Midi Olympique

Engagez-vous, rengagez-vous, qu’ils disaient…

- ● NICOLAS ZANARDI

On en a entendu, des souverains poncifs, en quinze ans de services loyaux à défaut d’être toujours bons dans ce drôle de milieu. En termes journalist­iques, on appelle cela la langue de coton, qui se distingue de la langue de bois (vous savez, ces expression­s vides de sens exhortant à « prendre les matchs les uns après les autres » ou à souligner que « l’important, c’est les quatre points ») par son côté vaguement imagé, destiné à laisser croire que l’interviewé raconte quelque chose de vaguement intéressan­t. Le nec plus ultra de la com’ sportive, donc, dont l’essence profonde réside dans le fait de meubler un discours par des banalités bien enrobées, destinées à ne surtout vexer personne. C’est ainsi que, depuis quelques saisons, on s’est amusé à mettre ces petites pépites de côté, qui meublent les discours d’après-match de paraphrase­s pompeuses vantant « la résilience de l’équipe en défense » ou « son pragmatism­e pour valider les temps forts », lorsqu’il ne s’agit pas de mettre en avant l’efficacité des « finisseurs » capables de faire basculer le « momentum ». De quoi « soigner le contenu » et offrir une victoire bienvenue dans le « marathon du Top 14 » (et/ou du Pro D2) après s’être « dit des choses » dans les vestiaires, et avoir protégé les intérêts de « l’institutio­n ». La liste est non exhaustive et on arrêtera là l’énumératio­n, mais si elle vous intéresse, n’hésitez pas à revenir en arrière : les pages de ce même journal en sont probableme­nt farcies… On s’en amuserait, bien sûr, si on ne s’en agaçait pas à force de répétition, en vert de l’éternel principe de la goutte qui fait déborder le vase. En ce qui nous concerne ? Le terme de trop est celui de « l’engagement », notion qui a le mérite d’expliquer à peu près tout et son contraire, sans besoin d’entrer dans les détails. L’équipe a perdu ? C’est parce qu’elle a manqué d’engagement. L’équipe a gagné ? C’est parce qu’elle s’est retrouvée dans l’engagement. Argument bien pratique qui serait bien risible si l’on n’oubliait pas que le rugby demeure un sport de combat collectif (imagine-t-on un boxeur expliquer sa défaite par manque de combativit­é ?), et surtout qu’il permet trop facilement d’éviter de parler vrai. Plus pratique, en effet, d’évoquer un manque d’engagement qu’un plan de jeu insuffisan­t, un coaching défaillant, des erreurs stratégiqu­es ou des maladresse­s. Alors messieurs les coaches, s’il vous plaît : autant on veut bien entendre l’argument de l’engagement en cas de défaite à plus de cinquante points, autant le reste du temps, par pitié : épargnez-nous…

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