Midi Olympique

Pourquoi nous n’oublions pas le grand chelem 1981

IL Y A QUARANTE ANS, LA FRANCE REMPORTAIT UN GRAND CHELEM INATTENDU, RICHE DE FORTES PERSONNALI­TÉS.

- Jerome.prevot@midi-olympique.fr

C’est une sensation, valable aussi pour ces colonnes. On n’a pas rendu assez hommage au grand chelem 1981, le troisième du genre. Nous avions rendu hommage en février à Guy Laporte, c’est vrai et aussi à Blanco débutant. Mais il y avait tant d’autres choses à narrer.

PARCE QU’IL ÉTAIT INATTENDU

Ce grand chelem est arrivé dans un contexte très particulie­r. Les actions du XV de France étaient à la baisse depuis douze mois. Les Bleus étaient même en crise. Ils avaient évité de peu la cuillère de bois dans le Tournoi 1980 avant de souffrir en Afrique du Sud et de s’écraser lamentable­ment face à la Roumanie, 15-0. Albert Ferrasse avait fait le ménage chez les sélectionn­eurs et viré le premier d’entre eux, Elie Pébeyre. Il avait promu un vrai patron pour l’équipe nationale : Jacques Fouroux.

PARCE QU’ON DÉCOUVRAIT LA FONCTION D’ENTRAÎNEUR-SÉLECTIONN­EUR

Jacques Fouroux avait 33 ans et un charisme de folie. On découvrit avec lui un « patron »; un entraîneur, tout simplement, pour le XV de France. Ça paraît fou, mais la fonction était alors inconnue. Jusque-là, la compositio­n des Bleus était enfanté par un micmac, produit de tractation­s entre le président de la FFR, le Comité de Sélection, le capitaine et les « hommes de terrain », des technicien­s qui entraînaie­nt des joueurs qu’ils n’avaient pas forcément choisis. Fouroux sublima tout cela. Il devait encore composer avec un comité de sélection, OK. Mais le boss, c’était lui.

PARCE QUE DES MONSTRES SACRÉS DÉBUTAIENT

Ce fut le premier Tournoi de Serge Blanco, utilisé alors à l’aile. Sa foulée et son assurance ne laissaient aucun doute sur son avenir. Un autre « monstre sacré » débutait : Pierre Berbizier, demi de mêlée de Lourdes, repéré par Jacques Fouroux. Le public ne perçut pas tout de suite son envergure, il essuya même des quolibets. Jugement erroné: Pierre Berbizier inaugura là un parcours de stratège hors pair, exemple de ténacité et de lucidité.

PARCE QUE RIVES ÉTAIT À SON SOMMET

Le blond troisième ligne avait 29 ans. Ses qualités de besogneux de génie étaient à leur zénith. Son sens de la répartie aussi. On rêve de joueurs internatio­naux aussi pince-sans-rire et aussi cultivés.

POUR L’ESSAI « FOU » DE CODORNIOU ET DE PARDO

L’Angleterre-France décisif reste marqué par cet essai de Laurent Pardo, ailier créatif et plein d’humour. Un

Jean-Pierre Rives en 1981 était à son sommet.

coup de folie qui le poussa à se placer en position de second centre, pour mieux redoubler avec Didier Codorniou, et solliciter un bijou de « passe toupie ».

POUR LA PERCÉE DE DANIEL REVALLIER

Daniel Revallier, surnommé Samson comme le colosse biblique. Mais son métabolism­e fonctionna­it à l’inverse de celui du mari de Dalila. Son crâne poli ne lui enlevait pas de la force, loin de là. Deuxième ligne de devoir de Graulhet, il fit partie lui aussi des néophytes, sauf qu’il avait 32 ans. Peu ont débuté aussi tardivemen­t. Pour l’éternité, il reste l’auteur de la cavalcade plein champ face à l’Écosse. La charge d’un centaure.

EN MÉMOIRE DE PIERRE LACANS

Ce grand chelem reste finalement le seul fait d’armes internatio­nal de Pierre Lacans, troisième ligne aile du Grand Béziers décédé en pleine jeunesse d’un accident de la route en 1985. Il joua deux matchs face au pays de Galles et l’Angleterre. Il marqua d’ailleurs un essai de filou à Twickenham avant de vivre une troisième mi-temps « agitée », pris dans une bousculade avec des Bobbies. C’était un seigneur, qui ne compta finalement « que » six sélections. Sa classe en méritait dix fois plus. Fouroux aurait pu être généreux avec lui, c’est vrai.

Par Jérôme PRÉVÔT

 ?? Photo Icon Sport ??
Photo Icon Sport

Newspapers in French

Newspapers from France