Midi Olympique

Sortir de sa bulle

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ANCIEN MANAGER DE SOYAUX-ANGOULÊME ET OYONNAX AVEC QUI IL A ÉTÉ CHAMPION DE FRANCE DE PRO D2 EN 2017, ANCIEN ENTRAÎNEUR DU STADE FRANÇAIS CHAMPION DE FRANCE 2015, ANCIEN ENTRAÎNEUR DES ESPOIRS DU RACING 92, CHAMPION DE FRANCE 2014

« On ne devient vraiment entraîneur qu’après avoir été viré », confiait Denis Troch lors d’une formation sur la préparatio­n mentale. En période de pandémie, cette pensée prend une tournure différente : « On ne sort de sa bulle qu’après avoir été viré ! » Passant avec succès le rite initiatiqu­e qui faisait de moi un entraîneur selon la définition de l’ami Denis, je me suis finalement retrouvé hors de la bulle. La bulle sportive rythmée par les matchs et les semaines de préparatio­ns séquençant ma vie depuis 14 ans, sans que je ne me pose la moindre question, et la bulle sanitaire, rythmée par les tests PCR, beaucoup moins drôles, mais à laquelle nous nous soumettons tous depuis un an maintenant, sans nous poser la moindre question.

Profitant de cette « chance » qui m’était offerte, j’ai répondu favorablem­ent à l’invitation d’un ami d’enfance, vigneron à Cafayete, province de Salta, Argentine. Je sortais de la bulle, non pas pour manger une gaufre coupable, qui a nourri plus de polémiques que de joueurs du XV de France, mais je sortais pour du vin et des empanadas, car comme le chante Quesada : « si tu vas à Salta… n’oublie pas les empanadas… » Bref, j’allais prendre le temps. On allait me laisser du temps. Bah oui, il en faut, du temps pour assembler, créer, élever, vinifier, GAGNER, tout ça, tout ça… Alors peut-être qu’on se plantera, mais on ne le saura que l’année prochaine, en goûtant. C’est vrai quoi, on laisse plus de temps au vin pour se bonifier qu’aux sportifs pour performer. Pourtant, on les aime pour les mêmes raisons, on se réunit pour en parler, partager, les aimer ou les détester, mais si pour le vin on sait dire : « Attend un peu avant de l’ouvrir, il n’est pas encore à son apogée ». Pour le sport, on préférera : « On joue le titre cette année et l’Europe l’année prochaine ».

Hé Ho, mollo, on ne fait pas du Capri Sun ici… (Le tang n’existe plus, C.Q.F.D.). Demander à Monsieur Urios combien d’années il lui a fallu pour sortir un grand cru du Haut-Bugey, ou bien encore à Monsieur Mola combien de temps il a mis pour amener ses côtes de Garonne au sommet de notre Parker à nous ! Et messieurs Baxter et McCall qui sont depuis onze ans à la tête de leurs écuries respective­s ? Onze ans pour être en haut des « charts » des meilleurs guides ! Et oui, ceux-là et d’autres encore ont pris le temps de connaître leur terroir, de trouver et d’assembler les talents, de les laisser maturer ensemble en goûtant de temps à autre pour vérifier que l’assemblage prenait. Attention de ne pas oublier d’ouiller après avoir goûté ! « Ouille donc mon couillon », disait Julien Pilon, célèbre vigneron chavanois !

Et les joueurs dans tout ça ? C’est vrai, tiens !

Sont-ils de la poudre mélangée avec de l’eau dans un sachet de boisson instantané­e ? On aurait pu le penser, pourtant ils sont de plus en plus nombreux à quitter le cirque. Huget rêve d’une autre vie, Daguin, Chauveau, Dussartre ont dit stop à pleine maturité, remplis par des heures d’élevage intensif, plein de jus. Ceux-là et d’autres n’avaient plus envie d’être pressés pour un bouillon quelconque, ceux-là avaient envie de préserver leur singularit­é, leurs arômes particulie­rs. Gageons qu’ils soient nombreux à avoir la force de dire stop, ça va trop vite, il y a une vie en dehors de la barrique, même si « la barrique est bonne, bonne, bonne… », comme dirait Vicard, émérite tonnelier charentais. Bref, Paris ne s’est pas fait en un jour. Et son propriétai­re allemand l’a bien compris, confiant le soin de l’assemblage à un vinificate­ur hors pair, qui, à touches de Malbec argentin, de Pinotage sud-africains, de Shiraz australien, nous prépare à n’en pas douter un des crus dont il a le secret, le tout en préservant les arômes parisiens de violettes pucistes. Car oui, ce sont bien des violettes (Danty et Burban) qui nous restaient en notes finales d’un derby que l’on a pris plaisir à savourer. Le rugby c’est comme une boite de chocolat… Non, c’est pas ça, je reprends : le rugby c’est comme un Cornas, il faut le laisser se patiner, et prendre le temps avant de déboucher. Santé !

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