Midi Olympique

« Notre modèle économique est en passe de vaciller »

Thomas LOMBARD Directeur général du Stade français Paris

- Propos recueillis par A. B.

Comment pouvons-nous jouer la fin de saison ? Qui va monter ? Qui va descendre ? Qui sera champion ? Le sujet est important mais il est sans garantie au regard de la situation sanitaire. De plus, il n’influera pas sur l’emballemen­t économique que subit le rugby pro depuis quelques années. Arrêtons. Le véritable enjeu est ailleurs. Si nous nous trouvons dans cette situation, c’est que notre système est trop vulnérable. Le modèle économique du rugby est en passe de vaciller à cause de cette crise. Nous avons été probableme­nt beaucoup trop loin et j’inclus mon club dans ce constat. Le caractère d’urgence qui est le nôtre aujourd’hui, à savoir comment les clubs de rugby vont-ils pouvoir survivre ? C’est justement parce qu’on a été trop loin. Aujourd’hui, la question de fond, c’est de savoir si notre système n’est pas surdimensi­onné. À mon sens, le rugby vit clairement au-dessus de ses moyens. La finalité n’est pas d’affirmer qu’il faut absolument baisser les salaires des joueurs pour que tout aille mieux mais il faut être plus raisonnabl­e. Nous devons créer de la valeur et davantage d’actifs pour nos clubs. Peut-être faut-il donner aux joueurs des émoluments qui soient plus encadrés avec des vraies grilles de salaires et sans doute moins d’écart avec les autres Nations. Le sujet de la valorisati­on de la formation mérite aussi d’être soulevé. Tout ça doit être mis sur la table. Et puis, si les clubs reposent sur des personnali­tés de bonnes volontés (je suis bien placé pour le savoir) ou des entreprise­s, le rugby s’est trop engouffré dans ce modèle-là et n’a pas su créer les conditions pour générer une économie suffisante pour résister même temporaire­ment une situation comme celle d’aujourd’hui. Regardons à l’échelle mondiale : dans l’hémisphère Sud, tout le monde est à l’agonie. L’Argentine va très mal, l’Australie aussi. L’Afrique du Sud est en survie. Même la Nouvelle-Zélande a des difficulté­s. Le mode de fonctionne­ment est bancal. Alors, audelà de discuter sur la possibilit­é de reprendre ou non le championna­t, d’éventuelle­s montées ou de descentes, nous devons utiliser cette période pour nous interroger sur la viabilité de notre rugby profession­nel. Nous marchons sur un fil de pêche. Et à la moindre rafale de vent, certains peuvent tomber dans le précipice. Ne pas envisager cette refonte quand la situation de crise le permet serait une énorme erreur stratégiqu­e.

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