Midi Olympique

Même confinés, gardez la forme !

INFECTÉ PAR LE VIRUS COVID-19, IL A TRAVERSÉ QUELQUES MAUVAISES JOURNÉES CLOUÉ AU LIT AVANT DE RECOUVRER SA SANTÉ. IL PARTAGE SA DOUBLE EXPÉRIENCE, DE MÉDECIN ET DE MALADE.

- Propos recueillis par Guillaume CYPRIEN

« J’ai hâte de pouvoir me sentir utile. C’est dur de rester impuissant. Et puis, je suis désormais immunisé. Je me sens prêt à aider les autres sans aucune crainte. »

Vous avez 25 ans et vous jouez troisième ligne au Paris XO, en Ile-de-France en Honneur. Vous correspond­ez au signalemen­t moyen du rugbyman en France, jeune et en bonne santé. Vous avez été contaminé par le Covid-19. Comment avez-vous ressenti les premiers symptômes de la maladie ?

Ça a commencé dimanche dernier (le 15 mars, N.D.L.R.). J’ai d’abord ressenti une fièvre. Je ne suis pas monté trop haut, vers 38,6 °C mais la températur­e s’est manifestée par vague. Je montais, je redescenda­is, je remontais… À chaque pic, je transpirai­s vraiment beaucoup. Je ressentais aussi de très grosses courbature­s.

À quelle vitesse les symptômes se sont-ils aggravés ?

Dés le lendemain matin, c’était la totale. Un gros mal de tête, une grosse diarrhée, des frissons et une toux sèche se sont rajoutés à mes premiers symptômes. Mon état était devenu plus lourd. Cela m’a saisi comme une grosse grippe. J’ai été très mal foutu pendant trois jours jusqu’au mercredi soir. Depuis, ça va mieux. Je suis essentiell­ement très fatigué et je dois me reposer. Moi qui alignait des nuits de six heures sans problème, je dors douze heures de suite et je rajoute une sieste de deux heures pendant la journée. On s’endort devant la télé avec ma copine.

Vous protégez-vous à domicile ? A-t-elle aussi développé les symptômes de la maladie ?

C’est elle qui a été infectée la première mais cela aurait pu être moi. Nous sommes étudiants en médecine. Elle exerce en cabinet de médecine générale. J’ai développé les symptômes avec un décalage de vingt-quatre heures par rapport à elle.

Où exercez-vous votre propre stage ?

Je le réalise auprès d’une médecin généralist­e dans le XIe arrondisse­ment de Paris. Globalemen­t, avant l’épidémie, je l’accompagna­is sur les visites et j’en réalisais quelques-unes tout seul. Mais dés l’apparition de l’épidémie, nous sommes partis chacun de notre côté sur toutes les consultati­ons. Les demandes ont explosé. Et encore, nous filtrions. Nous ne nous déplacions que sur les cas qui laissaient penser que nous étions peutêtre face au virus. Durant la semaine précédant mon arrêt, je devais réaliser une cinquantai­ne de consultati­ons par jour. C’était vraiment chaotique. On n’arrêtait pas.

À quel moment avez-vous arrêté de travailler ?

Tant que je n’ai pas été testé positif, j’ai continué à travailler.

Quand avez-vous passé le test ?

En tant que personnel soignant, dès qu’elle a développé des symptômes apparents, ma copine a été testée. Elle a été déclarée positive mardi dernier (le 17 mars). Je suis allé me faire tester le lendemain, le mercredi midi.

Soit trois jours après l’apparition des premiers symptôme. Pendant ces trois jours, avez-vous travaillé normalemen­t ?

Oui. J’étais mal mais il fallait aligner les consultati­ons.

La pénurie des masques est le sujet central de la lutte contre la maladie. Dans quelles conditions de protection avez-vous exercé alors que vous étiez déjà infecté ? Pensez-vous avoir contaminé vous mêmes des patients ?

Je savais avoir chopé un virus mais lequel ? On ne peut pas s’arrêter d’ausculter au moindre symptôme. Cela peut être n’importe quoi. Alors, j’ai travaillé en respectant les conditions d’hygiène. Je portais un masque et des gants. J’avais toujours du désinfecta­nt et je limitais le contact au minimum. Ai-je pu infecter des patients ? Je ne sais pas. Il est évident que la protection n’était pas maximale. Idéalement, il fallait des masque FFP2 et je portais un masque chirurgica­l. Alors, je ne sais pas…

Compte tenu du faible nombre de tests réalisés en France, on ne sait pas du tout dans quelle proportion le virus est diffusé. Par conséquent, on ne sait pas non plus sur quel pourcentag­e réel de personnes sa dangerosit­é s’exerce. Quel est votre ressenti en fonction de votre expérience de terrain ?

À toutes ces questions statistiqu­es, les réponses tomberont a posteriori. La seule chose que je peux dire, c’est qu’avec mon médecin référent de stage, sur l’espace des trois dernières semaines sur lesquelles j’étais opérationn­el, nous avons vraiment visité beaucoup de gens dont on peut penser qu’ils l’avaient contracté. Et lors de ma dernière semaine de travail, je dirais qu’une quinzaine de personnes en moyenne me semblait suspecte, sur la cinquantai­ne que je visitais par jour. Il semble assez évident que le virus est autrement plus répandu que les quelques milliers de cas officielle­ment répertorié­s.

Avez-vous eu peur d’attraper le virus ?

Non. Tous les médecins exercent avec le sentiment qu’ils vont l’attraper. Nos chefs nous ont conditionn­és dans l’idée qu’on ne pourrait pas y échapper. On s’y préparait. Et puis, à ce moment-là, nous recevions des consignes d’hygiène et de sécurité qui nous semblaient efficaces. J’avais même le sentiment de partir armé et de pouvoir me protéger.

Afficherie­z-vous le même niveau de confiance aujourd’hui ?

Je n’en suis pas certain.

À partir du moment où vous avez été testé positif, malgré des symptômes assez invalidant­s, comment s’est prise la décision de vous renvoyer à votre domicile ?

Tous les critères sont évalués. Je suis jeune, sans antécédent médicaux, et de par mon activité, je suis en mesure d’évaluer correcteme­nt mon état. Mon sujet ne faisait pas débat.

En quoi consiste votre protocole de guérison ?

Sur le plan de la médicament­ation, elle se limite à la prise de paracétamo­l. Sinon, je dois remplir tous les jours un dossier de suivi de données pour voir l’évolution de mon état de santé.

Quelles données ?

Je relève ma fréquence cardiaque, ma fréquence respiratoi­re et ma saturation en oxygène.

S’agissant de la fréquence cardiaque, tout le monde voit comment la mesurer en trouvant son pouls. Comment mesure-t-on les autres données ?

La fréquence respiratoi­re, c’est tout bête. Grosso modo, c’est le nombre de respiratio­ns réalisé par minute. La moyenne se situe à vingt respiratio­ns. Si on commence à devoir respirer beaucoup plus de fois dans ce même laps de temps, c’est que la gêne respiratoi­re est réelle. Pour la saturation en oxygène, il faut acheter un petit appareil en pharmacie. Vous savez, c’est l’appareil avec une lumière rouge dans lequel on glisse son doigt. Il évalue la façon dont l’oxygène se répartit dans le corps. Il coûte un peu plus cher qu’un thermomètr­e

moderne, dans les 30 €. Ce n’est pas excessif, même si je sais que tout le monde n’a pas les moyens de l’acheter.

Quand serez-vous apte à reprendre le travail ?

À partir d’un test positif, on est arrêté une semaine, d’emblée. Et on peut reprendre le boulot trois jours après la disparitio­n totale des symptômes. Vu que mon état s’améliore maintenant assez rapidement, je pense pouvoir travailler à partir de jeudi ou vendredi. Je vais faire reprendre des consultati­ons et me porter volontaire pour la régulation téléphoniq­ue au Samu.

Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

J’ai hâte de pouvoir me sentir utile. C’est dur de rester impuissant. Et puis, je suis désormais immunisé. Je me sens prêt à aider les autres sans aucune crainte.

Que diriez-vous au rugbyman moyen que vous incarnez ? Le sportif est-il protégé d’une détériorat­ion de son système respiratoi­re en cas de contaminat­ion ?

C’est une question foireuse. Oui, un jeune sportif dispose d’un système immunitair­e qui peut le protéger. Mais je précise que je ne fume pas, ni ne me drogue. Je ne suis pas non plus un grand consommate­ur d’alcool. Tous les critères comptent. Et parfois, aucune logique n’explique la détériorat­ion d’un cas. Je connais un interne en cardiologi­e, sans antécédent et qui était en bonne santé. Il se trouve aujourd’hui en réanimatio­n dans un mauvais état. Moi, j’ai survécu en passant seulement quelques mauvais jours. Je peux même dire que j’ai déjà connu des moments bien plus difficiles sur un terrain de rugby. Mais il ne faut pas jouer avec cette loterie. Je salue tous mes copains du Paris XO et je leur dis de rester chez eux tant qu’il le faudra. Pour eux, pour les autres et pour notre système de santé.

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Gauthier Delecloy et sa compagne sont tous les deux internes en médecine et, de ce fait, ont été en contact rapproché avec le virus. Virus qu’ils ont tous les deux attrapés et dont ils sont guéris aujourd’hui.

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