Fidèles au système
Lors du premier week-end de novembre, le rugby français, garçons et filles, était impliqué sur deux fronts. Contre l’Australie, les bleus ont gagné un match qu’ils pouvaient perdre, cependant, la satisfaction réside dans la force mentale de cette équipe à sauvegarder son invincibilité. Une dynamique collective qui se concrétise dans sa capacité à être fidèle à un plan de jeu qui a fait ses preuves. Celui-ci génère des interdits qui contraignent « à ne pas pouvoir » sortir du cadre, mais tout en même temps et de manière, peut-on dire, contradictoire, le staff les autorise à dépasser ce cadre pour, grâce à la liberté d’initiative accordée, réagir à l’imprévu et à agir en conséquence. Entre la nécessité de jouer selon le plan choisi et celle de gérer la conjoncture situationnelle momentanée, on passe d’un mode simplifié de penser le jeu à un mode plus complexe. Il s’agit bien pour tous de s’adapter en faisant face à l’incertain et au risque. C’est bien dans cette dynamique aléatoire que les Français excellent. Les victoires précédentes en font foi et l’action de fin de match contre l’Australie tout autant. Ce collectif ne manque pas de talents et peut s’appuyer sur des joueurs qui, présentent des compétences qui les autorisent à s’ouvrir des espaces de créativité supérieure. L’essai de Penaud illustre cette assertion.
Pour les filles, accéder à la finale de la coupe du monde était un rêve. Cette représentation se devait d’être entretenue à la fois dans les entraînements et dans la compétition. Il s’agit d’une authentique construction mentale collective. Faire que « la branche (la représentation de son jeu personnel) fasse bien partie de l’arbre (le jeu collectif) » nécessite de définir sans ambiguïté « le jeu à faire » si l’on veut que personne ne traîne des pieds pour le réaliser, et ce, quel que soit l’adversaire qui se présente. Tendre vers cette empathie demande d’exprimer explicitement dans quelle vision du jeu - offensive ou prudente - on se situe. Je suis de ceux qui pensent que le jeu des Françaises se doit d’épouser sans ambiguïté cette première option. En pleine compétition, le différend exprimé par les bleues sur le jeu prescrit par le staff est significatif. Les enfermer dans un rugby de « retenue et d’occupation », a limité leurs qualités créatives. Dommage, un jeu - plus en conformité avec leur potentiel - entretenu pendant toute la préparation et mis en oeuvre pendant la compétition aurait été bien accueilli. La confiance engrangée aurait permis sinon de gagner du moins de perdre avec ses meilleures armes. C’est bien, en finale, ce que les NéoZélandaises ont su faire en choisissant, devant les anglaises, hyper favorites, un jeu résolument entreprenant, à risque offrant un spectacle inspirant de ce que doit être le rugby au féminin. France - Afrique du Sud. La fidélité des deux équipes dans leur système de jeu, s’est avérée être peu ou prou identique. L’affrontement direct et la dépossession se sont imposés. Ni les uns ni les autres ne cherchèrent à sortir de leur zone de confort (ou très rarement) ce qui a limité les situations qui auraient pu donner lieu à d’autres options plus ambitieuses donc à des espaces de créativité qui me semblent être tout à fait accessibles compte tenu du potentiel de ces deux collectifs. Mais à ce jour l’efficacité de ce schéma de jeu permet aux tricolores de rester invaincu et c’est sans doute sûrement ce qu’on en retiendra.