Midi Olympique

Chaos debout !

- Emmanuel MASSICARD emmanuel.massicard@midi-olympique.fr

J’ai cru hurler. Pardon, j’ai vraiment hurlé. C’était dimanche matin et j’étais au volant de ma voiture pour rejoindre la rédaction du Midol quand Marc Madiot, ancien cycliste pro désormais membre des Grandes Gueules du sport sur RMC, a « griffé » le succès du XV de France acquis de haute lutte face aux champions du monde sud-africains.

Non pas que le débat et la critique me soient insupporta­bles, mais son assertion dominicale était tellement décalée, hors sol, qu’elle en devint grossière à mes oreilles. À écouter Marc, nous aurions en effet assisté samedi au stade Vélodrome à une « rencontre amicale », sans enjeu parce que dénuée de titre. Et donc sans intérêt véritable. Bah voyons.

En fait, ce fut aussi juste que la com’ d’aprèsmatch de l’ami Rassie Erasmus sur Twitter, où le patron des Boks a dénoncé -images à l’appuides erreurs d’arbitrage favorables aux Bleus. Ceci sans jamais dire le moindre mot au sujet de Jonathan Danty qui fut victime d’une agression caractéris­ée de Pieter-Steph du Toit. Pas juste. Et pas dans l’esprit. Bref, vous l’aurez compris, à mes yeux, l’un et l’autre ne font pas honneur à leur réputation. Le premier n’a pas compris ce qu’est le rugby et le second ne veut pas tout en dire, surtout pas ce qu’il aura à balayer devant sa porte.

Car si ce match n’a effectivem­ent décerné que des médailles en chocolat, il fut loin d’être amical. Tout au contraire même, avec cinq protocoles commotions dont deux avérés et une suspicion de fracture de la pommette ; sans oublier une hernie inguinale (ou blessure du genre). Une telle hécatombe n’est pas loin d’être un record. Elle nous envoie un double message : d’abord l’engagement à l’ancienne -et parfois extrême, dantesque- de ce match témoigne qu’il ne comptait vraiment pas pour du beurre ; ensuite, le pire est certaineme­nt à venir pendant la Coupe du monde quand les deux équipes auront à se retrouver pour la revanche. Surtout, quasiment toutes les Coupes du monde se sont dénouées sur cette gamme de couleurs.

Le XV de France a donc fait preuve d’un sacré caractère pour emporter une douzième victoire consécutiv­e et si le suspense fut palpitant, mais vous ne m’empêcherez pas de penser que cette rencontre aux forts relents d’hormones peut être une mauvaise pub pour le rugby. Notre sport avait su épouser des formes de jeu plus séduisante­s et moins traumatisa­ntes ces dernières années, et il retombe là dans un de ses travers favoris.

On peut certes louer le formidable engagement de l’Afrique du Sud pour sortir de son début de match cataclysmi­que et ainsi faire honneur à sa légende d’équipe « la plus rude du monde à jouer ». N’empêche, le geste de Du Toit restera une tache indélébile au milieu d’un tableau à la beauté sourde. Et il a surtout donné le ton pour le reste de la rencontre et même au-delà, on peut le craindre ; ce sursaut d’orgueil et d’intensité ne sera certaineme­nt pas l’affaire d’un seul soir, à Marseille…

Car si les Springboks ont été dignes de leurs anciens, s’ils ont montré au monde comment faire déjouer ce XV de France, ce sont pourtant les hommes de Gathié qui ont dompté le chaos. Qui ont terminé la rencontre debout et à pleine vitesse -ce qui les rend uniques- malgré un passage sous le rouleau compresseu­r sud-africain.

Assez pour dégoûter les futurs adversaire­s ? C’est à voir. Une chose est sûre, ces Bleus s’appuient sur un potentiel dont nous sommes loin d’avoir fait tout le tour.

Mais, n’y revenons pas. Et permettez-moi de terminer par une pointe d’optimisme. Si la peinture de Pierre Soulages a célébré le concept de l’outrenoir, c’est l’outreBok qui s’est finalement imposé dans la galerie des illustres victoires françaises au Vélodrome... Avec une belle touche de bleu intense au coeur de l’ouvrage.

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