Midi Olympique

« Il permet de gagner 4 à 5 secondes par ruck »

PIERRE-HENRY BRONCAN - Entraîneur adjoint de Bath

- Propos recueillis par Simon VALZER simon.valzer@midi-olympique.fr

Lors de la finale de Coupe d’Europe, le deuxième ligne des Saracens Maro Itoje a, à plusieurs reprises, tiré et fait tomber des adversaire­s venus en tête de pont au-dessus du ruck. Pourquoi ?

C’est en effet une manoeuvre très répandue ici, en Angleterre. Dans tous les clubs, on parle de « second man presence », soit le rôle du deuxième homme qui arrive après le plaqueur. On demande à ce premier joueur de « couper » l’adversaire et de le mettre au sol avec le terme « chop », qui veut dire « abattre un arbre ». Le second homme aura pour mission de gagner quatre à cinq secondes sur le ruck, par n’importe quel moyen dans la règle. En ce sens, cela ressemble au XIII où tout est fait pour grapiller la moindre seconde ralentir l’attaque. Itoje ne cherchait même pas à aller au contest pour gagner le ballon : son objectif était de faire gagner du temps à ses partenaire­s pour qu’ils reforment la ligne défensive et puissent déclencher leur montées rapides qui étouffent les adversaire­s.

Peut-on observer cette manoeuvre dans d’autres phases de jeu ?

Oui, dans les situations de sorties de camp, quand le demi de mêlée réordonne ses avants pour se protéger avant de dégager au pied. En général, il y a toujours un joueur désigné pour venir bousculer, tirer, pousser les adversaire­s dans l’axe du ruck afin de les perturber, les ralentir, les consommer. Cela laisse le temps à la défense de s’organiser, et cela pertube la montée offensive de l’équipe qui se dégage. Et en général, c’est Maro Itoje qui tient ce rôle. C’est un pénible, vraiment.

Sans jamais être pénalisé par l’arbitre ?

Du moment qu’il est dans l’axe du ruck, il a le droit. Après, il lui arrive aussi de venir par le côté. Là, il est pénalisabl­e. Mais tant qu’il est dans l’axe, c’est bon. Il joue avec la règle. C’est un joueur très malin, très intelligen­t qui regarde toujours où se trouve l’arbitre, et qui sait ce qu’il peut se permettre de faire à l’instant T. Itoje est un joueur qui met énormément de pression sur les rucks adverses. Et encore une fois, son rôle est da faire gagner à son équipe quatre à cinq secondes sur chaque ruck où il intervient. Les montées rapides des Saracens reposent d’ailleurs beaucoup sur la propension de leurs joueurs à ralentir les rucks adverses : si l’adversaire parvient à enchaîner les libération­s rapides, la ligne des Sarries ne peut plus monter rapidement.

Comment se prémunir de ce phénomène quand on attaque ?

Les joueurs doivent être vigilants et avoir les bonnes attitudes corporelle­s pour être les plus solides possibles sur leurs appuis. Après, on peut aussi faire le pari de jouer debout, c’est encore plus efficace. Les Anglais disent « keep the ball alive », soit « garder le ballon en vie » en évitant de passer au sol. Face à des équipes comme les Saracens, c’est encore mieux. Il vaut mieux essayer de tenir le ballon debout car ils sont redoutable­s pour ralentir les ballons au sol et monter très vite en défense. Après, c’est toujours plus facile à dire qu’à faire, je le conçois : jouer debout signifie que les joueurs devront trouver le moyen de passer les bras, etc... Une chose que le Leinster n’a pas vraiment l’habitude de faire. Du coup, les Irlandais sont tombés dans une sorte de match à XIII, une forme de jeu qu’adorent les Saracens.

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