Midi Olympique

Je ne pense pas que je buterais, maintenant

- Propos recueillis à Paris par Vincent BISSONNET vincent.bissonnet@midi-olympique.fr

Quand je regarde les Wallabies, ça me donne de l’espoir, avant tout. Il y a un potentiel incroyable. Le problème vient de leur irrégulari­té : un week-end, ils peuvent être au top et, celui d’après, évoluer deux crans en dessous. Parfois, ça vient de la qualité de l’opposition, mais le plus souvent, ça ne dépend que d’eux-mêmes. Sur le talent pur, je reste con- vaincu que l’on peut battre n’importe quelle nation. La clé, pour nous, est de trouver de la constance.

Comme toutes les nations, en quelque sorte… Que vous manque-t-il vraiment ?

Il y a eu de nombreuses vagues de blessures. Ça nous a em- pêchés de constituer une ossature solide. Il reste un an d’ici la Coupe du monde pour y parvenir. Ça laisse assez de temps. Cette tournée sera d’ailleurs un vrai tournant dans la progres- sion des Wallabies. Tout part de la confiance que vous avez en vous, en vos partenaire­s et en votre plan de jeu. Il est dur d’obtenir tout ça en même temps mais c’est ainsi que l’on arrive au plus haut niveau. L’Australie doit s’inspirer de ce que la France a accompli sur les deux dernières années. L’écart de performanc­e, entre ses bons et ses moins bons jours, est réduit au minimum. C’est à ça que l’on reconnaît les grandes équipes.

Je ne suis pas inquiet. Je sens encore un vrai amour des Australien­s pour le rugby, que ce soit à l’école ou au niveau des provinces. Il y a une forte concurrenc­e, évidemment avec le rugby à XIII et le footy qui génèrent des économies très puissantes. C’est un challenge, pour le rugby à XV, de se développer mais, dans le coeur des gens, je pense qu’il y a la place pour plusieurs sports. La Coupe du monde 2027 sera aussi une opportunit­é en or pour notre avenir.

Avant tout, c’est un joueur fantastiqu­e : il a un gros abattage sur le terrain, avec énormément d’efficacité, il diffuse de l’énergie au groupe et est d’une régularité remarquabl­e. Il a tous les traits d’un grand capitaine. Il a dû affronter une série de défaites, le plus souvent avec de faibles écarts, qui l’ont miné. Il a eu besoin de prendre un peu de recul, ça peut se comprendre. Le fait qu’il soit de retour et régé- néré est la meilleure des nouvelles pour les Wallabies.

Le XV de France, que l’Australie va affronter, est-il le meilleur que vous ayez jamais vu ?

Oui, je le pense. La France est à son meilleur niveau. Elle est très impression­nante. Ça a toujours été une sélection rude à affronter et il y avait aussi ce côté imprévisib­le qui la ren- dait dangereuse. L’équipe de France actuelle a tout ça et la régularité en plus. Il suffit de la voir enchaîner les grandes performanc­es, d’une semaine à l’autre. Pour connaître Fabien Galthié, je ne suis pas surpris. C’était un joueur complet, tellement brillant. Il a apporté son intelligen­ce à la sélection. Il sait ce qu’il faut pour gagner au plus haut niveau, en ter- mes d’exigence et de précision.

Oui j’aime encore ça même si je pense que le rugby gagnerait à être moins robotisé. Parfois, je le trouve un peu lent et trop cadenassé. Vous savez, quand il y a ces phases très tactiques, assez répétitive­s. Après, quand c’est bien joué, c’est magnifique. Ça reste le plus beau des sports à voir. Le lien que les équipes arrivent parfois à trouver entre les avants et les trois-quarts, c’est formidable.

Je pense que si j’avais voulu jouer aujourd’hui, il aurait fallu que je me prépare différemme­nt. J’aurais dû prendre quelques kilos pour exister car le jeu est davantage basé sur la confrontat­ion directe. On avait plus de liberté d’expression à mon époque, je crois. Une des grandes différence­s vient de la qualité des défenses, aussi. Les équipes sont tellement bien organisées qu’elles se neutralise­nt davantage.

Le poste de deuxième ligne est peut-être celui qui a le plus changé…

Oui, les deuxième ligne ont amené le rugby à un autre niveau. À l’époque, c’était la mêlée et la touche, surtout. Puis ça s’est développé. Martin Johnson, notamment, a révolution­né le poste : il portait la balle, se proposait beaucoup… Année après année, ça ne finit plus d’évoluer.

Honnêtemen­t, c’est impossible de trancher. Il y en a tellement. Quelle équipe majeure n’a pas de très grands deuxième ligne ? Ils savent tout faire en plus : ils sont bons en touche, poussent fort en mêlée, portent le ballon comme des troisquart­s, plaquent à tour de bras. Chaque équipe a au moins un deuxième ligne capable de tout faire. Quand je jouais, vous n’aviez pas à tout bien faire comme ça.

En tout cas, on ne voit pas de buteur comme vous…

(rire).

Comment vous était venue cette idée de vous mettre à buter ?

Quand j’étais jeune, je butais régulièrem­ent et j’aimais ça. Même quand je suis devenu internatio­nal, j’adorais encore prendre quelques minutes la veille ou l’avant-veille des matchs pour m’exercer face aux poteaux. Nous jouions dans des stades magnifique­s, partout dans le monde. C’étaient de chouettes moments. En match, je prenais moins de plaisir, à vrai dire. Mais c’était sympa de pouvoir faire ça.

Vous savez, personne ne m’appelait comme ça. Tout était parti d’un repas de fin d’année avec la sélection. On devait s’offrir des cadeaux. Mitch Hardy m’avait acheté un livre d’un personnage connu sur le nom de M. Perfect. Campo (David) Campese, dont c’était la dernière année, a alors dit : « C’est ridicule, personne n’est parfait. » Un de mes partenaire­s a raconté l’anecdote à un journalist­e qui l’a écrit. C’est parti de là. Après, on me surnommait comme ça dans les journaux mais ce n’était pas le cas au sein du groupe.

Alors, la perfection existe-t-elle ?

Non et surtout pas dans le rugby. Si vous commencez à le croire, en tant que joueur ou équipe, vous arrêtez de progresser et c’est le danger. L’équipe de France, par exemple, l’a bien compris. Rien n’est permanent, aussi bien la victoire que la défaite.

Nous aurons les moyens d’être compétitif­s. Après, plutôt que d’évoquer des favoris, je parlerais d’équipes qui ont la meilleure marge de progressio­n. Il y a la France et l’Irlande, avant tout, qui partent sur de très bonnes bases. Mais si vous regardez, il y a aussi la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud, l’Angleterre, l’Australie, le pays de Galles, l’Argentine. Chacune de ces nations peut battre les autres. C’est qui me fait dire que la Coupe du monde en France sera très excitante.

 ?? ?? LE DOUBLE CHAMPION DU MONDE 1991 ET 1999 NOUS PARLE DE SA SÉLECTION, DE MICHAEL HOOPER, DE FABIEN GALTHIÉ OU ENCORE DE L’ÉVOLUTION DE SON POSTE. AVEC L’OUVERTURE D’ESPRIT ET LA LUCIDITÉ QUI CARACTÉRIS­ENT CETTE LÉGENDE VIVANTE DU JEU.
Prenez-vous toujours autant de plaisir à regarder le rugby ?
En un sens, vous étiez déjà un deuxième ligne moderne avant l’heure. Vous projetez-vous facilement dans le rugby actuel ?
Quel deuxième ligne vous impression­ne le plus aujourd’hui ?
LE DOUBLE CHAMPION DU MONDE 1991 ET 1999 NOUS PARLE DE SA SÉLECTION, DE MICHAEL HOOPER, DE FABIEN GALTHIÉ OU ENCORE DE L’ÉVOLUTION DE SON POSTE. AVEC L’OUVERTURE D’ESPRIT ET LA LUCIDITÉ QUI CARACTÉRIS­ENT CETTE LÉGENDE VIVANTE DU JEU. Prenez-vous toujours autant de plaisir à regarder le rugby ? En un sens, vous étiez déjà un deuxième ligne moderne avant l’heure. Vous projetez-vous facilement dans le rugby actuel ? Quel deuxième ligne vous impression­ne le plus aujourd’hui ?
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C’est ce qui vous autorise à penser que l’Australie peut gagner la Coupe du monde, dans un an, quand bien même vous ne faites pas partie des favoris ?

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