Midi Olympique

BAYONNE QUEL PIED !

AU TERME D’UNE FINALE HALETANTE ET SUPERBE, MARTIN BUSTOS MOYANO A ENVOYÉ L’AVIRON BAYONNAIS AU PARADIS, D’UN COUP DE PIED À LA DERNIÈRE SECONDE. LES BASQUES SONT CHAMPIONS DE FRANCE DE PRO D2.

- Par Jérémy FADAT jeremy.fadat@midi-olympique.fr

CHAMPIONS COMME EN DEMI-FINALE, BAYONNE N’ÉTAIT PAS FAVORI. COMME À OYONNAX, LE SCÉNARIO N’ÉTAIT PAS À SON AVANTAGE. MAIS LES COÉQUIPIER­S D’ANTOINE BATTUT ONT TROUVÉ D’INCROYABLE­S RESSOURCES POUR RENVERSER UNE MONTAGNE ET S’OFFRIR L’ENFER DU TOP 14. CE DIMANCHE, IL AVAIT UN GOÛT DE PARADIS.

Àsix minutes du coup de sifflet final, le speaker du stade du Hameau annonçait : « Pour laisser les joueurs effectuer leur tour d’honneur au terme de la rencontre, merci de ne pas envahir la pelouse. » L’Aviron bayonnais était encore mené de cinq points et rien, si ce n’est un nouvel et improbable miracle, ne pouvait l’envoyer en Top 14 tant la supériorit­é physique du CABCL semblait évidente. Mais une poignée d’instants plus tard, le peuple basque se moquait des demandes officielle­s de la LNR pour célébrer le dénouement inouï de cette finale avec ses hommes. Le terrain palois était à moitié ciel et blanc quand la Peña Baiona résonnait dans tout le Béarn. Comment diable ces irréductib­les Basques ont-ils pu encore une fois renverser des montagnes, en l’occurrence la plus grande de la saison en Pro D2, et s’offrir un ticket pour l’élite ? Une semaine après avoir remonté dixhuit points en une mi-temps à Oyonnax, la troupe de Yannick Bru a trouvé, en une ultime ligne droite héroïque, les moyens de glaner deux pénalités face à l’ogre du championna­t. Signe d’une abnégation révélatric­e d’un groupe hors du commun. Qui, à la 78e minute lorsque le CABCL campait dans la moitié de terrain adverse, aurait parié sur un tel scénario ? Le président Philippe Tayeb, peut-être, arrivé à la tête de l’Aviron il y a un an, qui en souriait dimanche soir : « Ce matin, je me suis réveillé avec sérénité. Je me disais qu’il allait nous arriver des choses extraordin­aires. Ces trois dernières minutes reflètent notre saison. On est la surprise. » Il aura tout de même fallu une mésentente entre Romanet et Scholes, un plaquage haut de Fa’aoso, une pénaltouch­e, une faute briviste sur ballon porté puis un coup de pied de Bustos Moyano, le tout dans ce court laps de temps. Définitive­ment, la bande d’Antoine Battut vous plonge dans l’irrationne­l.

BATTUT : « ON A GAGNÉ AVEC LES TRIPES »

L’été dernier, alors que ce club entamait sa reconstruc­tion et se donnait plusieurs années pour retrouver sa place dans l’élite, personne n’osait prophétise­r une telle issue. La semaine dernière, le capitaine était encore dans le déni : « La montée, je n’y pense pas du tout ! » Le même Battut reconnaiss­ait avoir eu du mal à évacuer le scénario de Charles-Mathon : « Moi qui ai l’habitude de redescendr­e rapidement, j’avoue avoir mis une journée supplément­aire. Ce match nous a amenés tellement d’émotions! C’était les montagnes russes. » Qu’il se prépare alors à digérer durant tout l’été, s’il entend s’en remettre cette fois. Ce qu’il ne cachait pas, visiblemen­t bouleversé, dans les entrailles du Hameau : « Je n’ai pas encore atterri. De toute façon, je me pince après chaque match depuis le début de saison. C’est incroyable ! Nous étions partis juste avec quelques valeurs d’humilité et l’envie de donner une bonne image, la fierté de porter ces couleurs avec des gamins qui jouent comme des cadets. J’ai d’ailleurs senti le poids de l’enjeu sur certains, notamment derrière. Il n’y avait pas la fluidité et les envolées habituelle­s mais il faut louer notre force mentale. On a essuyé les salves brivistes et subi des plaquage. Mais on a gagné avec les tripes. » Au bout de leurs ressources pourtant inépuisabl­es. Et Battut de lâcher : « Je suis ravi qu’il n’y ait pas une rencontre de plus à jouer. »

TAYEB : « JE NE SAIS PAS SI MON ÉPOUSE VA COMPRENDRE »

Place maintenant aux emmerdes, à celles de l’enfer si enivrant du Top 14. « Il faut être un peu maso mais on a le temps d’y penser » se marrait Battut. Son président d’assumer : « Les emmerdes, c’est quand on t’appelle et qu’on te dit que tu as un cancer. Bayonne est un club populaire et il fallait donner de la joie à cette région. » Mais le boss finissait par en convenir, devant la masse de travail qui l’attend : « Il va falloir qu’on recrute huit joueurs et qu’on présente un budget à la DNACG… Je devais partir en vacances mais ça va être dur. Je ne sais pas si mon épouse va le comprendre. » Imaginez tout de même que son équipe aussi immature qu’audacieuse va devoir évoluer dans la cour des Clermont, Toulouse, Racing ou Montpellie­r. Un autre monde. « On ne fait pas le même championna­t, rétorque Tayeb. J’ai dit à Paul Goze que le schéma n’avantage pas les clubs qui montent. Depuis deux ou trois ans, ils redescende­nt car on ne laisse pas le temps nécessaire pour avoir un projet viable. Il faudrait un budget de 25 millions d’euros pour exister. Mais peut-être qu’avec 17, 18 ou 19 millions… Je lance un appel aux investisse­urs. On a marqué la saison, cela peut révéler des surprises encore. Je crois que le boulot paye, donc on va s’enfermer avec Yannick Bru dans les prochains jours et on va se battre. J’avais reçu au moins dix coups de fil d’agents après la victoire à Oyonnax et j’avais répondu : « Stop, ce n’est pas la semaine. » » Messieurs les agents, à vos téléphones ! ■

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Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany
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