Midi Olympique

« Même la meilleure des gestions laisse des portes ouvertes »

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BERNARD LEMAÎTRE (Président de Toulon) DE L’ÉLIMINATIO­N DU RCT SUR TAPIS VERT CONTRE LE LEINSTER À LA CRISE DE COVID-19 DANS LAQUELLE EST EMPÊTRÉ LE RCT, EN PASSANT PAR LE BILAN DE SES QUATORZE PREMIERS MOIS À LA TÊTE DU CLUB VAROIS, LE RECRUTEMEN­T DE LA SAISON À VENIR ET LA FIN D’EXERCICE QU’IL REFUSE D’IMAGINER SANS PHASES FINALES, BERNARD LEMAÎTRE S’EST LONGUEMENT CONFIÉ.

Des cas de Covid-19 découverts dans votre effectif lundi ont entraîné le report du match contre Montpellie­r. Comment Toulon, qui est longtemps parvenu à passer entre les gouttes, peine aujourd’hui à contenir l’épidémie ?

C’est la preuve qu’on ne domine pas tout au cours d’une épidémie, et que même la meilleure des gestions laisse des portes ouvertes. En l’occurrence, pendant un an nous n’avons eu que deux cas, soit un chiffre anodin… Mais depuis quelques semaines, avec l’apparition de variants plus agressifs et contaminan­ts, la donne est différente, notamment parce que les enfants sont bien plus touchés.

Continuez…

Il se trouve que les cas positifs (quatre joueurs, deux membres du staff, N.D.L.R.) ont quasiment tous des enfants en bas âge, qui vont à l’école maternelle ou primaire. Alors même s’ils vivent en vase clos, et ne sortent jamais de chez eux, les joueurs ont été contaminés par leurs enfants. Et c’est quelque chose qu’on ne maîtrise pas : les enfants sont asymptomat­iques, ils contaminen­t leur papa et comme il peut passer deux ou trois jours entre deux tests, le joueur peut le transmettr­e…

Reprenons le fil de la contaminat­ion : que s’est-il passé depuis la découverte d’un premier cas le 31 mars, soit deux jours avant l’éliminatio­n sur tapis vert contre le Leinster ?

Je pense qu’il est opportun de remonter au 2 avril, date de l’annulation de la rencontre contre le Leinster, mais date également d’un test général de l’effectif en Irlande. Et comme tous les résultats se sont avérés négatifs, on peut affirmer que la bulle sanitaire était saine. Les entraîneme­nts ont donc pu reprendre sans contre-indication. Sauf que dix jours plus tard, le lundi 12 avril, de nouveaux tests ont révélé des cas. La nouvelle contaminat­ion s’est donc déroulée au sein de la bulle.

Suite à la contaminat­ion qui a précédé le Leinster,

n’aurait-il pas été raisonnabl­e, par précaution, de séparer les joueurs, quitte à manquer une semaine d’entraîneme­nt ?

Mais à quoi bon, puisque les joueurs étaient tous négatifs ? Vous savez, je ne peux accabler qui que ce soit. La bulle sanitaire est sacrée ici, je me porte garant ! Tout le monde prend des précaution­s extrêmes, et la contaminat­ion n’a pu venir que d’une source interne. Mais vous imaginez bien qu’on ne peut pas interdire que les compagnes des joueurs vivent et croisent du monde, ou que les enfants aillent à l’école ou au jardin d’enfants.

Au regard de la tournure des événements, peut-on considérer qu’en vous disqualifi­ant, l’EPCR a finalement sauvé sa compétitio­n ? Certaineme­nt pas, puisque les deux contaminat­ions n’ont aucun lien de corrélatio­n ! Quoi qu’il en soit, nous n’avons aucune forme de culpabilit­é par rapport à cet épisode, tout simplement parce que l’EPCR a pris une décision basée sur un concept combattu en France : « le risque zéro n’existe pas, donc le match ne peut se jouer. » Nous avons vraiment la mauvaise impression d’avoir été pris dans un piège duquel on ne pouvait se sortir… Nous aurions pu répondre à toutes les demandes, cela n’aurait pas suffi.

Suite à cette éliminatio­n, vous avez menacé de ne plus participer à la Coupe d’Europe. Est-ce toujours d’actualité ?

Je m’insurge contre ce terme ! Je n’ai pas menacé, mais je me suis interrogé sur la rationalit­é, tant que nous sommes en pleine crise sanitaire, d’être dans une compétitio­n dans laquelle vous êtes suspendus à un fil, qui peut être coupé par n’importe qui de manière arbitraire. Le rugby est un sport où il y a énormément d’incertitud­es, des règles et des arbitrages différents en fonction des pays, mais on l’accepte sans problème. Mais cette fois nous sommes pris dans des situations où chaque fédération a une règle sanitaire différente. Tant que les organismes officiels n’adoptent pas les mêmes règlements, tout peut arriver. Et je préviens mes collègues encore en course, Toulouse, Bordeaux, La Rochelle et Montpellie­r : attention cela peut vous tomber dessus… Quoi qu’il arrive, Toulon est touché mais pas coulé. Au contraire, c’est dans les difficulté­s que l’on se ressert, qu’on réagit et je crois que c’est ce qui est en train de se passer.

Comment s’est déroulée la semaine d’entraîneme­nt qui a suivi l’éliminatio­n ?

Elle était à l’image de celle qui a précédé la défaite : tout le monde était ultra-motivé. Ce qui m’embête, c’est que depuis deux semaines je sens une véritable vague d’optimisme. Les entraîneme­nts sont intenses et de qualité, je vois des sourires, mais on est à nouveau contraint de patienter, alors que tout le monde est d’une prudence irréprocha­ble. J’aurais aimé que les joueurs retrouvent la compétitio­n, car je sens que quelque chose se passe dans ce groupe. Malheureus­ement, cette bonne dynamique est stoppée par la Covid-19 : depuis mardi les joueurs sont cloîtrés chez eux. Ils le resteront jusqu’au feu vert de la commission médicale de la LNR, qu’on espère dimanche ou lundi.

Et quand espérez-vous disputer ce match contre Montpellie­r ?

Cela dépendra de la qualificat­ion ou non du MHR en finale de Challenge Cup. Mais je dois également dire qu’il y a un cas positif chez les Espoirs, et que le match contre Agen pourrait être reporté… Nous sommes engagés dans un sprint, mais nous allons prendre le départ en retard sur nos concurrent­s. Il n’empêche que la donne ne change pas : nous avons six finales à jouer, six finales à gagner. En revanche, la bonne nouvelle c’est que nous allons récupérer certaines de nos forces pour les derniers matchs, à commencer par Eben Etzebeth (fracture ouverte d’un doigt de la main, dont le retour est espéré d’ici 4 à 5 semaines). Les internatio­naux auront également eu le temps de se régénérer. Tout le monde sera en pleine forme pour la fin de saison.

Le RCT était membre du top 6 depuis novembre, mais

a dégringolé à la septième place suite à sa défaite contre Lyon. Comment appréhende­z-vous la fin de saison ?

Ce n’est pas compliqué : nous sommes condamnés à remporter les six derniers matchs. Pour être dans les six, mais également pour être bien classés parmi les qualifiés. La première et la deuxième places sont inatteigna­bles, mais la troisième ne l’est pas…

Sauf que le calendrier du RCT n’est pas le plus simple, avec des matchs contre l’UBB, Castres, Toulouse ou encore Clermont…

S’il est compliqué, ce calendrier nous permet d’avoir notre destin entre les mains. Le calcul est simple pour les joueurs : s’ils remportent tous les matchs, ils seront qualifiés. Et pour échanger énormément avec le groupe, je suis persuadé que les joueurs ont des revanches à prendre. Sur eux-mêmes, en premier lieu, mais également sur le sort qui nous accable à un moment crucial de la saison… Entre l’injustice du Leinster, la Covid-19 et la culpabilit­é liée à la défaite contre Bayonne, que nous n’aurions jamais dû perdre, même avec un demi-effectif… Croyez-moi : il y a un sentiment de revanche, duquel beaucoup d’énergie pourrait se dégager.

Que se passerait-il en cas de non-qualificat­ion ?

Je n’envisage pas une seconde que Toulon puisse ne pas se qualifier. C’est impensable. C’est un peu présomptue­ux, arrogant, mais je n’ai pas peur de le dire : Toulon va se qualifier, même si nous avons le calendrier le plus dense des candidats au top 6. Ensuite, je mène une politique à moyen et long terme, alors quoi qu’il advienne, rien ne sera remis en cause à l’issue de la saison. Nous sommes dans une phase très positive actuelleme­nt, marquée par les prolongati­ons de nombreux joueurs, auxquelles s’ajoutent un recrutemen­t de qualité et la préparatio­n des prolongati­ons de joueurs dont le contrat arrive à échéance en juin 2022.

Propos recueillis par Pierrick ILIC-RUFFINATTI

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