Midi Olympique

« C’est une opportunit­é, à moi de la saisir » (Ntamack)

- Propos recueillis par Jérémy FADAT jeremy.fadat@midi-olympique.fr

THOMAS RAMOS - Arrière du XV de France ÉTINCELANT DEPUIS LE DÉBUT DE SAISON AVEC TOULOUSE, OÙ IL A ESSENTIELL­EMENT JOUÉ OUVREUR EN L’ABSENCE DE ROMAIN NTAMACK, IL SE VOIT ENFIN OFFRIR UNE CHANCE DÉBUTER CHEZ LES BLEUS AVEC LE NUMÉRO 15 DANS LE DOS. UN MOMENT QU’IL ATTENDAIT DEPUIS LONGTEMPS.

Que vous inspire ce premier rendez-vous automnal face à l’Australie ?

Déjà, il nous tarde de retrouver le Stade de France, de rejouer dans notre pays avec le maillot bleu sur le dos. Ensuite, chacun sait que ce sera une grosse équipe en face, une grande nation du rugby. Voilà pourquoi il faut bien le pré- parer pour faire un match sérieux et l’emporter.

Il y a eu beaucoup de blessures, de forfaits ou d’incertitud­es ces dernières semaines ou ces derniers jours. Cela a-t-il pu déstabilis­er le groupe ?

Non, je n’ai pas l’impression que ça perturbe le groupe. Beaucoup de joueurs sont là depuis pas plusieurs années maintenant, que ce soit dans les quarante-deux ou dans les vingt-huit. Donc, peu importent les changement­s d’équipe, les automatism­es reviennent vite entre chaque joueur. De l’in- térieur, je n’ai vraiment pas le sentiment que les blessures ou les incertitud­es ont pu nous déstabilis­er sur les séances d’entraîneme­nt.

D’autant plus que le XV de France a déjà prouvé qu’il avait un fort réservoir et beaucoup de ressour- ces…

Totalement. On l’a vu à plusieurs reprises, on a beau penser qu’il y a du turnover parfois, l’équipe de France reste com- pétitive. C’est le plus important. Ce fut évident sur les deux dernières tournées d’été. Au Japon, de nombreux joueurs ayant réalisé le grand chelem n’y étaient pas et cela n’a pas empêché de gagner les deux matchs. En Australie l’an- née précédente, il manquait du monde aussi, dont les fina- listes, et les performanc­es ont pourtant été bonnes. Cela prouve qu’il y a un grand réservoir en France, de grosses qualités dans ce groupe.

Justement, le XV de France n’a plus perdu un seul match depuis le troisième test en Australie, en juillet 2021. L’avez-vous dans un coin de la tête à l’heure de retrouver les Wallabies ?

Je ne crois pas qu’il y ait une quelconque histoire de revan- che de notre côté par rapport à ce match-là. On se concen- tre uniquement sur nous, sur nos objectifs et on ne pense pas forcément à ce qu’il a pu se passer lors de la dernière défaite de l’équipe.

Depuis, vous êtes tout de même sur une série de dix victoires d’affilée et vous pouvez aller chercher prochainem­ent un record sur ce plan. Est-ce une ambition ?

Je ne sais pas si cela sert de motivation mais, évidemment, c’est toujours agréable de pouvoir faire partie d’une équipe qui écrit l’histoire ou qui bat des records. Même s’il ne faut surtout pas se focaliser uniquement sur cela. Ce qui nous in- téresse, c’est d’abord de gagner des matchs. Après, plus tu en gagnes, plus tu as de chances de faire une série de vic- toires… Si on l’emporte sur nos prochains rendez-vous, ce sera une performanc­e qui récompense­ra un groupe qui évo- lue ensemble depuis quelques années.

Après l’Australie, vous affrontere­z les champions du monde sud-africains à Marseille. Vous y pensez forcément…

Quand on entame une tournée de trois matchs, dont un face aux champions du monde, c’est dur de ne pas y penser. Mais n’avoir que le rendez-vous face aux Springboks en tête, ce serait vraiment manquer de respect à l’Australie et ce serait surtout se tromper dans la manière d’aborder cette pre- mière rencontre. La meilleure des préparatio­ns pour affron- ter l’Afrique du Sud, ce sera d’être performant contre les Wallabies samedi soir.

Percevez-vous votre changement de statut et sentez-vous les attentes qui grandissen­t autour de vous ?

Oui. Mais il est normal qu’il y ait de l’attente. Les derniers résultats parlent pour nous. Il y a eu ce grand chelem, il y a eu aussi cette belle victoire face aux All Blacks qui restent une immense équipe du rugby internatio­nal. Cette grande attente est tout à fait compréhens­ible.

Est-ce pesant ?

Non, ce n’est pas quelque chose qui nous met plus de pression sur les épaules. On sait où on veut aller. On connaît notre groupe, nos objectifs et on compte bien les atteindre.

Sur le plan personnel, entre vos excellente­s prestation­s avec Toulouse et la blessure de Melvyn Jaminet pour cette tournée, vous avez été sous le feu des projecteur­s ces dernières semaines…

Cela fait toujours plaisir d’enchaîner des bonnes prestation­s en club. Je me sens bien dans ma tête, bien dans ma vie. Quand c’est le cas, cela se ressent sur le terrain où tu ne peux prendre que du plaisir. C’est ce que je suis parvenu à faire en ce début de saison. Jusque-là, les choses m’ont plutôt bien réussi, j’espère que ça va continuer ainsi.

Cette forte exposition peut-elle être une forme de pression ?

Non, je ne le vois pas comme ça. Aujourd’hui, je suis récompensé avec cette sélection en équipe de France et avec une place de titulaire samedi. C’est très bien pour moi, j’en suis heureux. À moi maintenant de ne pas laisser passer cette chance.

Vous avez brillé à l’ouverture récemment, avec l’absence de Romain Ntamack en club. Existe-t-il une difficulté à rebasculer sur le poste d’arrière ?

Non, il n’y a pas eu de difficulté là-dessus. Effectivem­ent, je n’ai pas beaucoup joué à l’arrière depuis le début de saison mais cela reste un poste que je connais parfaiteme­nt.

Est-il clair que le staff des Bleus vous attend en priorité sur ce poste d’arrière ?

La question d’un changement de poste, ou je ne sais quoi, ne s’est même pas posée. Je sais que mes chances de jouer en équipe de France se portent davantage sur le poste d’arrière. Donc je me concentre pleinement sur ce rôle.

Comme à Toulouse, Fabien Galthié et Laurent Labit répètent souvent que l’ouvreur et l’arrière sont les deux meneurs de jeu dans leur système. Est-ce un avantage du coup ?

Oui, c’est clair. Et l’autre avantage pour moi, c’est que je vais jouer avec Romain (Ntamack) positionné en numéro 10. Cela me permet d’évoluer à côté de quelqu’un que je connais, avec qui je joue depuis plusieurs années, avec qui j’ai des automatism­es et des repères naturels. Pour la confiance, c’est très important. Aujourd’hui, ces deux postes sont évidemment amenés à fonctionne­r ensemble. Conduire le jeu ou avoir des responsabi­lités, c’est quelque chose que j’aime. Il y a donc des similitude­s entre le rôle du numéro 10 et celui du numéro 15, ou entre ce que l’on peut faire en club et en équipe de France.

La connexion est également naturelle avec Antoine Dupont, le troisième meneur de jeu…

Oui, bien sûr. J’ai cité Romain mais c’est la même chose avec Antoine, dont les responsabi­lités sur le jeu sont grandes. Je forme parfois la charnière avec lui à Toulouse. Être à côté de ces mecs avec qui j’ai l’habitude d’évoluer, c’est un confort et un gain de temps.

Vous serez donc enfin titulaire avec le XV de France face à l’Australie. Cette opportunit­é, vous l’attendiez depuis longtemps…

Le mot exact a été prononcé. C’est une opportunit­é, et c’est à moi de la saisir. Avec ce maillot bleu, j’ai un peu vécu toutes les étapes possibles depuis quelques années. Aujourd’hui, je suis d’autant plus content de démarrer ce match. Je ne dois pas me poser cinquante questions. Je veux être moi-même sur le terrain et juste me souvenir que je monte d’un cran, que je suis au niveau internatio­nal où tout va plus vite. Ce sera un très beau moment à mes yeux et j’espère que ça va bien se passer.

Pour le rôle de buteur ce samedi soir, comment les choses se sont-elles décidées ?

C’est donc moi qui vais buter. Romain revient d’une période de blessures et n’a pas joué depuis un petit moment. Il a envie de se concentrer sur lui, sur sa partie stratégiqu­e concernant la conduite du jeu. Pour ma part, j’assume cette responsabi­lité depuis plusieurs saisons en club. J’ai l’habitude de buter tous les week-ends, donc la discussion s’est faite très ouvertemen­t et sereinemen­t entre nous.

Mais la décision finale appartenai­t-elle aux joueurs ou au staff ?

Disons qu’on en a d’abord parlé un peu avec Romain. Puis, ensuite, il y a eu aussi des échanges avec Laurent Labit sur le sujet. Tout s’est fait naturellem­ent.

Entre votre prêt à Colomiers en Pro D2, en 20162017, votre retour au Stade toulousain ou les deux finales de Top 14 où vous avez été propulsé numéro 10, votre carrière a toujours été faite de défis. Ce match est-il l’occasion d’en relever un autre ?

Il existe des parcours plus faciles ou linéaires, d’autres plus compliqués. Le mien, j’en suis fier. Oui, je suis fier d’avoir franchi ces étapes. Cette fameuse année à Colomiers, en Pro D2, m’avait fait énormément de bien et, depuis mon retour au Stade toulousain, tout se passe très bien pour moi. C’est aussi dans mon caractère d’apprécier ces situations où on me remet parfois en cause. J’aime répondre de la meilleure des façons.

Vous avez aussi connu un parcours sinueux en équipe de France, entre l’épisode de la Coupe du monde 2019, des déceptions sur votre temps de jeu en sélection ces dernières années ou les interrogat­ions sur votre faculté à vous imposer au niveau internatio­nal. Qu’en avezvous retiré ?

Dans une carrière, on grandit, on prend de l’âge et de l’expérience. Désormais, je pense arriver à un moment de mon parcours où j’ai vécu beaucoup de choses. J’ai mis toutes les mauvaises de côté et je ne garde que les bonnes. J’espère que, pour moi, il est l’heure de franchir un nouveau cap, de passer cette étape du haut niveau une bonne fois pour toutes.

D’autant que nous sommes à un an de la Coupe du monde, dont vous n’avez jamais caché avoir fait un grand objectif personnel…

Oui, forcément. Je le dis depuis longtemps. Même en ayant vécu des allers-retours entre la sélection et le club, même en ayant traversé ces moments où je n’étais pas dans le groupe, où j’étais remplaçant et où je ne jouais pas beaucoup, je n’ai jamais caché que cette Coupe du monde était à mes yeux un gros objectif. Pour y être, il faut déjà avoir l’occasion d’être sélectionn­é, donc réaliser de bonnes prestation­s en club. Ensuite, quand on vous donne l’opportunit­é de porter ce maillot, il faut être bon pour ne pas laisser. À moi de répondre présent et de continuer à croire que je peux atteindre mes objectifs.

« J’ai vécu beaucoup de choses. j’ai mis toutes les mauvaises de côté et je ne garde que les bonnes. J’espère que, pour moi, il est l’heure de pas- ser cette étape du haut niveau une bonne fois pour toutes. »

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