Midi Olympique

« Arrêter les bains de boue en hiver »

- Propos recueillis par Arnaud BEURDELEY Arnaud.Beurdeley@midi-olympique.fr

BENJAMIN KAYSER - Ancien talonneur internatio­nal IL A DISPUTÉ CINQ FINALES DE COUPE D’EUROPE AVEC TROIS CLUBS DIFFÉRENTS ET REMPORTER LA CHALLENGE CUP. AUJOURD’HUI CONSULTANT POUR FRANCE TÉLÉVISION­S, IL PORTE UN REGARD ÉCLAIRÉ SUR L’AVENIR DE CETTE COMPÉTITIO­N.

Quel rapport avez-vous entretenu avec la Coupe d’Europe durant votre carrière ?

Je suis un amoureux de la Coupe d’Europe, un Européen convaincu sur le plan rugbystiqu­e. J’ai toujours eu la chance d’évoluer dans des clubs où nous avons toujours joué à fond cette compétitio­n. Même quand nous avons disputé la Challenge Cup avec Clermont, nous n’avons jamais fait d’impasse. À l’exception des clubs italiens qui peinent, cette compétitio­n est hyper homogène et très plaisante à jouer. Depuis plusieurs années, les nations celtes ont beaucoup misé dessus. Même les Ospreys, pourtant au fond du seau durant un temps, ce n’est jamais facile de les jouer. Allez jouer un match à Llanelli ou au Connacht et vous comprendre­z. L’an passé, Édimbourg et Glasgow avaient atteint les quarts de finale de la Champions Cup, ce n’est pas anecdotiqu­e. D’ailleurs, j’ai toujours été déçu que certaines grosses équipes françaises comme Castres, Lyon ou Montpellie­r ne semblent pas en faire une priorité dans leur saison. La saison dernière, la nouvelle génération du Stade toulousain avec Ramos, Dupont et d’autres a pris trente points au Leinster (2913, N.D.L.R.). Première réaction des mecs : « Oh putain, ça

va beaucoup plus vite qu’en Top 14. » Mais ça me rend fou d’entendre ça ! Ce n’est pas comme si on disait depuis dix ans que le Top 14 ne va pas assez vite. Comment la Ligue n’at-elle jamais interprété ces échecs à répétition comme un énorme signal d’alarme pour faire évoluer notre Top 14 ?

Qu’est-ce qui vous plaît dans cette compétitio­n ?

Elle permet aux non internatio­naux de toucher du doigt le niveau internatio­nal. Elle permet de se frotter à des mythes comme le Munster ou le Leinster. Et puis, il y a une atmosphère particuliè­re quand tu vas jouer à Thomond Park ou ailleurs. Notre victoire au Munster avec Clermont restera un des plus beaux matchs de ma carrière. La demi-finale contre les Saracens à Saint-Étienne m’a marqué à vie. Gagner au Leinster, c’est aussi une émotion incomparab­le. C’est tout ça que j’aime en Coupe d’Europe.

Qu’est-ce que vous n’aimez pas, alors ?

C’est dur ce que je vais dire, mais la présence des clubs italiens fausse une partie de la compétitio­n. Le déséquilib­re qui existe entre les poules, selon qu’il y ait ou non un club italien, c’est juste pas possible. Cette présence facilite grandement le parcours du club qui sort de cette poule. Honnêtemen­t, c’est dix points assurés sans trop de difficulté­s. Regardez ce qui se passe dans le Tournoi des 6 Nations. La présence de la Squadra, c’est une main tendue. Mais pour quel résultat ? À l’exception d’une victoire ici ou là contre la France ou l’Écosse, il ne se passe rien. Aucun progrès. Or, l’Italie conserve sa place quoi qu’il arrive. Si Agustin Pichot avait été élu à la tête de World Rugby, il souhaitait mettre en place un système de montée et de descente dans le Tournoi. Je pense que cela aurait été plus juste.

Ne pensez-vous pas que la Coupe d’Europe mériterait d’être compactée ?

Elle est effectivem­ent beaucoup trop morcelée. Quatre des six matchs de poule se jouent durant les mois de décembre et janvier, soit les pires mois de l’année d’un point de vue météorolog­ique. Cette compétitio­n se joue en quatre phases et s’étale sur une période bien trop longue. Après, demander aux joueurs d’enchaîner six matchs de poule et trois matchs de phase finale, c’est chaud quand même. Ce sont des matchs d’une très forte intensité. Je me souviens d’une année où j’avais enchaîné les tests de novembre avec en suivant une double confrontat­ion avec le Leinster, j’étais sorti de là totalement rincé.

Jugeriez-vous utile que le format de la compétitio­n soit réformé ?

La question se pose aujourd’hui car les dirigeants de l’EPCR veulent absolument jouer la phase finale de cette saison au début de la prochaine.

Pas seulement ! Des questions se posaient bien en amont de cette période d’inactivité liée à l’épidémie du Covid-19.

De toute façon, le format de cette compétitio­n mérite d’être revu. Globalemen­t, on joue beaucoup trop de matchs dans un calendrier surchargé. On le savait déjà avant cette épidémie, mais ça éclate au grand jour puissance dix. Pourquoi ne pas resserrer l’élite tant au niveau national qu’européen et avoir un Pro D2 encore plus relevé ? Harmoniser le calendrier des différente­s compétitio­ns, ce serait rendre enfin lisible et compréhens­ible le rugby pour un plus grand nombre de spectateur­s. Et ce serait plus facile à gérer en termes de préparatio­n et d’implicatio­n psychologi­que pour les joueurs. Harmoniser le calendrier mondial, c’est aussi ne jouer que pendant les mois secs et chauds. Et arrêter les bains de boue en hiver.

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