Controverse sur le double projet
J’ai eu la chance comme beaucoup de joueurs de l’époque de pouvoir bâtir harmonieusement, en même temps, ma vie sportive et professionnelle et d’y réussir dans les deux domaines, c’est du moins mon ressenti. Au lycée de Brive d’abord où j’ai approché le rugby à XV dans le cadre scolaire. Jouer au rugby au sein de l’établissement apportait une première reconnaissance, auprès de l’institution et des autres élèves et ouvrait la porte des clubs locaux les plus connus. Les plus talentueux pouvaient espérer une sélection dans l’équipe de France scolaire qui, comme son équivalente l’équipe de France fédérale juniors, était amenée à rencontrer leurs homologues britanniques.
Dans la continuité, à Toulouse, l’avancée dans le cursus universitaire – quel que soit le parcours d’études choisi — permettait de gérer études et conjointement les exigences compétitives en club et à l’université où l’on jouait d’abord dans le cadre d’une compétition académique impliquant les différentes filières (médecine, Sciences, Staps, etc.) qui conduisaient à un championnat de France interuniversités logiquement plus relevé. À Toulouse la faculté de médecine était régulièrement championne de France avec des joueurs en provenance des nombreux clubs de première division de la région. On régulait sans soucis, avec l’aval des clubs, les contraintes de formation universitaire, les entraînements en clubs (trois par semaine à cette époque), les matchs du dimanche et en plus ceux du jeudi. Soulignons qu’a Toulouse les matchs universitaires étaient suivis par un nombreux public sûrement aussi à cause des joueurs connus qui composaient ces collectifs.
À l’université pas d’entraînement, chacun s’entraînait dans son club mais avec beaucoup moins d’exigences physiques qu’aujourd’hui. Cependant pour le joueur, le volume annuel de pratique compétitive réelle, entre matchs club/université, était certainement supérieur au temps de jeu moyen annuel des professionnels actuels. Cerise sur le gâteau, la sélection des meilleurs joueurs de Toulouse et Bordeaux s’affrontaient chaque année au Stadium ou à Chaban-Delmas. Une sorte de fête du sport universitaire à ne pas manquer puisque ce défi opposait aussi les autres sports collectifs, un moment de solidarité puisque la coupe était attribuée en additionnant les victoires des diverses disciplines. Enfin, l’équipe de France universitaire réunissait l’élite étudiante. Avec un calendrier conséquent, cette équipe apportait visibilité et notoriété, elle s’avérait être un tremplin précieux d’accès à l’équipe nationale. De nombreux joueurs ont suivi ce cheminement. Le rugby universitaire se vivait sans pression, c’était le jeu qui fonctionnait, pas les discours, un jeu empreint, de liberté, de traditions, d’une vie sociale étudiante forcement unissante et fidélisante.
UN ENJEU PAS FORCÉMENT INCOMPATIBLE
Le rugby tant scolaire qu’universitaire s’est aujourd’hui bien étiolé pour de nombreuses raisons. On ne peut que le regretter. Thomas Lombard maintenant à la tête du Stade français s’était ému dans Midi Olympique des carences du système de formation mettant en avant le peu d’efficience pour les joueurs du « double projet articulé sur les objectifs sportifs et les objectifs de formation générale (scolaires, universitaires ou professionnelles) ». Les exigences de l’accomplissement sportif qui reste « la passion » de tout rugbyman de haut niveau sembleraient en contradiction avec la possibilité tout en même temps à accéder à une réussite dans le domaine choisi. Obtenir un réel équilibre entre ces deux composantes du projet afin d’accéder à terme à une reconversion réussie ne me semble pas être un enjeu incompatible. Certains clubs et centres de formation fonctionnent mieux que d’autres sur ce challenge.
Le système actuel a marché et peut fonctionner pour quelques-uns, mais beaucoup d’autres restent sur la route. La croyance que les deux sont possibles est fondamentale. On sait que toute réussite est conditionnée, à l’acceptation par le joueur de ne pas subir ce choix. Ressentir cette option comme pénalisante sur son rendement sportif entraîne rapidement l’abandon. Par contrecoup, la réussite passe par l’aval sans restriction du manager et du staff technique du club, voire indirectement des partenaires impliqués dans la seule dimension de performance sportive. Tout une culture club à créer.
RANIMER LES CLUBS UNIVERSITAIRES
Ne rêvons pas, on ne reviendra pas en arrière. Cependant, au regard de la crise actuelle qui a fait surgir des risques majeurs pour le rugby, on peut espérer qu’elle puisse générer des opportunités. D’abord dans les clubs pros des grandes villes qui bénéficient au sein des universités l’accès à toutes les filières. Il s’agit bien de dépasser les formations limitées proposées aux jeunes espoirs dans les centres de formations sachant que les sportifs de haut niveau listés par le ministère sont favorisés dans le tri de « Parcours Sup ». Ceci leur autorise des aménagements horaires dans le temps largement exploitable (notons que le ministère des Sports dans les dernières instructions sur les centres de formation semble souhaiter faire évoluer et recadrer le fonctionnement des centres). Pourquoi également, ne pas s’associer et conventionner avec les clubs universitaires existants. Ils sont aujourd’hui à la peine. Les ranimer en leur confiant d’accueillir et former les jeunes talents juste après le bac. On sait que les premières années d’études sont les plus compliquées, ce qui explique souvent l’abandon des études ambitionnées pour se consacrer à la réussite rugbystique. Les fins de cursus sont, dans la continuité, plus accessibles. Ceci n’a de sens que si le club universitaire est assuré de présenter un niveau de compétition adéquat. Justement est-il si utopique de penser que l’on puisse profiter de la création de la division Nationale, pour favoriser rapidement l’accession de clubs universitaires à ce niveau de compétition selon des modalités économiques, juridique etc. à définir. La spécificité club universitaire formateur prendrait un sens enrichi. À plus long terme, ce pari redonnerait une visibilité à ces clubs, ce qui devrait inciter la Fédération du Sport Universitaire à revisiter tout à la fois, les formes, l’esprit des compétitions actuelles et à revitaliser l’équipe de France U avec des joueurs en devenir. Dans cette optique, il n’est pas illusoire de penser trouver des entreprises partenaires pour développer ce projet pour construire des rugbymen bien armés dans leur corps et dans leur tête. Une vision qui se doit d’être réalisée dans le moyen terme avec des contraintes progressives, soutenables, et, in fine, fédératrices. ■
J’ai lu le protocole sanitaire pour la reprise du rugby. Il ressemble, comme deux gouttes d’eau, à celui des écoles ! Mais il sera sans doute adouci avec la fin de cette satanée épidémie. Sûr que l’on va reprendre et en même temps, comme le dit le Président, pas de risque mettant en jeu les pratiquants et les supporters. Les footeux reprennent et bientôt le « classico » avec ou sans Mourad ? Nous, plus modestement, nous nous retrouvons dans la position infantile de retourner dans le pays de nos rêves et dans la majorité des contes, on pénètre dans le château fort en sautant à cheval le pont-levis, au dernier moment alors qu’il se soulève. Comment interpréter, rugbystiquement, ce moment de grâce et de victoire ? Le château fort c’est la puissance, celle des rois. Avant c’était, justement, le Parc des Princes. C’est là que se trouve, gardé le « bout de bois ». Les joueurs, les supporters doivent sauter ce pont et sombrer dans le bonheur total.
Tout au long de ces mois, on doit remercier le « Midol » d’avoir maintenu les liens. J’ai adoré lire les propos de Champ, fidèle guerrier de la rade, ému, bien sûr pour Gallion, le petit prince du rugby, admiré la finesse d’Orso et me lécher les babines en pensant à ses fleurs de courgettes, l’ombre de Diaz, le pilier le plus redouté et l’élégant Carbonel dont le petit est notre avenir. Mais merci à tous les autres clubs, on n’existe que grâce à eux. Daniel enfin, torrent de poésie, de verve et de talent. Fier d’avoir croisé ta route ! Alors, tranquilles pour la suite. Jouir de l’été, des blagueries tardives et pour la reprise on sait « que le plaisir s’accroît lorsque l’effet se recule ». Comme quoi Racine aurait pu être puciste ! Allez à cheval, on saute le pont-levis, j’ai failli être en retard et vive l’automne. C’est là, les gars, les filles qu’on saute ! ■