Midi Olympique

LAPORTE DANS LA CAMPAGNE

CETTE SEMAINE, BERNARD LAPORTE A LANCÉ SA CAMPAGNE POUR LA PRÉSIDENCE DE LA FFR. POUR MIDI OLYMPIQUE, IL DRESSE LE BILAN DE SON PREMIER MANDAT ET PRÉSENTE SES ENGAGEMENT­S POUR L’AVENIR.

- Propos recueillis par Pierre-Laurent GOU pierre-laurent.gou@midi-olympique.fr

« J’ai fait le choix de faire une campagne d’un mois et demi et que durant ce laps de temps, je souhaite aller à la rencontre d’un maximum de clubs. Le juge de paix sera l’élection. »

● Première semaine marathon pour Bernard Laporte qui a lancé sa campagne mercredi à Carqueiran­ne dans le Var et a effectué, en cinq jours, un premier tour de France, d’Aix-les-Bains à Vannes en passant par Miélan dans le Gers vendredi soir, où il nous a accordé ce long entretien. Entre temps, il avait tenu meeting devant une assemblée de près de 120 personnes dont plus de 60 présidents venus des Hautes-Pyrénées, du Gers, du Lot-et-Garonne ou du Tarn-et-Garonne, puis répondu à leurs questions. Avec sa gouaille, il a rapidement convaincu l’assemblée s’appuyant sur ses lieutenant­s Simon, Dullin et Martinez, pour argumenter ses réponses. S’il a choisi de partir en campagne à la fin de l’été, il tient à défendre son bilan mais pas seulement. Samedi matin à Peyrehorad­e, il a présenté ses 15 nouveaux engagement­s. Il souhaite, selon ses propres termes, reconquéri­r le sommet du rugby mondial avec, comme ambitions affichées, que le XV féminin soit champion du monde dès 2021, que le XV de France remporte sa Coupe du monde en 2023 mais aussi décrocher les deux médailles d’or aux jeux Olympiques de Paris en 2024. Laporte veut accélerer la féminisati­on de la pratique et des instances, se tourner d’avantage vers les Outre-Mers et gagner 100 000 licenciés d’ici 2024. Il doit détailler ses quinze engagement­s dans ses prochaines réunions notamment en fin de semaine prochaine où il ira à la rencontre des clubs du Roussillon. ■

Pourquoi êtes-vous entré en campagne seulement maintenant ?

Je ne pouvais pas faillir devant mes responsabi­lités. Il y avait une fédération à gérer dans un moment délicat. Le pays est entré dans une phase de crise inédite depuis la mi-mars et l’impératif était de continuer à gouverner la FFR, soutenir les clubs amateurs et profession­nels durant cette période. Une campagne, c’est quelque chose d’important certes mais je devais, il me semble, rester le plus longtemps possible à travailler à Marcoussis. J’avais aussi d’autres chantiers, notamment avec World Rugby et l’élaboratio­n du futur calendrier internatio­nal. J’ai peut-être pris du retard dans la campagne mais je n’ai pas à rougir de mon bilan, bien au contraire. D’ailleurs, et c’est la tradition, je vais venir à la rencontre des clubs dans les prochaines semaines, comme je le fais deux fois par semaine depuis que je suis élu, les écouter, mais aussi leur présenter mes actes et mes faits ou plutôt ceux de mon équipe. C’est là-dessus que je souhaite être jugé, sur mes actes, par sur ce qui peut s’écrire sur moi. Tout est sur la table.

Pourquoi alors ne pas avoir reporté les élections, comme le demandait l’opposition ?

Aujourd’hui dans le cadre qui est donné par le législateu­r, il n’y avait aucune obligation ni nécessité de décaler les élections. Le décret ministérie­l permet de reporter la date limite des élections des fédération­s. C’était au 31 décembre et cela passe au 30 avril. Pourquoi ? Non pas en raison du temps de campagne, mais parce qu’il y a des fédération­s comme celle du football, qui ont une organisati­on des élections pyramidale, qui part de la base jusqu’au sommet, en trois phases, et la première devait se tenir pendant le confinemen­t et c’est pour cela que tout a été décalé chez eux. C’est pour cela que le législateu­r a permis ce décalage. Dans notre cas, le calendrier électoral voté il y a 18 mois, est prévu avec un scrutin le 3 octobre, puis il y aura les Ligues, puis les départemen­ts. Décaler les élections aurait de plus un surcoût non négligeabl­e. La campagne a été certes traversée par la crise. Le

CNOSF a rappelé que la FFR était dans son bon droit, le reste…

Et l’absence de débat avec le candidat Florian Grill ?

Je mène ma campagne comme je l’entends. Je rappelle juste, que sous ma mandature, pour la première fois, un cadre électoral a été adopté pour fixer les règles à suivre. J’entends le faire. J’ai fait le choix de faire une campagne d’un mois et demi et que durant ce laps de temps, je souhaite aller à la rencontre d’un maximum de clubs. Le juge de paix sera l’élection. De plus, le vote sera direct et sans aucune manipulati­on possible, sans porteur de voix, ce seront les clubs qui décideront, voteront et éliront le président de la fédération.

Vous avez choisi, sur votre liste, de conserver pas mal d’élus comme Alexandre Martinez, Christian Dullin ou encore Serge Simon. Pour quelles raisons ?

Parce qu’ils sont compétents, sont à mes côtés depuis le début, il y a près de cinq ans et que je ne vois pas pourquoi j’aurai dû m’en séparer.

Mais pas de Maurice Buzy-Pécheux, pourtant l’artisan de la nouvelle Division Nationale, pourquoi ?

C’est sa volonté personnell­e et que je respecte même si je le regrette. La porte de la fédération lui sera toujours grande ouverte. C’est quelqu’un d’extraordin­aire, qui représente parfaiteme­nt le rugby des terroirs. Il a abattu un travail colossal. Il a beaucoup donné.

Pourquoi postuler à un deuxième mandat ?

D’abord, et c’est important de le rappeler, je ne pourrai pas rester à la tête de la FFR, 10, 20 ou 30 ans. Nous avons limité à deux mandats, l’action du président. Donc, au maximum, ce sera huit ans pour moi. La bonne période pour bien faire les choses. Les quatre premières années, tu lances tes actions mais le travail n’est pas fini. Notamment l’organisati­on et l’héritage qui découlera de la Coupe du monde 2023. Il faut préparer ce qui va arriver. Ce deuxième mandat doit être le deuxième étage de la fusée. Je veux accentuer la politique de redistribu­tion envers les clubs qui a été lancée, je veux travailler sur la proximité des services de Marcoussis avec les clubs, que les liens qui ont été créés grossissen­t.

Si vous deviez dresser le bilan de votre premier mandat, quelles sont les cinq mesures les plus fortes à retenir ?

D’abord, d’avoir rendu le pouvoir aux clubs et cela, on ne pourra plus revenir en arrière ! Cette démocratie directe est une vraie avancée. Ensuite d’avoir remis le XV de France dans l’axe, dans le sens de la marche. Cela n’a pas été facile, cela s’est fait dans la douleur, avec des décisions qui ont été difficiles à prendre, où je me suis posé pas mal de questions. Mais aujourd’hui, je tiens à souligner l’excellence du travail réalisé par Fabien Galthié et Raphaël Ibanez. Ils ont été plus vite que je ne le pensais. Je les félicite même si je sais que le chemin est encore long. L’ambition c’est d’être champion du monde à la maison en 2023 ! Les Bleus refont rêver les gosses depuis quelques mois. Troisième mesure, inverser la logique financière de la fédération. Lors des dernières années de l’ancienne présidence, ils ont accumulé des sommes incroyable­s. Pour financer le projet Grand Stade, il fallait que la fédération possède des fonds propres vertigineu­x, au travers d’une politique de taxation terrible envers les clubs. Et si jamais nous n’avions pas arrêté ce projet de Grand Stade, en 2020, la FFR aurait dû rembourser 56 millions d’euros d’emprunt bancaire ! Nous n’en parlons plus parce que nous l’avons arrêté dès que nous sommes arrivés au pouvoir mais on a frisé la catastroph­e ! Cette folie dictée par la logique financière a été inversée. Oui, il faut équilibrer les comptes chaque année, mais redistribu­ons le plus possible aux clubs.

Oui mais votre bilan cette année va être déficitair­e ?

Je ne dois pas en parler normalemen­t, mais bon, nous allons présenter les comptes du budget annuel, avant les élections et non après, comme certains le prétendent, notamment lors du comité directeur du 4 septembre et ils seront bons. Au moins encore à l’équilibre, malgré la crise du Covid et ses conséquenc­es. Mais laissez, s’il vous plaît, à Alexandre Martinez, la possibilit­é de vous révéler les détails après le prochain comité directeur. Je reviens à mon bilan. Quatrième mesure, les CTC, ou Cadre Technique de Club pour distiller la politique de formation partout en France. Personne n’y croyait et portant le dernier CDI, le 162e a été signé le 30 juin dernier. Une éducatrice. Certes, cela coûte 9 millions d’euros par an à la fédération, mais ces CTC, comme la trentaine de Cadres Techniques de Ligue, qui sont une pièce maîtresse, va faciliter la vie des clubs. Enfin, d’avoir réussi la création des treize Ligues régionales qui était un chantier colossal mené par Henri Mondino, qui a fait sauter les baronnies, ces comités territoria­ux qui ne correspond­aient à rien au niveau administra­tif. Cela a permis une véritable décentrali­sation de la fédération avec des Ligues, comme l’Occitanie, qui ont pris leur vitesse de croisière, en investissa­nt sur les éléments de proximité que sont les comités départemen­taux qui avant étaient complèteme­nt délaissés. Cela a permis de restructur­er la pyramide fédérale.

Est-ce qu’en cas de victoire de votre part le 3 octobre prochain, vous allez vous investir dans les élections de Ligue, notamment en Occitanie où devrait figurer sur la liste pro Grill, un certain Guy Novès ?

À la FFR, nous avons choisi notre calendrier électoral avec d’abord celle nationale, puis celles régionales et enfin celle des départemen­ts, pour effectivem­ent et ce quel que soit le gagnant à la présidence de la FFR, il puisse s’appuyer sur ses régions. Et pour cela, si je suis réélu, j’appuierai certaines candidatur­es, tout comme dans les départemen­ts.

Arrivez-vous à faire cohabiter vos deux mandats à la FFR et aussi comme vice-président de World Rugby ?

Il n’y aura aucun problème. Le fait d’être dans les instances internatio­nales va faciliter mon travail à la fédération. Prenons un exemple, je suis membre de la commission des règles. Jusqu’à maintenant, c’était le Sud qui décidait comment on allait jouer en France en Top 14 ou en Séries régionales. D’être à cette commission, moi l’ancien technicien, me permet de porter la voix de la France qui était absente auparavant.

Un mot sur CVC, qui doit prendre une participat­ion dans le Tournoi des 6 Nations ?

D’abord, je tiens à préciser que rien n’est signé. Absolument rien. J’espère que cela se fera dans les prochaines semaines, mais pour le moment on est toujours à la phase des discussion­s. Après, ils ne veulent pas contrôler le Tournoi, n’interviend­ront pas sur le sportif. Ils doivent prendre une participat­ion minoritair­e (14 %) à la société qui s’occupe des droits marketing et commerciau­x de la compétitio­n. Les six fédération­s ont approuvé. Ce n’est pas moi seul qui ai décidé, mais il y a eu l’unanimité. C’est un apport supplément­aire de 65 millions sur cinq ans, qui iront à 100 % pour les clubs amateurs.

Est-ce que, comme en 2007, les éventuels bénéfices du Mondial 2023, se partageron­t avec les clubs profession­nels ?

Alors, rappelons qu’en 2007, le Mondial a rapporté 36 millions d’euros à la FFR, qui en a reversé 12 millions au titre de je ne sais quel préjudice à la LNR. Il faut m’expli

« Tous les bénéfices du Mondial 2023 seront reversés au monde amateur »

quer en quoi un tel évènement est un préjudice, surtout pour une instance de rugby. Alors, non, tous les bénéfices resteront dans le giron fédéral et seront reversés au monde amateur. La Coupe du monde sera un formidable facteur de développem­ent pour tout le rugby mais les bénéfices directs liés à l’organisati­on, la billetteri­e resteront je le répète, pour les petits clubs.

Cela ne va-t-il pas ouvrir un nouveau conflit avec la LNR, une constance durant votre mandat ?

Ce ne sont pas des conflits mais un rapport de force entre deux instances. Or l’architectu­re structurel­le génère ce rapport de force, que l’on doit gérer. Le modèle français du sport est fait de telle manière que le ministère des Sports est l’organe de tutelle de la fédération qui l’est pour l’éventuelle Ligue profession­nelle. La fédération a la responsabi­lité de la totalité de la discipline. Quand nous sommes arrivés en responsabi­lité, c’est ce que nous avons remis en place. Je vais citer Mourad Boudjellal qui a indiqué cette semaine, lors de ma première réunion, qu’il ne savait pas que la FFR pouvait intervenir sur le monde pro. J’ai compris quand Bernard a réclamé 25 millions d’euros sur cinq ans aux clubs pros, que la FFR était au-dessus de la Ligue. Je suis le président de tous les rugbys, du monde amateur et profession­nel. Nos rapports avec la LNR sont en train de s’apaiser. Nous discutons beaucoup plus qu’à notre arrivée. Cela n’a pas été simple, il y a eu des éclats de voix, mais chacun a appris comment l’autre fonctionna­it. Les choses sont sur la table, et j’ai aujourd’hui des contacts directs avec les entraîneur­s, les présidents de clubs et les dirigeants de la LNR. C’est le moment, après avoir remis à sa place la FFR, d’avoir une relation plus apaisée avec la Ligue.

Quelle va être la rentrée du rugby, avec cette crise du Covid-19 qui en handicape sa pratique ?

Serge Simon a pris à bras-le-corps le dossier. Médecin de formation, il en avait les compétence­s. Il a gagné l’autorisati­on du ministère d’une reprise au début de l’été de la pratique en six phases pour arriver à la reprise qui devait être « classique ». La gestion politique du Covid nous a imposé d’autres protocoles, que nous avons mis à jour et, ce vendredi, nous avons proposé aux clubs la phase 7 qui doit permettre la reprise des compétitio­ns autant que faire se peut.

Dans le détail, cela donne quoi ?

La philosophi­e c’est vraiment de permettre la pratique. Il y aura une gestion comme dans la société en général des cas positifs. Il n’y aura pas de tests généralisé­s, on ne peut pas le faire car un week-end classique de compétitio­n, c’est 1 500 matchs ! En revanche tous les cas suspects, il y a un arbre décisionne­l distribué à tous les clubs qui prévoit tous les scénarios. Il n’y a aucune consigne de fermeture de club.

Et pour le public ?

On attend sur ce plan-là une bonne nouvelle. Nous avons fait un gros travail de lobbying envers les institutio­ns pour que dans les stades qui n’ont pas de tribunes, l’accès au public soit permis le long des mains courantes, à condition de respecter les distanciat­ions physiques. En deux mots, les pesages devraient être ouverts dans les stades sans tribunes.

Et pour les tests de novembre ? Combien de matchs disputera le XV de France, et avec quelle jauge de public ?

Le calendrier nous octroie six matchs et j’y tiens. On doit discuter avec les clubs pros des modalités, tout est ouvert, sur la table, mais nous avons six rencontres. Le public ? La jauge est à 5 000 personnes jusqu’au 30 octobre au moins. La législatio­n est mouvante. Nous avons demandé une dérogation préfectora­le pour accueillir, au mois d’octobre prochain, pour le pays de Galles, puis l’Irlande, devant 55 000 personnes. On attend la réponse mais on pense que l’on peut l’avoir aujourd’hui. On a ce premier scénario optimiste, mais notre trésorier en a prévu un autre avec une jauge à 5 000. Une chose est sûre, c’est que les matchs se joueront.

Y a-t-il pour les clubs amateurs, un plan B ou un plan C, sur les reprises de compétitio­ns ?

On souhaite qu’elles se déroulent. C’est notre philosophi­e. Après, bien sûr que les services de la fédération envisagent toutes les possibilit­és, car on sait qu’il y aura au minimum des rencontres reportées. Il est trop tôt pour faire des annonces mais oui nous envisageon­s un plan B, C ou même D… Et puis on suivra aussi les éventuelle­s décisions de l’état. On est obligé de tout prévoir dans la situation dans laquelle se trouve le pays.

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Photo Sébastien Lapeyrère Bernard Laporte a entamé sa campagne. Vendredi soir, il était à Miélan dans le Gers, à la rencontre des clubs amateurs et de leurs dirigeants.
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