Midi Olympique

« On ne peut pas reconfiner les joueurs »

PIERRE MIGNONI Manager de Lyon

- Propos recueillis par Simon VALZER simon.valzer@midi-olympique.fr

On dit à nos joueurs depuis trois mois, voire depuis six mois que le Covid est là et qu’ils doivent être sérieux. Le sontils ? Oui, je le crois. Après, ce sont des jeunes gens qui vivent comme vous et moi, qui font leurs courses, qui vont manger au restaurant… Comme tout le monde, ils font attention. Ils vivent avec. Mais malgré tout, cela ne garantit pas le risque zéro. Si un ou deux déconnent, on les remet aussitôt à l’heure, mais j’ai envie de dire que la très grande majorité des joueurs font attention. Je les trouve réceptifs à notre discours, et responsabl­es. Ils en sont conscients. Encore une fois un joueur peut très bien déconner et faire une soirée sans masque et en revenir sain, alors qu’un autre très sérieux pourra attraper le virus malgré lui en faisant ses courses. Il ne faut pas blâmer les uns et les autres, il faut vivre avec et mieux vivre avec. Quand les joueurs quittent le club, on ne les surveille pas. Mais nos docteurs se battent en permanence avec eux pour les masques, pour ceci, pour cela… Ils sont conscients. Je ne pense pas que l’on puisse reconfiner les joueurs. Certes, ils l’ont fait à XIII en Australie, mais on ne peut pas le faire à XV. Ils ont fait une compétitio­n très courte, sur un mois et demi. Nous, notre saison dure onze mois. Si je dis à mes joueurs qu’on va les confiner onze mois, ils vont se suicider ! Notre calendrier n’est pas adapté à cela. Si l’on jouait tous les quinze jours, on pourrait se confiner quinze jours, jouer et se relâcher ensuite. Mais même comme cela, on ne fera pas cinq matchs… On en fera deux ou trois tout au plus. C’est donc utopique. Disputer la Coupe d’Europe en créant un bulle comme c’est le cas en Champions League ou en NBA ? Oui c’est possible. Enfin, encore une fois ça l’est si le calendrier nous le permet. Or ce n’est pas le cas car nous avons des dates en novembre, en décembre, en janvier. Même pour terminer la précédente Coupe d’Europe : on pourrait enchaîner quarts et demi-finales, mais on ne pourrait pas enchaîner la finale à cause du calendrier puisqu’elle n’est pas prévue la semaine suivante…

Je pense qu’il faut être réaliste, protéger les joueurs par un protocole qui nous permettra d’éliminer les joueurs positifs asymptomat­iques mais cela ne veut pas dire que les autres ne sont pas aptes à jouer. Au-delà de la question du comporteme­nt de nos joueurs, je dois reconnaîtr­e que je suis inquiet. Très inquiet, comme depuis le début de cette crise sanitaire. Ce n’est pas vraiment une surprise malheureus­ement, on savait que l’on allait avoir un retour de cas. On sait tous que le virus circule encore et comment voulez-vous que nous, sportifs, échappions à ce qui arrive à Monsieur Tout le monde ? J’attends avec impatience le nouveau protocole de la commission médicale de la Ligue, qui sortira lundi. Je pense qu’il sera assoupli, et je pense qu’il vaut mieux qu’il le soit. Pas pour mettre en danger qui que ce soit, soyons clairs. Mais dans l’intérêt de notre sport, de sa survie et de nos emplois à tous, il faut que l’on puisse continuer à jouer et que l’on mette du rugby à la télé, sans prendre le moindre risque pour les joueurs. Comme dans la vie de tous les jours, il faut que l’on vive avec. Le rugby doit aussi vivre avec pour que les clubs et les fédération­s survivent. Après, je ne suis pas médecin donc je ne suis pas compétent pour m’exprimer sur cet assoupliss­ement. Mais je le dis comme je le vis au quotidien : nous avons eu trois cas positifs. Nous avons respecté le protocole à la lettre, sorti les trois cas, on s’est isolé, on a repris à la phase 2, on a annulé notre stage, etc. Aujourd’hui, si on fait cela, il est clair que l’on ne peut pas jouer. Les matchs s’annulent les uns après les autres, on le voit bien. Jusqu’au prochain… On doit donc faire comme Monsier Tout le monde, qui continue à aller travailler tout en faisant très attention. Continuer les tests, les protocoles. Et si l’on est positif, il faut tout de suite s’isoler et retester les autres mais continuer l’entraîneme­nt avec les joueurs sains. Et si l’on a trop de cas sur un seul club comme on le voit aujourd’hui, il faudra peut-être déclarer forfait. Peut-être… encore une fois je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que l’on doit revenir à ce qui est le plus important : d’abord, la santé de tous. Ensuite, la survie de notre sport qui doit être joué et vu. Aujourd’hui, le plus important n’est pas d’être champion, de monter, de descendre ou je ne sais quoi. Le plus important, c’est que notre sport continue à être pratiqué. Est-ce que l’on n’a pas intérêt aujourd’hui à se retirer cette pression des résultats et se contenter simplement de jouer au rugby, et de jouer le maximum de matchs en toute sécurité pour relancer l’économie des clubs et des fédération­s plutôt que de tirer à vue chacun de son côté. ■

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