Midi Olympique

Le mirage des pétrodolla­rs

- MARC DUZAN

On les avait nommés, par commodité ou paresse intellectu­elle, les « Émiratis ». En réalité, Samir Ben Romdhane est franco-tunisien quand son double, Philippe Baillard, est un Antillais qui vit en Normandie. Eux ? Ils voulaient racheter Béziers et pour ce faire, s’appuyaient selon leurs dires sur plusieurs dizaines de millions d’euros bloqués à Abou Dhabi… à moins que ce ne soit en Chine, à Hong Kong ou Berlin. Dans l’incapacité de prouver la tangibilit­é de leurs fonds, leur histoire en Biterre s’était néanmoins arrêtée au jour où, dans Midol, le maire de la ville Robert Ménard, lassé de n’avoir jamais vu la couleur de l’argent, mit un terme brutal à la chimère, accusant les dirigeants de Sotaco Internatio­nal d’avoir « joué avec [sa] ville ».

Quatre mois plus tard, on ne sait pas vraiment ce que sont devenus ces

« Émiratis » ayant agité, plusieurs semaines durant, un microcosme alors assommé par les premiers feux de la pandémie. À leurs propos, et sans que l’on sache réellement distinguer le mythe de la réalité, les langues se sont pourtant déliées. Fin septembre, un anonyme dissimulé sous le pseudonyme de « John Doe » (le protagonis­te du film Usual Suspect, ça ne s’invente pas…) nous contactait par courriel, annonçant que « Dominici était en train de se faire dépouiller » et promettant des documents sulfureux sur Sotaco Internatio­nal, cette « coquille vide » qui fit selon lui plusieurs victimes dans son cercle d’affaires implanté en Allemagne. Les documents en question, eux, n’arrivèrent jamais. Plus tard, ce fut un proche de la DNACG qui nous confia, mi-moqueur, mi-affligé : « Les garanties bancaires qui ont été transmises à l’époque du rachat de l’ASBH ne nous ont jamais convaincus. Pourquoi ? Parce qu’on aurait dit les dessins d’un enfant de 5 ans ». Alors, qui croire ? Ceux qui continuent de défendre bec et ongles les gens du Golfe, arguant qu’on « n’achète pas un appartemen­t de 4 millions d’euros à Paris sans avoir les reins solides » ? Ou les autres, qui crurent dès les prémices de cette histoire à un

« simple coup de pub », puisque c’est ce que nous martela si souvent ce haut dirigeant du rugby français ? Toujours est-il qu’à l’automne 2020, le fantasme émirati est bel et bien enterré dans l’Hérault. Christophe Dominici, qui a défendu le projet comme s’il eût s’agit de sa propre vie, ne répond plus à nos appels. Benjamin Bagate, sergent recruteur d’un grand club n’ayant jamais vu le jour, entraîne aujourd’hui Trélissac, en Fédérale 1. L’ASBH, brutalemen­t abandonnée à l’anonymat qui était le sien avant l’affaire, lutte quant à elle pour survivre au niveau profession­nel, se demandant si elle est aussi désirable qu’on voulut bien lui faire croire à l’été 2020 ou si on a simplement joué avec elle et son histoire pour des motifs qui restent, à ce jour, encore inexpliqué­s…

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