Le modèle toulousain
Le stade toulousain lors des deux dernières demi-finales de Champions cup européenne respectivement contre le Leinster en 2019 et dernièrement Exeter aurait pu laisser un goût amer dans les têtes des joueurs et du staff. Dans les deux cas, ces revers auraient pu remettre en cause, voire inciter à renier le « jeu de main des Toulousains » ce qui, du même coup, aurait brisé la dynamique enclenchée et cliver les opinions des uns et des autres sur la pertinence du jeu à faire. Il s’agit bien de deux défaites, mais, autant contre le Leinster la production avait conduit à pointer certaines limites, autant contre Exeter le rugby produit par les Rouge et Noir méritait une meilleure conclusion. Quoi qu’il en soit, dans ce contexte, Ugo Mola et tout l’environnement stadiste surent toujours rester fidèles au jeu de mouvement choisi.
Cette respiration s’est vérifiée en ce début de saison en top 14 respectivement contre Clermont (malgré une courte défaite), La Rochelle et Toulon (un adversaire redouté), juste après la défaite à Exeter la semaine précédente. Je n’ai pas eu personnellement de doutes sur la résilience de ce groupe pour rebondir en challengeant tous ses adversaires, quel que soit leur niveau sur ce rugby « à la toulousaine ». Ce style séduit, plaît, dégage une image positive, celle d’un rugby en liberté forcement à risque mais tellement générateur de plaisir pour les joueurs. Ce jeu toulousain peut-il servir à élever tout à la fois le rugby de la base et optimiser la haute performance ? Bien sûr que oui, à condition d’en connaître et maîtriser le mode d’emploi donc de comprendre le comment et pourquoi cela fonctionne. Tout un mode d’enseignement qui s’inscrit en continuité dans le développement et le perfectionnement du joueur. Quelles que soient les cultures de jeu nous avons besoin d’un rugby réfèrent des plus jeunes au meilleur niveau sur lequel s’identifier.
À cette aune, tous les clubs de haut niveau me semblent actuellement être imprégnés par la volonté d’aller vers ce mode de jeu moins frontal, plus adaptatif plus mobile synonyme d’harmonie collective. Certains clubs s’y frottent mais le réalisent de manière épisodique voire de manière plus ou moins juste par manque de maîtrise et de repères communs.
Mais, comment rester convaincant quand surgissent les effets pervers en cas de mauvais résultats ? Toulouse a l’avantage d’un passé plutôt bien réussi grâce à cette culture du jeu. En plus, ce choix de jeu trouve un écho favorable du côté des anciens du club, ce qui tend à renforcer l’appétence des joueurs à prouver l’efficacité de « ce savoir être et faire ». C’est toute une dynamique mentale qui s’installe collectivement, se génère et régénère, s’ancre dans la tête des joueurs (en plus porté par les plus jeunes) au fil des matchs et des résultats, les bons et… les moins bons qu’il s’agit d’accepter. En jeu, en toutes circonstances, cet état mental et la confiance générée concourent à entretenir cet ADN refusant par ricochets les déviances qui pourraient surgir. Dans ce match contre Toulon particulièrement en première mi-temps cet esprit du jeu s’est imposé de superbe manière. Tous les ingrédients du jeu toulousain se marièrent derrière le respect les principes fondamentaux « d’avancée et soutien » avec le concours de références communes incontournables pour résoudre « les problèmes d’adaptabilité collective » évoquée plus haut, et rendre la lecture du jeu significative pour tous. Dans un jeu de mouvement bien compris, la liberté d’initiative accordée, contribue à développer l’intelligence tactique de chacun. Quel que soit leur poste, la notion de rôle momentanée à assumer prend tout son sens. À chacun sa passion ! Cet éloge du jeu toulousain ne suffira pas pour rendre cette équipe invincible. Ne rêvons pas, ce plaidoyer n’est pas une garantie pour gagner tous les matchs mais même en cas de défaite, cela n’enlèvera rien à ceux qui aiment ce jeu et à mon plaisir de jouir de ce rugby.