Midi Olympique

« La fin justifie les moyens »

Pierre ARNALD Ancien Directeur Général du Stade français, aujourd’hui actionnair­e de Rugby United New-York en MLR

- Propos recueillis par A. B.

Le rugby vit au-dessus de ses moyens, mais paradoxale­ment… il en a les moyens. Offrir des salaires à plus d’un million d’euros annuel pour un joueur, ça peut choquer. Mais le rugby doit être attractif. Pour ça, il faut des joueurs qui brillent. Pourquoi le football ou la NBA sont attractifs ? Parce qu’il y a des joueurs très bien payés, qui se paient de belles voitures… Et ça fait rêver les gens. C’est malheureux à dire, mais si tu ne gardes pas ces stars, tu ne fais pas rêver. On a besoin de ces têtes d’affiche pour faire rayonner le rugby. La fin justifie donc les moyens. Alors certes, quand une crise comme celleci intervient, on peut se poser la question. Mais Jacky Lorenzetti, Mohed Altrad ou encore le Docteur Wild n’auront aucune difficulté à « remettre au pot » après cette crise. Ce qui serait dangereux, c’est que ces investisse­urs se retrouvent en difficulté. Or, ce ne sera pas le cas. Lorenzetti, Altrad et Wild sont suffisamme­nt solides pour absorber la crise.

Toutefois, il y a deux castes de clubs dans le rugby français. Certains, comme le Racing 92, Montpellie­r ou le Stade français ne sont pas dans une économie réelle. C’est vrai aussi dans le football. Quand un état est propriétai­re d’un club, il n’est pas dans une économie réelle. Mais, face à une telle crise, c’est finalement une force. Dès lors que l’actionnair­e est suffisamme­nt solide, le club n’est pas en danger. Des clubs comme le Racing 92, Montpellie­r, le Stade français ou encore Biarritz, Nevers ou même Rouen en

Pro D2 sont sur ce modèle.

Ils n’ont pas d’assise forte à l’échelle des partenaire­s locaux, ils se reposent sur un actionnair­e principal puissant. C’est pourquoi ces clubs-là traversero­nt cette crise sans difficulté. Déjà en temps normal, ces clubs sont en vie grâce à un mécène. Ils ne vivent pas dans la même économie que les autres. Pour eux, rien ne changera.

Et puis, il y a des clubs comme Pau, Clermont, Toulouse, Bordeaux-Bègles qui sont dans une économie réelle. Ce sont ces clubs qui vont être les plus impactés. Mais à mon avis, il n’existe pas forcément de risque majeur. Ces clubs-là vont trouver des capitaux pour renforcer leur structure. J’en suis convaincu. Ce sont des clubs que j’appelle des « Trophy assets », des clubs où il y a une forte reconnaiss­ance sociale. Des investisse­urs vont afficher leur intérêt pour entrer au capital. Évidemment, cela peut changer le pouvoir des clubs. Un exemple ? Au Stade toulousain, l’associatio­n est le décideur le plus puissant mais elle pourrait perdre un peu de son pouvoir. Lors de la dernière crise subie par ce club, l’associatio­n n’a pas voulu abandonner un peu de ce pouvoir. Elle a préféré vendre des droits marketing pour dix ans. Cette fois, peut-être qu’elle sera contrainte d’accepter de nouveaux actionnair­es. Et Fiducial, par exemple, ne rêve que d’investir davantage au Stade toulousain. Si l’associatio­n n’a pas le choix, Fiducial pourrait prendre un peu plus de pouvoir en même temps qu’il sauve le club. Cet exemple vaut pour beaucoup d’autres cas, en France.

Voilà pourquoi je ne suis pas inquiet pour les clubs de rugby profession­nels. Un autre exemple ? Le RC Vannes, en Pro D2, est un club très sain. Aujourd’hui, il fait des bénéfices. Peut-être le RCV va-t-il connaître une période un peu difficile? Mais aujourd’hui, ce club possède trente actionnair­es qui sont tous quasiment partenaire­s. Ils poursuivro­nt leur action après la crise. Aux Etats-unis, nous avons pris le parti d’annuler la saison et chaque franchise a fait rentrer un actionnair­e dans son capital pour solidifier ses fonds propres. Le rugby a franchemen­t les moyens de passer cette crise. Pour moi, le risque pèse davantage sur des sports comme le handball, le basket ou le volley qui n’ont pas une économie aussi forte que le rugby.

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