Je suis Ducuing
Je ne connaissais pas, ou peu, Nans Ducuing avant qu’il ne mette en scène la reconduction de son contrat à Bordeaux. Le cliché, publié dernièrement sur les réseaux sociaux, le montrait donc en costard et à sa gauche, son employeur Laurent Marti posait en shorts, chaussettes et crampons. Les deux hommes se serraient la pogne, visiblement ravis de leur vanne… Oh, on vous l’accorde, ce n’était rien de fondamental. Mais c’était bon, c’était frais et c’était surtout gratuit. Plus tard, le jour où l’arrière de l’UBB composait une bouffonne chansonnette pour fêter l’anniversaire de son coéquipier
Clément Maynadier, Nans Ducuing n’avait non plus rien à vendre. Sa démarche était pure et visait simplement à faire rire. Alors, dans un microcosme où le capitaine du XV de France prend la pose avec une brique en plastique dans les pognes (« Merci, Vita Coco ! »), je suis
Ducuing. Dans un univers où Hugo Bonneval campe aux côtés d’une jeep plus chère qu’un appartement (« Merci, Land Rover ! »), je suis Ducuing. Dans un monde où Dan Carter a toujours des pompes à vendre (« Merci
Adidas ! »), où Pablo Matera bazarde des anti-inflammatoires à qui veut bien l’écouter (« Merci Flexiplen ! »), je suis Ducuing. Dans un rugby pro où les poncifs polluent nos après-matchs et appauvrissent le langage (« mettre les ingrédients », « avoir à coeur de faire un bon match »…) , je suis Ducuing.
Car que veut-on, au juste ? Depuis dix ans, le rugby français se désespère de déceler une gueule, un « caractère », une poignée d’individus ancrés dans leur monde, capables de porter un regard citoyen sur leur environnement sociétal. Et pour tout dire, on est même convaincu que si les capitaines d’industrie - exceptés ceux des partenaires historiques de la FFR - se détournent aujourd’hui de l’ovale, c’est qu’ils n’y retrouvent plus la richesse humaine qui avait fait de ce sport, au fil des âges, une case à part. Dès lors que les rugbymen deviennent des hommes-sandwichs comme les autres, dès lors qu’il n’y a plus ni transgression ni belles histoires, la mythologie de ce sport s’écorne ; elle devient quelconque, interchangeable, presque ordinaire. Et c’est d’une tristesse, bonne mère…