Midi Olympique

« Je n’ai pas fait tous ces efforts pour rien »

DARLY DOMVO - Arrière de Biarritz CERTAINS LE PENSAIENT FINI POUR LE RUGBY. MAIS DARLY DOMVO S’EST BATTU. DE RETOUR D’UNE TROISIÈME GROSSE BLESSURE, L’ARRIÈRE A CONNU VENDREDI SOIR SA PREMIÈRE TITULARISA­TION DEPUIS VINGT MOIS. UNE BELLE PREUVE DE RÉSILIEN

- Propos recueillis par Pablo ORDAS

Comment avez-vous vécu la semaine précédant ce match, puis la soirée de vendredi ?

J’ai pensé à pas mal de choses et au boulot qu’on a fait pour que j’aie ces émotions-là. Même si j’avais déjà été remplaçant, il y avait ce côté symbolique de pouvoir débuter avec le numéro 15 dans le dos. Je me suis dit que je n’ai pas fait tous ces efforts pour rien. Je n’ai pas lâché le morceau et je suis récompensé. C’était important, pour moi, de passer cette étape afin d’avancer sur de nouvelles choses. Après le match, il y a eu une petite décompress­ion.

Ces dernières années, vous êtesvous dit « j’ai la poisse, ce n’est pas possible » ?

Bien sûr (il soupire). Je me disais que mon corps ne voulait plus tirer, les efforts étaient compliqués à fournir. C’est pour ça que je suis arrivé ici sans trop d’ambition. Je voulais juste essayer de retrouver du plaisir. Plein de mecs restent sur le carreau tous les ans. J’ai la chance d’être encore là et c’est un réel plaisir.

Le corps qui montre ses limites alors que la tête veut continuer, est-ce le plus dur à gérer ?

Oui, c’est sûr. J’avais pourtant l’impression de tout bien faire. Après ma première blessure, je me suis entraîné différemme­nt. Après la deuxième, j’ai encore changé des choses. Et à la troisième, je me suis dit « bon, j’ai tout tenté, qu’estce que je peux faire de plus ? ». Au final, je suis parti sur un nouveau cycle et j’ai essayé de moins calculer. Avant, j’essayais de me gérer pour être frais le week-end. Là, j’ai basculé dans une optique totalement différente : je me dis que si je bosse bien la semaine, ça ne le fera peut-être pas pour le week-end numéro un, mais pour le numéro trois ou quatre.

Que vous ont appris vos dernières blessures ?

J’ai appris qu’il fallait réussir à s’écouter. Cette année, pour l’instant, ça se passe bien. Je n’ai pas pu postuler pour Carcassonn­e car j’avais un peu mal au genou. La semaine précédant le match, j’ai échangé avec le staff et il a très bien compris. Aujourd’hui, je m’autorise à dire « je ne suis pas bien, je ne le sens pas, est-ce que je peux rater l’entraîneme­nt ? ». Ça ne m’est arrivé que deux fois cette saison mais je pense que c’était important pour éviter un pépin. Mentalemen­t, j’ai réussi à m’accrocher. Je ne suis plus en Top 14, je suis en Pro D2. Oui, on peut appeler ça une régression. Mais franchemen­t, je la prends avec fierté.

Vous étiez aux portes du XV de France il y a trois ans. Est-ce dur de regarder derrière ?

Non. On peut se dire « si ça, si ça… ». Mais la vie, ce n’est pas ça. Aujourd’hui, quand je regarde derrière, je remarque que j’ai touché du doigt mon rêve. Je n’en étais pas loin. Ça ne s’est pas fait. « Next », on passe à autre chose. Il n’y a pas que le rugby dans la vie. J’ai essayé de continuer à avancer et je suis très fier d’être là, malgré le fait d’être descendu d’une division. Pour moi, c’est un réel plaisir de jouer, surtout dans le club de Biarritz qui a tout de même de l’ambition.

On imagine qu’après vos blessures, vous appréciez deux fois plus le quotidien de rugbyman profession­nel…

Bien sûr, ça permet de relativise­r. Je ne sais pas si les gens peuvent le comprendre, mais parfois, on a un peu la flemme d’aller s’entraîner suivant la météo. Moi, je prends un peu tout avec plaisir. J’ai failli arrêter et je sais, par expérience, qu’avec un mauvais coup ou une blessure, tout peut s’arrêter demain. J’ai donc juste envie d’en profiter.

À Bordeaux, vous travaillie­z avec un préparateu­r mental et un hypnotiseu­r. Est-ce toujours le cas ?

Non. À Bordeaux, je voulais vite revenir de blessure et être dans la performanc­e. J’estime que nous avons fait un gros boulot et que maintenant – même si je suis encore dans la performanc­e – je suis surtout dans le plaisir. […] Quand on joue, on a toujours envie de performer. Mais la semaine, je ne suis pas uniquement focus sur cette échéance. J’ai envie de me régaler sur les ateliers, les petits jeux. Le week-end, c’est là que la boule au ventre arrive et qu’on retrouve les bonnes sensations.

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Photo PhotoBerna­rd

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