Une vie à nouveau en couleurs
On le sait, le 7 novembre dernier, le nouveau stade Armandie, oeuvre de l’architecte agenais François de la Serre, a été inauguré dans une ambiance incandescente, plus de 10 000 personnes, quelque chose d’une cérémonie sacrée. Sur le SUA huit fois champion de France, une pénombre grise s’était installée lentement. Il était temps de mettre fin à cette histoire spectrale et son terrible lot de défaites, cet étonnant désastre.
Un stade flambant neuf, et c’est une histoire des recommencements, résolument digne de ces mots de Wallace Stevens : « Il faut voir le monde avec un oeil neuf et sentir qu’on peut le réinventer. » Une centaine d’anciens joueurs du Sporting, et non des moindres, avaient fait le déplacement, heureux de se retrouver dans les embardées de la mémoire, forts en gueules et en figures. Plus que d’habitude, il leur fallait questionner le lieu, dans l’espoir d’un rugby en quête d’auteur et de hauteur. Sous une lumière éclatante, toute la ville semblait être là, dans un pèlerinage intime, à la recherche d’un épanouissement collectif. Peut-être manquait-il des silences, avant de s’ouvrir à de nouvelles aventures et à ses bonheurs innombrables. Revenons au stade Armandie, ce noble palais, donnant tant à voir, tel le lieu d’une manifestation solennelle. Sous La Tribune Ferrasse se déployait la Rue des Légendes, cent vingt mètres de long, envahie par les supporters agenais dans une osmose flamboyante. Au plafond, des Boucliers de Brennus s’illuminaient ; on s’arrêtait devant les portraits, les dessins, les photos des grands joueurs d’antan, comme autant de traces ineffaçables. Bizarrement, Pierre Berbizier figurait parmi les oubliés. Il est vrai qu’il n’avait amené les Agenais en finale du championnat de France qu’à trois reprises au coeur des années 80… Un oubli sans doute. Alors, présence fantomatique du passé ou primat du présent ? La Rue des Légendes est vouée à s’ouvrir à d’autres horizons. Est-ce le fait de cette éloquence architecturale ? Face à Aurillac, six essais agenais (43-20) ont fait de la terre promise une chambre d’apparat. La semaine suivante, Agen l’emportait à Biarritz. La question de l’après s’était posée si longtemps… L’architecture serait-elle un discours de gloire ?
Tandis qu’Agen entreprenait un voyage aussi grand que l’avenir, Mathis Lebel nous offrait un moment hors du temps, lors du match Brive-Toulouse de samedi. Quatre joueurs battus, un corps savant relevant d’un art visuel, une musique pour les yeux. Un tremblement de ciel.