Midi Olympique

« Formé au club »... mais dans quel club ?

-

C’est le nouveau dada du rugby pro et, lorsque tombent sur la toile, le vendredi soir, les compositio­ns d’équipe de la journée de Top 14 à venir, les entités de l’élite aiment à mettre en lumière, en accolant aux noms des joueurs du cru un astérisque, une étoile ou un symbole quelconque, les « produits maison », la tambouille « fait main » et tout ce qui concerne, en réalité, les individus « formés au club ». L’initiative est louable, après tout. Elle est un vecteur de communicat­ion positive, une façon comme une autre d’affirmer qu’une fois tombé le « modèle Boudjellal », toutes les entités que regroupe aujourd’hui le monde pro ont basculé avec bonheur vers « la formation », vertu originelle et cardinale du sport, passé ou moderne. À Lyon, on dit donc de Dylan Cretin, le flanker internatio­nal, qu’il est « formé au club ». À Toulouse, on considère Thomas Ramos, l’un des buteurs les plus « successful­l » de la poule unique, comme « formé au club ». Au Racing, on écrit volontiers que Max Spring, l’un des arrières du XV de France, a été « formé au club ». À Montpellie­r, c’est le Géorgien Gela Aprasidze, arrivé au club à 18 piges, qui est « formé au club ». Au vrai, les clubs pros considèren­t, et les statuts de la Ligue ou de la Fédération les confortent en cette croyance, qu’un joueur ayant passé trois ans dans leur centre de formation est donc « formé au club ».

Franchemen­t ? Le qualificat­if est au mieux équivoque, au pire trompeur. Que les joueurs cités plus haut aient été lustrés, polis, affinés dans les multiples « CDF » que compte le pays ne fait probableme­nt aucun doute. Mais « formés », nom d’un homme ? D’aussi loin que l’on se souvienne, Dylan Cretin a été formé à Annemasse, en HauteSavoi­e ; Max Spring à Nafarroa, non loin du col de Roncevaux ; Thomas Ramos à Mazamet, au pied de la Montagne Noire ; et Gela Aprasidze quelque part à Tbilissi, si vous voulez bien nous pardonner cette approximat­ion géographiq­ue. C’est en ces lieux et nulle part ailleurs que ces joueurs ont acquis la base – et l’essentiel – de leur connaissan­ce rugbystiqu­e ; c’est làbas qu’ils ont appris à plaquer, à visser une passe ou taper dans un ballon ; c’est par l’entremise d’une poignée de gonzes à qui l’on n’a jamais offert autre chose qu’une bourrade amicale, un sourire d’enfant ou, les meilleurs jours, une coupe en toc en guise de remercieme­nt que la « formation », « l’éducation » proprement dite a vu le jour. Le reste n’est pas neutre, certes ; mais il n’est finalement rien d’autre que de l’« affinage », qu’un prolongeme­nt et à ce jour, de véritables « joueurs formés au club », on n’en voit même que quatre en Top 14 : Romain Ntamack, Matthieu Jalibert, Henry Chavancy et Baptiste Couilloud. En oublie-t-on tant que ça ?

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France