enisei en Russie, en Challenge en octobre 2017. J’étais titulaire. Jacques Brunel m’a mis le marché en main pour le match suivant contre Newcastle. Et je suis resté dans la rotation. J’ai fait quatorze feuilles de match dans la saison. Mais j’ai été handicapé par un carton rouge. »
PRÊT DÉCISIF À CARCASSONNE
Oui, en mars 2018, il a asséné un plaquage cathédrale à Florian Fritz qui lui a valu trois semaines de suspension et six semaines de frigo. Il n’avait retrouvé le groupe que pour la dernière journée de Top 14 à Brive. Une péripétie qu’il a surmontée sans dommage avant l’envol de 2018-2019.
Mais Thierry Paiva a vraiment appris son métier de pilier professionnel loin de la Gironde, à Carcassonne où il fut prêté pour une saison en 2016-2017. « Une expérience très formatrice. Difficile au début avec ces mêlées où ça trichait beaucoup,
mais Mathieu Cidre m’a beaucoup aidé, ainsi que Andrei Ursache, le pilier roumain. Cette expérience en Pro D2, je la conseille à tous les espoirs. » Il est revenu transformé à l’UBB et prêt à en découdre, dans le combat, dans le jeu et surtout en mêlée, le secteur où il était le plus perfectible : « J’ai longtemps traîné une étiquette, ce fut dur de la faire enlever. Oui, je n’étais pas un monstre dans ce domaine, je n’avançais pas, je ne provoquais pas trop de fautes. J’en subissais un peu. Mais avec mon expérience carcassonnaise, j’ai beaucoup progressé. Il me suffisait d’enchaîner les matchs de haut niveau et trouver la bonne position. Ma bonne position. Avant, finalement, j’étais trop à l’écoute des autres, j’avais besoin de trouver les choses moi-même. Et puis, Jefferson Poirot m’a toujours aidé. Quand j’étais à Carcassonne, il m’appelait toutes les semaines. » Thierry Paiva n’a pas peur de dire qu’il s’est toujours mis dans les pas de son aîné Jeff, son modèle, par ses démarrages électriques. « Si je devais progresser en mêlée mais je pense que j’ai toujours apporté par ma mobilité et ma capacité à porter le ballon. Je suis plutôt du genre à percuter, mais quand il faut faire une passe, je peux le faire. » Il partageait avec le jeune Jefferson Poirot, une certaine propension à s’énerver. « Oui, j’étais très mauvais perdant, très sanguin. Si on touchait à mes collègues, je réagissais. Mais je me suis calmé, le président s’est chargé de ça. » Ce n’est plus le moment de disjoncter, il sait aussi que cette saison pourrait être celle de son installation dans le rugby professionnel, la satisfaction pour ceux qui l’ont « façonné » : Jeannot à Floirac, Bruno Séguy à Bègles, Jean-Baptiste Poux à l’UBB. Il vient de signer son premier contrat professionnel. Pour l’instant, son meilleur souvenir, c’est le titre national des espoirs 2016 (essai décisif pour lui), le pire une défaite en Angleterre dans le Tournoi avec la sélection des moins de 20 ans. À 23 ans, il est temps de se fabriquer des moments forts chez les seniors.