Midi Olympique

L’état de manque

- Emmanuel MASSICARD emmanuel.massicard@midi-olympique.fr

Le terrain vous manque ? Figurezvou­s qu’à nous aussi. Étonnant, non ! En ce jour de bascule, entre fin d’un confinemen­t strict et début d’une quinzaine cruciale vers le… déconfinem­ent (quel drôle de mot quand même), nous sommes déjà mi-mai.

En temps ordinaire, on joue encore à cette période. Et l’on se prépare même à vivre la quintessen­ce de ce jeu : les phases finales. C’est le meilleur de notre sport qui s’ouvre aux premières chaleurs ; un sprint nerveux vers la gloire, incertain et parfois même imprévisib­le : les champions sont rarement les premiers du classement.

Certains pragmatiqu­es détestent et prônent le titre pour le vainqueur aux points. Pas nous. Très franchemen­t, on adore les phases finales et qu’importe si la logique est bafouée. Le rêve est toujours là, à portée de mains. Alors, hors de question d’y toucher. Ce serait tuer la poule aux oeufs d’or.

Cette année, nous devrons faire l’impasse. Après deux mois sans rugby, le manque est total. Le télétravai­l ne fait pas de miracle : les ballons qui traînent dans la rédaction ne volent plus par-dessus les ordinateur­s. Même ce terrain est désert…

Depuis huit semaines, certains amis proches, dirigeants, joueurs ou lecteurs, nous demandent régulièrem­ent comment nous faisons pour sortir deux journaux par semaine, à alimenter nos sites et réseaux sociaux avec tant de qualité et de diversité (merci). La réponse est immuable : même sans terrain et sans phase finale, l’actualité déborde. Le rugby est toujours là, qui nous occupe comme jamais. Nous préoccupe aussi, parfois…

Sans match, à poil, ce jeu conserve ce qu’il a de plus fondamenta­l : l’engagement et la simplicité de ses hommes, dont nombreux sont engagés sur le terrain de la solidarité. Avec eux, nous avançons. Mieux, nous retrouvons le sens du rugby et l’ADN d’une discipline qui a longtemps assumé ses différence­s avant de ressembler à monsieur-tout-le-monde. Ce retour aux sources éclaire le chemin d’un jour nouveau. Il ne faudra pas l’oublier.

Et puis, il reste les secrets de l’histoire pour se souvenir et s’émouvoir… Les hommages tel celui que nous rendons dans ce journal à Robert Bru, père de la méthode toulousain­e… Les débats et l’opinion pour nourrir les discussion­s. L’avenir pour nous faire avancer… Là encore, les sujets ne manquent pas. Ici même, mi-mars, Midol avait pris position : le vide sportif devait être un terreau fertile pour gommer les lacunes perfides de notre univers ovale. En premier lieu au niveau calendrier internatio­nal, avec les formats de compétitio­n et l’harmonisat­ion des saisons. Le chantier est dantesque. Tout le monde en parle aujourd’hui, ce n’est plus tabou. Ce n’est pas non plus l’assurance d’un changement pour demain.

Autre thématique qui nous semblait essentiell­e à considérer : l’avenir du rugby amateur, chez nous, en France. Avec une pyramide des compétitio­ns qui a tendance à s’inverser, en se musclant dangereuse­ment au sommet (les divisions fédérales) pour se dépeupler dans certains comités, à la base (en territoria­l). Sujet sensible. Clairement risqué parce qu’impopulair­e.

Nous pourrions jurer qu’il est désormais vital de redynamise­r les territoire­s, de rallumer la flamme des derbies et de cantons, de repeupler les Séries régionales autant que les écoles de rugby. Il nous semble même que c’est ici le véritable sens de l’histoire. C’est pourtant tout l’inverse qui s’écrit aujourd’hui avec une sortie de crise qui tire notre monde toujours plus haut. On parle d’une division « Nationale », au sommet des amateurs : cette fameuse antichambr­e du monde profession­nel qui fait tant fantasmer loin de la base. Loin du coeur de notre rugby.

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