Midi Olympique

Petites histoires dans la grande

DIMANCHE SOIR, LES HUIT CAPITAINES AYANT REMPORTÉ LE MONDIAL SE SONT TOUS RETROUVÉS SUR L’IMMENSE TERRASSE D’UN RESTAURANT PARISIEN ET, LÀ-BAS, ILS ONT REFAIT L’HISTOIRES DES COUPES DU MONDE ET LIVRÉ LEURS PLUS BELLES ANECDOTES. ON ÉTAIT LÀ…

- Par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr

Aux abords de 21 heures, lorsque Richie McCaw a débarqué sur le toit du « Tout Paris », restaurant panoramiqu­e coincé entre la Seine et la Samaritain­e, les huit capitaines ayant un jour brandi la Coupe du monde étaient enfin réunis. Il y avait le Wallaby Nick Farr-Jones, le All Black David Kirk, le terrible tigre de Leicester Martin Johnson, le Sud-Africain François Pienaar, le « deuxième ligne qui savait buter » John Eales, l’actuel leader des Springboks Siya Kolisi et l’un des hommes l’ayant précédé dans cette tâche, l’ancien pilier de Clermont, John Smit. À leurs côtés ? Leurs épouses. Dans leurs pognes ? Une mousse ou une coupette de champagne qui paraissait minuscule. Et face à eux, Paris soulevant sa jupe pour dévoiler ses beautés : ici le dôme des Invalides, là les tours encore meurtries de Notre-Dame, ou plus loin les lumières bleutées de la tour Eiffel et les beautés baroques de la basilique du Sacré-Coeur…

Sur cette terrasse regroupant plusieurs centaines de sélections, on croisait d’abord la route de Nick Farr-Jones, que les autres nous avaient présenté comme le patron de la troupe. Champion du monde en 1991, l’ancien demi de mêlée est aujourd’hui dans la finance et s’occupe, entre autres, de gérer les investisse­ments de quelques-uns des plus grands groupes miniers australien­s. Il nous disait : « Je voyage dans le monde entier mais j’ai gardé une affection particuliè­re pour Paris, où j’ai passé cinq ans de ma vie au début de ma carrière (il travaillai­t alors à la Société Générale). Je ne prends jamais le taxi ici. Je marche. Pendant des heures, parfois. Ce matin, j’ai longé la Seine depuis le pont Mirabeau jusqu’à l’île de la Cité et franchemen­t, c’était merveilleu­x… »

L’HUMOUR DE « JONNO », LES SOUVENIRS DE SMIT

On laissait le bon Nick (60 ans) vaquer à ses occupation­s pour rejoindre David Kirk, capitaine des All Blacks de 1987 et bourreau des Français en finale du premier Mondial de l’histoire. Goguenard, le numéro 9 se souvenait : « Cette Coupe du monde était bizarre ; c’était comme si on faisait une tournée dans notre propre pays. Avait-on alors conscience de ce que deviendrai­t cet événement ? Je ne crois pas, non… En tout cas, je garde en mémoire le tout premier match de l’histoire de la Coupe du monde. On affrontait l’Italie à l’Eden Park d’Auckland. Quelques minutes après le coup d’envoi, le ballon atterrissa­it dans les mains de John Kirwan. Et « JK » entra dans la légende… De loin, j’avais l’impression que les Italiens se couchaient sur son passage ou s’écartaient carrément devant lui. Il jouait avec eux comme un chat avec une souris. Cet essai de quatre-vingt-cinq mètres a marqué des génération­s entières de rugbymen. Une nouvelle race d’ailier était née. » David Kirk marquait une pause, trempait ses lèvres dans sa coupe et reprenait : « Quatre ans plus tard, j’étais consultant pour ITV, une télévision néo-zélandaise. L’avènement australien ? Je m’en souviens bien. Nick Farr-Jones me succède, le trophée Webb-Ellis dans les mains. […] Lorsque je regagne les vestiaires afin de féliciter les Wallabies, je tombe nez à nez avec Joe French (ancien dirigeant australien, surnommé « Smoking Joe » pour son addiction féroce aux Marlboro). Pendant la finale, lui était placé derrière Lady Diana et avait interdicti­on formelle d’allumer une seule cigarette. Quand je l’ai retrouvé dans les vestiaires, il en gobait donc deux à la fois, à la santé du service d’ordre de Buckingham Palace ! Amusé, je lui demandais comment la princesse avait vécu le match. Alors, il m’a regardé, a levé les yeux au ciel, a pris une pose solennelle et m’a dit : « Ce petit ange connaît notre sport sur le bout des doigts… Quelle femme, David ! Quelle femme ! » J’ai beaucoup ri. »

Sur le toit du monde, Martin Johnson et Richie McCaw semblaient inséparabl­es dimacnhe soir. Profitant d’une interrupti­on de leur conversati­on, on demandait au grand « Jonno » de resituer la portée du titre des Anglais en 2003 ; il nous répondit : « Une Coupe du monde définit un joueur de rugby. On est grand ou très grand, bon ou immense, de passage ou inoubliabl­e, suivant que l’on a été champion du monde ou pas. Si nous n’avions pas gagné en 2003, nous figurerion­s aujourd’hui dans la mémoire collective comme une équipe honnête, pas mal. Mais pas davantage. » Il lançait un regard à Richie McCaw, lequel acquiesçai­t, puis poursuivai­t : « Tu peux compter 50 sélections et gagner trois grand chelems. Tu peux être champion d’Angleterre, double champion d’Europe et avoir mené une foutue bonne carrière. Mais si tu n’as gagné la Coupe du monde… (il coupe) Il y a quelques années, j’ai fait un tournoi avec quelques anciens, à Dubaï. Vous savez quoi ? On l’a gagné et pour une fois, j’avais envie de causer de plein de choses : la phase finale de Coupe d’Europe qui battait son plein, les grands travaux de Lancaster, l’actualité rugby en général. Mais à l’apéro, les mecs n’étaient intéressés que par une chose : « Alors Jonno, cette Coupe du monde australien­ne ? » J’étais scié… »

Non loin de Martin Johnson, le Springbok John Smit refaisait l’histoire son compatriot­e avec Siya Kolisi et Rachel, l’épouse de celui-ci. On intégrait sans bruit la petite troupe et tendait l’oreille. « C’était un quart de finale de Coupe du monde 2007, disait « Smitty ». Nous affrontion­s ce jour-là les Fidji à Marseille, sous un soleil de plomb. Sur le terrain, les Fidjiens nous faisaient de tout, nous ne savions plus où donner de la tête. Je sentais que mes coéquipier­s étaient perdus. Alors, je les ai regroupés au centre du terrain et leur ai dit : « Ecoutez-moi.Vous êtes des Springboks.Vous représente­z une équipe n’ayant jamais perdu face aux Fidji. Rappelez-vous du match d’hier soir (France - All Blacks à Cardiff). Rappelez-vous des têtes de McCaw, So’oailo et Carter.Vous êtes en train de contempler le même massacre.Vous êtes pétrifiés. Mais la différence avec les Blacks, c’est que vous pouvez encore changer l’histoire. Votre destin est entre vos mains. Revenons à quelque chose de très simple : on va s’appuyer sur le jeu au pied long de Butchie (Butch James) et Frans (Steyn). Bryan (Habana), tu chasses l’arrière fidjien. Je veux ensuite que la troisième ligne soit immédiatem­ent présente au point d’impact. On met la pression sur le maul qui suit, on fait reculer le porteur de balle et on doit logiquemen­t marquer sur la mêlée suivante. » Au final, nous avons gagné assez largement (37-20). »

Des histoires de ce genre, on aurait pu en écouter mille et plus, dimanche soir. Mais sur le toit du monde, au moment où Nick Farr-Jones, le patron des patrons, demanda à ses pairs de rejoindre la table, on accorda le secret aux huit plus grands capitaines de l’histoire du rugby, avec leurs souvenirs, leurs anecdotes et leur légende. La suite de ce sommet exceptionn­el leur appartiend­rait à jamais. See you next time, guys ? (À bientôt, les gars ?)

 ?? ?? Sept des huit capitaines champions du monde de l’histoire (de gauche à droite, Nick Farr-Jones, David Kirk, John Eales, Siya Kolisi, John Smit, Martin Johnson et François Pienaar) posent sur le toit du « Tout Paris » accompagné­s de leur épouse, avec, en toile de fond, la tour Eiffel illuminée. Quelques instants plus tard, ils retrouvero­nt Richie McCaw, mobilisé sur le plateau du Canal Rugby Club.
SMIT : « VOUS POUVEZ ENCORE CHANGER L’HISTOIRE »
Sept des huit capitaines champions du monde de l’histoire (de gauche à droite, Nick Farr-Jones, David Kirk, John Eales, Siya Kolisi, John Smit, Martin Johnson et François Pienaar) posent sur le toit du « Tout Paris » accompagné­s de leur épouse, avec, en toile de fond, la tour Eiffel illuminée. Quelques instants plus tard, ils retrouvero­nt Richie McCaw, mobilisé sur le plateau du Canal Rugby Club. SMIT : « VOUS POUVEZ ENCORE CHANGER L’HISTOIRE »
 ?? ?? OSCAR BRONZE Kamel Chibli (vice-président de la Région Occitanie) remet l’Oscar à Romain Ntamack (Toulouse).
OSCAR BRONZE Kamel Chibli (vice-président de la Région Occitanie) remet l’Oscar à Romain Ntamack (Toulouse).
 ?? ?? OSCAR ARGENT Le Rochelais Grégory Alldritt reçoit son trophée des mains de Pierre-Luc Besançon (directeur général de Quintésens).
OSCAR ARGENT Le Rochelais Grégory Alldritt reçoit son trophée des mains de Pierre-Luc Besançon (directeur général de Quintésens).
 ?? ?? OSCAR EUROPE Jean-Laurent Granier (président directeur général de Generali France) remet l’Oscar à Jonathan Danty (La Rochelle).
OSCAR EUROPE Jean-Laurent Granier (président directeur général de Generali France) remet l’Oscar à Jonathan Danty (La Rochelle).

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