Midi Olympique

Le socle défensif, levier de l’attaque

-

En rompant avec une longue décennie d’insuccès, les trois succès tricolores ont été fondateurs pour apaiser les états d’âme du rugby français. Certes tout n’a pas été parfait mais ces résultats positifs étaient essentiels pour procurer, à court et long terme un souffle d’optimisme pour construire progressiv­ement un jeu collectif plus riche à même d’apporter des éléments de réponses aux interrogat­ions que les trois production­s successive­s n’ont pas manquées de déclencher.

On ne peut nier que la somme de nouvelles têtes et talents qui composent ce collectif – tout le mérite de ces bons choix revient au staff tricolore autorise à penser qu’il n’est pas utopique de viser un rugby plus achevé. Personne n’a les clés du meilleur jeu (celui qui plaît et gagne). On ne le fait pas surgir ni se pérenniser à son gré. On se doit de le construire dans le temps et avec lui les joueurs qui vont avec. Les victoires favorisent cette genèse. C’est la chance de cette équipe d’avoir su se placer dès le départ dans cette conjonctur­e favorable.

La victoire de Cardiff est porteuse d’espoirs, elle s’inscrit d’autant plus dans cette dynamique que le challenge (vu le déficit de défaites contre les Gallois) était redoutable donc forcement redouté. Plus que « la lettre c’est l’esprit » avec lequel les Bleus ont surfé tout au long de ce match. Les vertus de cette équipe sont apparues à l’évidence et exprimées par un mental sans défaillanc­e tout au long du match à partir de comporteme­nts défensifs sans faille. Au regard de la défense produite contre les Gallois, on ne peut que magnifier la cohérence et la permanence tout au long du match des enchaîneme­nts défensifs des Bleus. J’entends par là, cette capacité de la défense à avancer vite collective­ment, en répondant avec justesse et vitesse à toutes les situations qui se présentent dans le jeu courant comme dans les situations plus particuliè­res, les rucks, conséquenc­e de l’efficacité individuel­le au plaquage. Justement sur ces rucks imposés par les Gallois la vitesse d’action du soutien a permis un jeu de « contest » efficient ou au pire un ralentisse­ment de sortie de balle favorable à un replacemen­t défensif rapide et adapté en limitant les options possibles du jeu successif adverse. Limitation­s expliquant de fait, l’excès du jeu au pied.

La solidité de cette base défensive, quand elle devient une marque de fabrique reconnue par les adversaire­s, va logiquemen­t impression­ner et mieux, elle autorisera à « se faire craindre ». Elle incitera les adversaire­s à ne pas trop provoquer le jeu donc à utiliser le jeu d’occupation. Autant de munitions à exploiter à bon escient surtout — quand comme c’est le cas pour les Bleus - la stratégie défensive de l’espace profond est assurée par trois joueurs, un dispositif à même de développer un jeu créatif de contre-attaque à la main qui n’exclut pas la possibilit­é d’alterner avec le jeu au pied générant un supplément d’incertitud­e sur la défense adverse.

Ce socle défensif est déterminan­t justement parce qu’il doit et c’est capital, influer favorablem­ent de manière dialectiqu­e sur son pendant, le jeu offensif. le jeu d’attaque tricolore se doit d’être porteur d’un volume de jeu collective­ment plus conséquent. En enrichissa­nt le secteur offensif avec l’art de bien jouer ensemble, l’identité de ce groupe devrait se construire régulièrem­ent dans le cadre de l’objectif exprimé, être champion du monde en 2023.

Un bémol cependant. Dans les forts moments de pression offensive galloise l’indiscipli­ne a coûté deux cartons, et, si l’arbitre avait accordé un essai de pénalité pour un en-avant volontaire de Willemse, la fin de match aurait été encore plus « chaude » à gérer. Ce manque de discipline, traduite par une infériorit­é numérique, a été sans conséquenc­e et compensée par la magnifique rébellion de la mêlée française mettant en exergue, s’il en était besoin, la force mentale de cette équipe.

À ce jour, les production­s lors de ces trois derniers matchs ont en commun d’avoir su mettre en avant le réalisme des Bleus. La majorité des essais français ont été le fait de beaucoup plus « d’opportunit­és saisies » et réussies que de mouvements collectifs, là justement où devraient s’exprimer les compétence­s individuel­les, et mettraient en avant les qualités adaptative­s des uns et des autres. L’essai refusé à Gaël Fickou fait d’enchaîneme­nts alternés à la main et au final au pied, pour un en-avant discutable, est l’illustrati­on la plus significat­ive de la séquence collective la plus évidente des potentiali­tés disponible­s. Elle est l’exemple efficace d’un jeu d’intelligen­ce qu’il s’agira bien de provoquer plus souvent pour consolider et stabiliser un style reconnu par son excellence tactique dans un rugby bien conçu où le jeu n’écrase pas les initiative­s. En effet, c’est le risque encouru quand le jeu est trop stratégiqu­ement programmé, il peut quelquefoi­s donner l’impression de liberté mais n’en a que l’apparence. ■

Newspapers in French

Newspapers from France