« C’est un pari gagné pour l’avenir »
Olympique - Patrick Derewiany
Avez-vous le sentiment que le XV de France a été contré sur ses points forts ?
C’est la rançon de la gloire. Quand une équipe est en tête de peloton, elle est observée, épiée. C’est ce qui va se passer dans les mois à venir, jusqu’à la Coupe du monde. L’équipe de France, tout le monde veut la battre et toutes les nations savent comment elle procède. Les Australiens avaient donc mis un focus sur l’intensité physique sur l’homme. Pour moi, attention, ils ont quand même raté beaucoup de plaquages. Ils n’ont pas réussi à achever leur plan mais nous ont vraiment contrés sur certaines phases d’affrontement physique. On l’a vu sur certaines mêlées, sur les ballons portés. On a vu aussi que près des lignes, ce qui est la marque de fabrique de l’équipe de France habituellement très réaliste, l’efficacité n’a pas été au rendez-vous. C’est parce que les Wallabies ont fait du bon travail et qu’ils s’étaient donné rendez-vous sur ce secteur de l’intensité et le combat homme à homme.
Rien d’inquiétant à mon sens. Chaque match délivre sa vérité. N’oublions pas que cette équipe de France n’avait plus joué ensemble depuis le Tournoi des 6 Nations. Ça fait presque huit mois, ce n’est pas rien. La plupart des cadres étaient au repos pour la tournée au Japon. Les Australiens, eux, sortaient d’un Rugby Championship très décevant où le sélectionneur (Dave Rennie) a été très critiqué. Je crois qu’ils avaient fait de cette rencontre face à la France un vrai rendez-vous sur l’intensité, l’état d’esprit. Ils avaient besoin d’être réhabilités. Ils ont donc été présents sur les fondamen- taux et ils ont des armes dans ce secteur. Quand Skelton est en face, c’est difficile de construire des ballons portés. Allez donc demander aux équipes de Top 14. Voilà pourquoi ils ont réussi partiellement à contrer les Bleus. La conclusion que l’on peut tirer, c’est que dé- sormais le quotidien de cette équipe de France, ça va être de savoir se renouveler.
J’ai surtout été surpris qu’ils gagnent beaucoup d’échan- ges sur un secteur de jeu, la dépossession ou la resti- tution du ballon pour exploiter ses erreurs, qui est un point fort de l’équipe de France. Samedi, dans les échanges de « ping-pong », les Australiens ont réguliè- rement gagné la bataille. C’est un bel exemple du chantier qui attend l’équipe de France dans les mois à ve- nir. Parce que ces nations ont une « check-list » des secteurs sur lesquels elles savent qu’elles peuvent contrarier le XV de France. Les Australiens ont d’ailleurs été plutôt efficaces, mais ils n’ont pas réussi à annihi- ler le talent des joueurs français durant 80 minutes. On l’a vu avec l’essai de Damian Penaud, mais ça s’est joué à rien.
Sur la deuxième partie du match, j’ai senti que les Bleus avaient repris l’initiative du jeu. Les Australiens se sont accrochés autant que possible, ils ont très bien défendu leur ligne. C’est aussi ce qui explique pour- quoi le XV de France a été moins efficace proche de la ligne de marque adverse, moins dominant sur les bal- lons portés ou dans le petit périmètre. Les Australiens ont vraiment bien retardé l’échéance, au point qu’on a vraiment cru à leur victoire. Mais je crois aussi à une forme de justice avec cet essai de Damian Penaud et ce succès tricolore. Certes, on peut voir cette rencon- tre comme un avertissement, mais on est aussi en droit de penser que ce n’était qu’un premier retour aux af- faires et que ça va s’améliorer de match en match.
Des garçons comme Ntamack, Baille, Danty,
Personne n’est mieux placé que les membres du staff, avec l’ensemble des données qu’ils ont en leur possession, pour faire ces choix-là. Maintenant, le signal envoyé depuis quelque temps déjà, c’est de s’appuyer sur une ossature de cadres très forts. C’est le fil rouge depuis que Fabien (Galthié) et son staff ont pris le poste. Ils ont été fidèles à leur ligne directrice, on ne peut pas le leur reprocher. Ils savaient sans doute que certains joueurs manquaient de carburant car le niveau international est une loupe grossissante et chaque petite faiblesse ressort au grand jour. C’était, je pense, un risque assumé dans la perspective du match face aux Springboks, qui est le point d’orgue de ce mois de novembre. Et que pour se préparer à jouer ce match, il n’y a rien de mieux que d’affronter les Wallabies.
Vraiment ?
Est-ce que tout a été maîtrisé dans ce match ? Non. Est-ce que le pari est gagné ? Oui. Il fallait donc le tenter parce que celui qui gagne a toujours raison. Et ce pari, c’est un pari aussi pour l’avenir
Incontestablement, le regard des Sud-Africains a changé sur l’équipe de France. Globalement, ils s’intéressent peu au rugby européen et français. Ils pensent d’abord à eux, sont fidèles à leur ADN. Évidemment, il y a des adaptations à la marge. Mais ils font ce qu’ils savent faire, c’est le moteur de leur confiance. Mais là, ils connaissent tous les joueurs majeurs du XV de France. Les gars m’en parlent constamment. Ils me questionnent. Des garçons comme Alldritt, Dupont, Ntamack ou encore Penaud sont des joueurs qui alimentent les conversations en Afrique du Sud. Les Sud-af’ sont vraiment curieux d’affronter ces joueurs qui les ont impressionnés. Et ce qui est marrant, c’est que ces deux équipes s’appuient un peu sur les mêmes armes. Il n’y aura donc aucun effet de surprise samedi prochain à Marseille. Mais ça va faire des étincelles.