Engagez-vous, rengagez-vous, qu’ils disaient…
On en a entendu, des souverains poncifs, en quinze ans de services loyaux à défaut d’être toujours bons dans ce drôle de milieu. En termes journalistiques, on appelle cela la langue de coton, qui se distingue de la langue de bois (vous savez, ces expressions vides de sens exhortant à « prendre les matchs les uns après les autres » ou à souligner que « l’important, c’est les quatre points ») par son côté vaguement imagé, destiné à laisser croire que l’interviewé raconte quelque chose de vaguement intéressant. Le nec plus ultra de la com’ sportive, donc, dont l’essence profonde réside dans le fait de meubler un discours par des banalités bien enrobées, destinées à ne surtout vexer personne. C’est ainsi que, depuis quelques saisons, on s’est amusé à mettre ces petites pépites de côté, qui meublent les discours d’après-match de paraphrases pompeuses vantant « la résilience de l’équipe en défense » ou « son pragmatisme pour valider les temps forts », lorsqu’il ne s’agit pas de mettre en avant l’efficacité des « finisseurs » capables de faire basculer le « momentum ». De quoi « soigner le contenu » et offrir une victoire bienvenue dans le « marathon du Top 14 » (et/ou du Pro D2) après s’être « dit des choses » dans les vestiaires, et avoir protégé les intérêts de « l’institution ». La liste est non exhaustive et on arrêtera là l’énumération, mais si elle vous intéresse, n’hésitez pas à revenir en arrière : les pages de ce même journal en sont probablement farcies… On s’en amuserait, bien sûr, si on ne s’en agaçait pas à force de répétition, en vert de l’éternel principe de la goutte qui fait déborder le vase. En ce qui nous concerne ? Le terme de trop est celui de « l’engagement », notion qui a le mérite d’expliquer à peu près tout et son contraire, sans besoin d’entrer dans les détails. L’équipe a perdu ? C’est parce qu’elle a manqué d’engagement. L’équipe a gagné ? C’est parce qu’elle s’est retrouvée dans l’engagement. Argument bien pratique qui serait bien risible si l’on n’oubliait pas que le rugby demeure un sport de combat collectif (imagine-t-on un boxeur expliquer sa défaite par manque de combativité ?), et surtout qu’il permet trop facilement d’éviter de parler vrai. Plus pratique, en effet, d’évoquer un manque d’engagement qu’un plan de jeu insuffisant, un coaching défaillant, des erreurs stratégiques ou des maladresses. Alors messieurs les coaches, s’il vous plaît : autant on veut bien entendre l’argument de l’engagement en cas de défaite à plus de cinquante points, autant le reste du temps, par pitié : épargnez-nous…