« LE MILLÉNIAL » DU MILLENNIUM
À 20 ANS ET QUATRE MOIS, ARTHUR VINCENT EST LE PREMIER JOUEUR NÉ APRÈS LA CONSTRUCTION DU MILLENNIUM À FOULER LA PELOUSE DU STADE DE CARDIFF. LE CENTRE MONTPELLIÉRAIN A SURTOUT ÉTÉ UN DES ÉPATANTS HÉROS DE LA VICTOIRE TRICOLORE. UNE VÉRITABLE RÉVÉLATION.
Au moment de pénétrer sur la pelouse du Principality Stadium, samedi, Arthur Vincent était déjà entré dans l’histoire de la mythique enceinte. Pour la première fois de l’histoire, un joueur né après la construction du Millennium foulait sa pelouse dans un test-match international. Lui, l’enfant du 30 septembre 1999 se retrouvait au coeur de l’arène livrée en juin de la même année.
L’information aurait pu rester une simple anecdote. Après quatre-vingts minutes, elle a trouvé une toute autre résonance : le Montpelliérain y a en effet assorti une performance titanesque au centre des lignes arrière tricolores. Le double champion du monde, déconcertant de sérénité et épatant dans l’engagement, a terminé meilleur plaqueur de la partie, fort de ses vingt-et-une interventions. Avec, pour l’éternité, ce retour salvateur sur Nick Tompkins après la sirène, sur ses vingt-deux mètres, quand tout un peuple s’était soulevé pour porter sa sélection vers une victoire inespérée. Samedi soir, dans les travées du Principality, l’intéressé voyait les souvenirs de cette ultime séquence se brouiller, sous l’effet de la fatigue et de l’euphorie : « Sur la dernière action, ça va très vite, je crois que c’est Camille qui le récupère, il revient de nulle part. Je ne sais plus trop... J’étais un peu cramé. A la 60e, je suis encore un peu entré dans le dur. Ca tapait très fort et il y avait beaucoup de rythme. » La vidéo se veut formelle : si le talonneur remplaçant gratte l’ultime munition au sol, la folle cavalcade du joueur des Saracens est bel et bien stoppée par le numéro 12 français. Un des hommes du match, assurément : « Il a sorti une prestation incroyable, résume Laurent Labit. Arthur est un très bon défenseur mais ça, on le savait déjà. »
« IL FAIT TOUT PARFAITEMENT »
L’entraîneur des trois-quarts et l’ensemble de l’encadrement avaient vu juste en maintenant le minot du groupe à son poste et en décalant Gaël Fickou, le capitaine de défense, sur l’aile gauche. A 20 ans et avec trois sélections au compteur, Arthur Vincent présente tous les atouts d’un grand. Il l’a prouvé dans le feu de l’action : « Il me surprend depuis qu’on le suit, reprend le technicien. Avec Montpellier où il s’est installé comme titulaire. Et depuis le stage de Nice, nous pouvons voir qu’il fait tout parfaitement. On a l’impression qu’on peut le mettre à tous les postes, ça ne le dérange pas. Nous lui avions demandé s’il avait des repères à l’aile. Il a répondu : « Oui, j’y ai joué deux fois... » L’intéressé a justement terminé la partie en bord de touche. Sans l’ombre d’un doute : « Ca ne m’a pas perturbé, j’avais déjà tourné à l’aile à l’entraînement et j’y avais joué une fois cette saison. » Vécu minimal, confiance maximale. Le capitaine des Bleuets sacrés champions du monde en Argentine, l’été dernier, connaît une ascension inattendue depuis le début d’année. Imprévisible, déroutante : « Mettre des mots sur ce que je vis, c’est dur. Quand je vois avec qui je joue, où je joue, c’est dingue. En fait, je ne veux pas réaliser. » Ainsi avance Arthur Vincent : vite, sans frein à main. Sur chacune de ses prises de balle, il a gagné des mètres, provoquant une pénalité et créant un des trois franchissements du jour. Interrogé sur son explosivité, il répond avec un large sourire et une sincérité rafraichissante : « Mes potes vous diront pourtant que j’avais la caravane quand j’étais plus jeune. » Depuis samedi, plus personne dans l’Europe du rugby ne voudra les croire. ■