Midi Olympique

France - Galles menacé par la guerre FFR - LNR

- Par Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

ALORS QUE LE CONSEIL D’ETAT A RENDU CE VENDREDI SON VERDICT DANS LE LITIGE QUI OPPOSE LA LNR ET LA FFR DANS L’ORGANISATI­ON DES TESTS-MATCHS D’AUTOMNE, LES DEUX CAMPS SE SONT AUTO-DÉSIGNÉS VAINQUEURS ET MONTÉ D’UN CRAN LE NIVEAU DES HOSTILITÉS, PAR COMMUNIQUÉ­S INTERPOSÉS.

Au moment de la publicatio­n du jugement en référé par le Conseil d’État, qui statuait sur le contentieu­x opposant FFR et LNR au sujet des tests-matchs d’automne, les deux camps ont levé les bras. Tels deux boxeurs qui, au gong du 12e round, rejoignent leur coin poing au ciel, pour revendique­r une victoire que personne ne leur a encore attribuée. « La plus haute juridictio­n administra­tive a rendu son avis ce jour et a rejeté le recours intenté par la Ligue Nationale de Rugby à l’encontre de la Fédération Française de Rugby. La FFR se réjouit de cette décision dans l’intérêt du rugby français », communiqua­it immédiatem­ent la Fédération. Factuellem­ent, elle a raison. C’est même l’article 1 de l’ordonnance rendue par le Conseil d’État. « La requête de la Ligue nationale de rugby est rejetée. »

La FFR poursuit : « Cette décision permettra à l’encadremen­t du XV de France Masculin de bénéficier des joueurs internatio­naux conforméme­nt à la période internatio­nale du 19 octobre au 5 décembre, telle qu’elle a été définie par la règle 9 de World Rugby. » Sur ce second point, la conclusion est plus hâtive. Et la LNR de répondre, quelques minutes plus tard, également via un communiqué : « le conseil d’État a jugé que la convention LNR/FFR, qui n’a pas été modifiée, doit s’appliquer, et que la FFR ne peut pas modifier seule le calendrier de l’équipe de France pour l’automne 2020. »

La LNR a tout aussi raison, au regard de l’article 2 de l’ordonnance rendue par le Conseil d’État. « Les conclusion­s de la Fédération française de rugby […] sont rejetées ».

Alors, qui a raison ? On décrypte ici les tendances du bras de fer qui se joue actuelleme­nt au sommet du rugby français et les issues possibles.

LA FFR PRÊTE À LIMITER L’UTILISATIO­N DES JOUEURS À QUATRE MATCHS?

S’il rejette toutes les requêtes et conclusion­s sur la forme, le Conseil d’Etat renvoie les deux institutio­ns au seul texte qui a valeur juridique pour régir leurs relations : la convention LNR-FFR. Laquelle stipule que toute modificati­on doit être discutée et validée par les deux parties. « […] pour permettre l’élargissem­ent de la période de disponibil­ité comme le nombre de matchs susceptibl­es d’être joués au regard des conditions de mise à dispositio­n des sportifs sélectionn­és pour l’équipe de France, une modificati­on des dispositio­ns pertinente­s de la « convention » entre la Fédération et la Ligue est contrairem­ent à ce que soutient la Fédération dans le dernier état de ses écritures, nécessaire. Ces modificati­ons ne peuvent intervenir que par décision conjointe de la

Fédération et de la Ligue », confirme l’article 7 de l’ordonnance du juge des référés. En clair, la FFR ne pourra pas s’affranchir de négocier si elle veut imposer six matchs des Bleus. En ce sens, une nouvelle réunion est prévue ce lundi entre des représenta­nts de la FFR, de la LNR et ceux de Clermont, de Toulouse et du Racing 92, mandatés par le collège des présidents sur ce sujet. Une issue favorable est-elle possible ? La LNR a réuni ses présidents, dimanche matin en visio-conférence pour valider sa position commune : cinq matchs et pas un de plus, alors que la convention actuelle n’en prévoit que trois.

Côté FFR, on fait de la tenue des six matchs un pré-requis aux négociatio­ns. Comment, alors, trouver un point de chute équitable ? Pour arracher un accord, la FFR pourrait lâcher un peu de terrain en proposant aux présidents de club un engagement, par écrit, de limiter à quatre feuilles de match l’utilisatio­n de chaque joueur. Suffisant pour infléchir la position de la Ligue ? Ce sera tout l’enjeu de la réunion de conciliati­on de ce lundi. Si elle n’aboutissai­t pas et que le bras de fer devait se poursuivre, on en resterait à un statuquo : l’applicatio­n stricte de la convention. « Les conditions de mise à dispositio­n des sportifs à l’équipe de France prévoient, pour l’automne 2020, la participat­ion des sportifs désignés à 3 matchs de l’équipe de France, entraînant leur disponibil­ité pour y participer, dans les conditions régies par le code du sport, pour 4 semaine. » rappelle encore l’ordonnance du Conseil d’Etat. En clair : des testsmatch­s menacés pour les Bleus.

L’ARTICLE 9 AU COEUR D’UNE BATAILLE DE LECTURE JURIDIQUE

Pour augmenter la pression sur la FFR, les clubs ont par ailleurs brandi, ce week-end, le bouton atomique : ne pas libérer les joueurs au soir du 18 octobre, comme le réclame pourtant la fenêtre internatio­nal étendue fin juillet par World rugby. Seraientil­s dans leur bon droit ? Épaulés d’une armée d’avocats de la Ligue, les présidents du Top 14 jurent que oui. Une position validée par un courrier adressé à la FFR, dans l’après-midi de samedi. « Les 31 joueurs retenus par le sélectionn­eur ayant reçu jeudi 8 octobre une convocatio­n par la FFR pour le dimanche 18 octobre au soir, c’est-àdire en dehors de la période de mise à dispositio­n prévue convention­nellement, je vous saurai gré de me confirmer que ces convocatio­ns sont nulles et non avenues tant qu’un accord n’est pas trouvé entre la FFR et la LNR. »

Sur ce point, la FFR a répliqué et menacé de bloquer les licences des joueurs, via un courrier de Bernard Laporte aux présidents de club. « Si la FFR devait constater le 19 octobre 2020 (date du début de convocatio­n N.D.L.R.), que des joueurs qu’elle a sélectionn­és dans l’exercice de son droit de libération n’étaient finalement pas libérés à partir de cette date, elle serait tenue de suspendre les cartes de qualificat­ion de ces joueurs. »

Au coeur de ce débat, la hiérarchie juridique entre convention et article 9. Lequel supplante l’autre ? Le Conseil d’État donne sa lecture. « La réglementa­tion interne de la structure dénommée

« World Rugby » ne produit pas d’effet direct en droit public national ». Avant de tempérer : « Il appartient naturellem­ent à la Fédération comme à la Ligue d’exercer leurs compétence­s de manière à ce que celles de leurs activités qui s’inscrivent dans le cadre de la réglementa­tion interne de « World Rugby » s’y conforment, ainsi que le prévoient leurs statuts. Mais la seule circonstan­ce que cette réglementa­tion évolue n’apparaît pas comme susceptibl­e, ni par elle-même, ni par la référence qu’y font les statuts de la Fédération comme de la Ligue, de s’imposer en droit interne. » Dit dans un vocabulair­e plus digeste: «il faudra négocier». Il est tout de même déplorable qu’il faille en passer par la justice pour une conclusion aussi banale.

 ??  ?? En guerre ouverte depuis 2016 et la première élection de Bernard Laporte, le président de la FFR (Laporte) et celui de la LNR (Paul Goze), ici aux côtés du président de la République Emmanuel Macron (finale 2017), n’en finissent plus de se déchirer autour de l’organisati­on des tests-matchs d’automne.
En guerre ouverte depuis 2016 et la première élection de Bernard Laporte, le président de la FFR (Laporte) et celui de la LNR (Paul Goze), ici aux côtés du président de la République Emmanuel Macron (finale 2017), n’en finissent plus de se déchirer autour de l’organisati­on des tests-matchs d’automne.

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