Le printemps du rugby

Àpartir de la fin du mois de mars, le rugby revêt une saveur particulière. Les jours rallongent progressivement, la lueur du soleil accompagne doucement les entraînements du soir et les joutes boueuses se font de plus en plus rares. Le printemps au rugby a une odeur unique, un mélange d’herbe fraîchement coupée déjà chauffée par le soleil de midi et de camphre qui émane des vestiaires toujours trop petits. C’est aussi la période de l’année où tous les efforts de la saison prennent enfin sens. Tout ce qui n’était jusque-là qu’une projection assez lointaine - « l’important c’est les 4 points » - devient plus réel. Le nombre de matchs diminue, et la course qu’elle soit au maintien ou à la qualification s’intensifie. Tout ce savant mélange d’enjeux, et de jours qui rallongent fait de cette période de l’année un moment excitant.

Une fois l’hiver passé, jouer de nouveau sur des terrains secs m’a toujours procuré un réel plaisir. Lors des entraînements hivernaux passés sous une pluie battante et glacée, j’attendais avec impatience cette éclaircie printanière où le nombre de couches de vêtement pour s’entraîner n’est plus un problème. Je me rappelle des premières chaleurs tant redoutées, à croire que l’on s’était presque habitué à ces sorties des vestiaires où le froid nous saisit instantanément et jusqu’aux os.

À ces conditions nouvelles s’ajoutent les matchs à enjeux. La fin de saison est toujours un moment plus intense que le reste. Il est d’abord synonyme de joie des phases finales et plus rarement des titres. Les phases finales, c’est la récompense de tous les efforts réalisés pendant l’hiver. Elles riment aussi avec les déplacements plus longs que d’habitude pour affronter des équipes que l’on n’a pas croisées jusquelà. Ces histoires de voyage serrés au fond d’un bus, à l’aller comme au retour finissent de créer des légendes. Je me rappelle aussi de ces longs voyages en bus avec toute l’école de rugby pour participer à des tournois. Que de bons souvenirs, que de moments haut en couleur ! Le printemps, ce sont aussi des moments plus tristes, celui des au revoir. Pour certains le décompte des matchs restant prendra bientôt fin. Il y a ceux qui s’en vont et ceux qui arrêtent. Plus on s’approche de la fin, plus on mesure l’épreuve que sera cette ultime sortie du terrain. On essaie de profiter, de donner le meilleur pour rendre ces derniers instants magiques. On prend le temps de regarder en arrière sans oublier de profiter des derniers instants ensemble. Les derniers mois qui ont été ceux de ma carrière ont été à la fois durs, tant on a l’impression d’abandonner une partie de soi, mais aussi tellement beaux tant on mesure le chemin parcouru et ce que le rugby nous a fait être. Je pense à tous ceux qui n’auront pas la chance cette saison de rentrer une dernière fois sur le terrain pour saluer leurs famille, leurs amis et leurs supporters, et de passer ce moment de communion unique dans une vie. Chaque année à cette période, je me souviens de ce moment singulier dans une saison, dans une carrière mais aussi dans une vie.