Midi Olympique

Le moins star possible

DEPUIS LES BORDS DE LA MÉDITERRAN­ÉE, CHRISTIAN MONTAIGNAC PARTAGE, CHAQUE MOIS, VISION ET PASSION À PROPOS DE L’ACTUALITÉ DU JEU DE RUGBY. SENSATIONS GARANTIES.

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Depuis trois saisons, Antoine Dupont dispose d’une journée particuliè­re pour être fêté par Castelnau-Magnoac, son village d’enfance. Ce dimanche, pour cette fervente occasion, le stade Jean-Morère a fait le plein au-delà des mains courantes, joli nom lorsqu’il s’attache au rugby. Il y avait du beau monde pour l’accueillir avec ses amis du Stade toulousain et des grands anciens de l’équipe de France. Les échos dans la presse furent chaleureux et l’enfant du pays rima avec l’enfant chéri. Tout était bien dit et écrit, y compris le destin prêté à ce roi, celui de devenir maire à la première occasion. Bien sûr, il fut répété son titre de « meilleur joueur du monde » pour 2021 décerné, depuis 2001, par l’Internatio­nal Rugby Board. Auparavant, deux Français l’ont été, Fabien Galthié en 2002, Thierry Dusautoir en 2011, et l’on peut noter que le Néo-Zélandais Dan Carter le fut par trois fois, son compatriot­e Bauden Barrett deux fois. Doit-on ajouter que, dans l’ordre des « peut mieux faire », Antoine Dupont, 25 ans… jusqu’au 15 novembre, tient sa place ? L’impression laissée par ce joueur à ressorts est telle qu’il fait bon insister sur cette juste réussite comme si sa combativit­é sur le terrain, à coups d’épaules et de reins, devait forcer encore et toujours l’admiration. Soit. Antoine Dupont, plus fulgurant encore que Jérôme Gallion, est dès à présent installé dans la hiérarchie des joueurs qui marquent les essais et la mémoire. Toutefois, sur le chemin de la Coupe du monde, un trop plein d’amour peut le menacer tant le rugby n’est pas habitué à ces débordemen­ts. Ainsi, pour saluer sa fête au village, Antoine Dupont fut un peu évoqué comme « l’enfant chéri » dans les commentair­es et surtout comme une « star », rien moins. Depuis longtemps, ce mot, tant de fois écrit et prononcé, est devenu dérisoire, vidé de son sens premier. Nées à Hollywood avec les débuts du cinéma, les stars sont des étoiles mortes qui ont fini par disparaîtr­e. Elles sont justes des marques, des produits, rien à voir, à retenir, avec ce que vit et montre le rugby, son esprit. Avec son nom, Dupont pourrait porter le béret et la baguette de pain, la publicité triomphera­it. Par bonheur, ce poulbot aux joues saillantes ne semble pas céder. Le regard et le buste droits, il échappe à toute réduction. La France du sport, qui attend depuis quarante ans un autre Bernard Hinault et un nouveau Noah à Roland Garros, vit une lassante frustratio­n. Un deuxième titre de Champion du monde de football n’a pas suffi à l’apaiser tant ce sport est en perte d’identité, même de respect. Et voilà que le rugby revient avec une équipe peut-être pas encore grande mais qui vit en empathie avec un public conquis. Antoine Dupont est plus que le capitaine de cette équipe de France, il en est l’orgueil et la fierté, le symbole parfait. Alors… solide comme le Dupont neuf ? Bien sûr, mais sachons le protéger de toute idolâtrie incompatib­le avec le rugby, fut-il d’aujourd’hui.

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