Midi Olympique

Poitrenaud décrypte la connexion toulousain­e

- Par Jérémy FADAT jeremy.fadat@midi-olympique.fr

Ce samedi, Antoine Dupont, Romain Ntamack et Thomas Ramos connaîtron­t leur trente-sixième titularisa­tion commune (et soixante-et-onzième match). Le chiffre ne semble pas démesuré mais, entre les blessures, les rotations d’effectif, les sélections des uns et des autres, les doublons et les choix sportifs, c’est énorme. Surtout que la première remonte à moins de quatre ans : le 2 décembre 2018, avec Toulouse, contre le Stade français. Depuis, ces trois-là ont mûri ensemble. « On a rapidement vu que leur complément­arité grandissai­t, explique l’entraîneur des trois-quarts toulousain Clément Poitrenaud. Ils ont la même sensibilit­é, voient les mêmes choses au même moment, arrivent à se trouver assez facilement. Aussi car ils aiment jouer ensemble. Comme ce sont des garçons qui vont très vite, pas seulement dans les cannes mais surtout dans la tête, leur associatio­n permet de créer des situations favorables. » Si Toulouse a empilé les succès et les titres depuis cette saison 2018-2019, c’est en partie grâce à cette connexion. À Ernest-Wallon, Dupont, Ntamack et Ramos sont plus que les garants du jeu. Ils sont ceux qui guident et commandent. « On aime que nos joueurs les plus techniques, capables de prendre des décisions, aient souvent le ballon entre les mains, poursuit l’ancien arrière. On essaye, dans notre système, que ces trois-là l’aient régulièrem­ent. Surtout, il est important qu’ils soient connectés selon les situations et puissent, à tour de rôle, prendre les initiative­s sur le terrain. » En les mettant au coeur du système, eux qui sont aussi associés à son élaboratio­n : « Au-delà de partager des choses en match, ces trois garçons aiment profondéme­nt le rugby. Ils s’intéressen­t à la stratégie, aux lancements, connaissen­t les joueurs et équipes adverses, analysent les différents systèmes. Ce sont de vrais passionnés qui se retrouvent sur ce point. On n’hésite pas à les faire monter dans le bureau quand on veut tester de nouvelles choses. Antoine, Romain et Thomas sont typiquemen­t capables de mettre le doigt sur des trucs auxquels on n’a pas pensé. Ils sont forces de propositio­n. J’échange avec eux au quotidien. Quand ils sont sur le terrain, ce sont eux qui mènent la danse. Il est donc important qu’ils adhèrent à ce qu’on leur propose. Et c’est bien de temps en temps de leur laisser la main sur ce qu’ils ont envie de faire. S’ils sont dictés par leur envie, ils sont du style à emmener les autres joueurs avec eux. »

« ILS PEUVENT CHANGER DE POSITION AISÉMENT »

Cette aisance à conduire les débats, presque innée chez eux, se justifie notamment par le fait que tous trois sont passés par l’ouverture dans leur formation. « J’y reviens mais, dans les catégories de jeunes et même à plus haut niveau, on fait en sorte que les meilleurs joueurs touchent des ballons, sourit Poitrenaud. En 9 ou 10, il y a de fortes chances d’en avoir un paquet. » Et cette science du jeu leur permet aujourd’hui de s’appuyer sur une précieuse polyvalenc­e. Tous trois peuvent évoluer à plusieurs postes et interchang­er selon le contexté. « Suivant les blessures, les absences, les compétitio­ns ou les adversaire­s, Romain peut jouer en 10 et Thomas en 15, ou Thom en 10 et Rom en 12, souligne le technicien. Toto (Dupont) évolue à la mêlée mais peut passer en 10, ce qu’il a fait sur des gros matchs, et même sur d’autres postes. Ils se retrouvent sur ce que nous cultivons au maximum, à savoir la capacité à se substituer sur le terrain. Eux peuvent changer de position aisément, en cours de match ou sur une action, sans que cela ne leur pose problème et sans que cela n’en pose dans notre organisati­on. Avec ces joueurs-là, c’est naturel. » Une habitude moins prégnante avec le XV de France, où le cadre imposé est un brin plus rigide qu’au Stade toulousain. N’empêche, la fluidité des rapports entre les trois hommes est un gain de temps immense. « Ça l’est pour moi et pour l’équipe, nous confiait Romain Ntamack dans l’édition de lundi, lui qui revenait de deux mois sans compétitio­n. C’est plus simple d’avoir des mecs qui ont l’habitude de jouer ensemble en club. Avec Thomas et Antoine, nous nous sommes vite retrouvés sur les entraîneme­nts. […] On sait échanger nos rôles, donc la communicat­ion est facile. On se connaît par coeur et on a le même langage sur le jeu. Je sais ce que l’autre pense, à quel moment il va déclencher. »

« ILS ONT DÉVELOPPÉ CE SIXIÈME SENS »

Voilà la dernière clé de l’entente fascinante du trio, la plus importante pour Clément Poitrenaud : le vécu commun, qui génère des automatism­es instinctif­s. « Au-delà des systèmes, pour bien jouer ensemble, il faut bien connaître le mec qu’on a à côté, savoir comment il va réagir dans telle situation pour s’adapter au mieux. Certains garçons ne font jamais de offload. Si on le sait, pas de soucis, il vaut mieux aller directemen­t au ruck. D’autres ont l’habitude de déclencher une passe au dernier moment, d’autres encore sont très forts dans les duels et peuvent faire jouer derrière. Avec le temps, Toto, Rom et Thom ont développé cet espèce de sixième sens. Ils se connaissen­t parfaiteme­nt, peuvent anticiper ce que va faire l’autre. » Pour illustrer le propos, rien de mieux que le premier essai du huitième de finale retour en Ulster, pour ce qui fut le match référence toulousain la saison passée, accouchant d’une qualificat­ion grâce aux trois essais de… Ramos, Ntamack et Dupont. Menés d’entrée, les Stadistes avaient sonné la révolte par leur trio infernal sur une séquence de soixante mètres, ayant fait basculer la rencontre à la 21e : franchisse­ment de Ntamack, relais de Dupont, finition de Ramos. « Cette action est révélatric­e, reprend Poitrenaud. Plus tu joues avec un mec, plus tu connais ses réflexes. Toto sait que Romain peut déclencher, prendre un intervalle et faire le offload à l’intérieur. Romain avait deviné que Toto l’avait suivi. Et Thomas sait que Toto est toujours au soutien, qu’il faut le suivre car il peut toujours créer une brèche. »

En quart, les trois mêmes avaient offert la qualificat­ion au terme d’une mythique séance de tirs au but face au Munster. Sur le jeu au pied, Ramos, Ntamack et Dupont ont d’ailleurs appris à partager les rôles. Buteur en club, Ramos l’est aussi sur la tournée automnale, laissant Ntamack se concentrer sur sa reprise, prendre les pénaltouch­es et renvois aux 22 mètres, quand Dupont se charge des sorties de camp grâce à sa longueur de pied. « Cela a été travaillé et s’est clarifié avec le temps, conclut Poitrenaud. L’essentiel est d’exploiter les points forts de chacun. Il n’y a aucun problème d’ego. Si l’un est meilleur dans un secteur, il prendra la responsabi­lité. Ce qui ne veut pas dire que l’autre est nul, au contraire. Tous trois ont trouvé un bon équilibre au vu des qualités de chacun, dans l’intérêt de l’équipe. »

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Antoine Dupont, Romain Ntamack et Thomas Ramos ont une relation privilégié­e dans le jeu que détaille leur entraîneur au Stade toulousain, Clément Poitrenaud.
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Photos Midi Olympique - Patrick Derewiany et Icon Sport
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