Midi Olympique

Si on chantait ?

TRÈS CONSERVATE­URS DEPUIS LE DÉBUT DE LA TOURNÉE D’AUTOMNE, LES TRICOLORES DEVRAIENT, FACE AU JAPON,OUVRIR LES VANNES. À MOINS QUE…

- Par Marc DUZAN marc.duzan@midi-olympique.fr

Le postulat de départ est le suivant : le Japon, dixième nation mondiale étrillée le week-end dernier chez des Anglais pourtant encore très mal foutus, est, a priori, l’équipe la plus faible de la compétitio­n automnale. Dès lors, ce match qui pourrait consacrer dimanche une treizième victoire consécutiv­e pour le XV du France, est-il une aubaine pour le staff ? Et les Bleus, plutôt conservate­urs lors de leurs deux premières sorties de novembre, vont-ils enfin ouvrir les vannes ? Entendez par là que depuis le coup d’envoi de la tournée d’automne, la bande à Galthié a marqué quatre essais, trois en force par des joueurs de première ligne (Julien Marchand, Cyril Baille et Sipili Falatea) et un autre via un exploit personnel de Damian Penaud, seul face à trois défenseurs australien­s au Stade de France. On peut considérer, ici, que les rideaux adverses avaient plutôt bien lu les schémas offensifs tricolores, partiellem­ent décryptés après avoir carburé trois ans durant. Mais on peut aussi imaginer que le staff du XV de France a quelque peu évolué dans son approche technique du jeu de rugby et qu’à moins d’un an de la Coupe du monde, un retour à un schéma plus traditionn­el a aujourd’hui été décrété du côté de Marcoussis. Faiton vraiment fausse route ? Et est-ce, de notre part, un injuste procès d’intention ?

Eddie Jones, vice-champion du monde avec l’Angleterre en 2019, raconte souvent que « le rugby internatio­nal est fait de cycles ». Et les Coupes du monde, bâties par nature sur des « cycles » de quatre ans, ont tour à tour été marquées par la domination d’équipes au profil offensif puis par l’hégémonie de sélections dites plus conservatr­ices. En 2003, les champions anglais de Clive Woodward et Martin Johnson s’étaient avant tout appuyés sur une dimension physique hors norme et un plan de jeu pragmatiqu­e pour remporter le Mondial australien et à ce sujet, le grand « Jonno » nous disait le mois dernier : « Nous pensions à l’époque qu’un gros paquet d’avants, l’abattage de Neil Back et Richard Hill au sol et surtout, les coups de pied de Jonny (Wilkinson) et Mike Catt étaient des préalables non négociable­s à la victoire finale. Cela s’était confirmé. » Quatre ans plus tard, la première Coupe du monde disputée sur le territoire français avait alors été gagnée sur le même modèle, les Springboks s’appuyant alors sur une défense hermétique, les coups de pied de Frans Steyn ou Percy Montgomery et, sur la ligne de front, les colosses que l’on sait. C’est grâce, ou plutôt par l’entremise des All Blacks (tous les styles de jeu sont respectabl­es, après tout…) que le rugby internatio­nal changea radicaleme­nt de visage en 2011 et 2015, une époque où le jeu total pratiqué par les Néo-Zélandais, associé à la déliquesce­nce subite des « purs gratteurs » tels David Pocock ou Heinrich Brussow, avait subjugué la planète…

DIABLES VERTS ET ALL BLEUS COMME DES SPRINGBOKS

La suite ? Vous la connaissez et depuis que les Springboks ont décroché au Japon le troisième sacre mondial de leur immense histoire, il semble que le rugby qui gagne soit celui que pratiquent les coéquipier­s de Siya Kolisi et Eben Etzebeth. Qui porte la ceinture de champion du monde ? Ces Boks qui occupent au pied, défendent fort et dominent dans le combat d’avants. Qui squatte depuis l’été dernier la première place du classement mondial établi par World Rugby ? Ces Irlandais qui jouent, on le jurerait, comme des Sud-Africains et associent leur actuelle domination sur les plus beaux athlètes de l’hémisphère Nord, la botte de Johnny Sexton et des plaqueurs hyperactif­s, qu’ils se nomment Josh van der Flier ou Tadgh Beirne. Et qui vient de remporter le grand chelem, a battu toutes les plus grandes équipes du circuit internatio­nal et est aujourd’hui donné favori du prochain Mondial ? Le XV de France, son jeu de « dépossessi­on » qui fait désormais sa marque de fabrique, son paquet d’avants plus lourd qu’aucun autre (il affichait 926 kg à Marseille, contre 918 kg aux Springboks…) et ses gratteurs (Julien Marchand, Uini Atonio, Jonathan Danty, Grégory Alldritt) en capacité de ralentir, ou carrément briser, les attaques adverses. Eh bien ? Vous vouliez savoir à quoi ressembler­a la prochaine Coupe du monde ? On peut se tromper mais alors que la tournée de novembre touche à sa fin, on jurerait que le dernier France – Afrique du Sud en a donné une idée plutôt précise…

DES JAPONAIS TROP POLIS… VOIRE INOFFENSIF­S ?

Si l’on croit, néanmoins, que la dernière levée de novembre, dimanche après-midi à Toulouse, sera plus ouverte que les deux l’ayant précédée, c’est qu’en tout état de cause, le Japon est à l’Afrique du Sud ce que le diable est au bon Dieu. Vifs, rapides, plus doués techniquem­ent qu’aucune autre équipe au monde, les Brave Blossoms de Jamie Joseph jouent beaucoup, beaucoup trop et sans discontinu­er. L’été dernier, alors que les réserviste­s tricolores s’étaient rendus en Asie, il s’en était même fallu d’un « noodle » pour que les coéquipier­s de Charles Ollivon perdent le dernier test de Tokyo, une rencontre qu’avait dominée de la tête et des épaules ces Japonais talentueux au possible mais beaucoup trop naïfs pour être vraiment crédibles. À ce titre, on n’oublia jamais ce que nous confia alors un membre du XV de France, peu avant de monter dans l’avion du retour : « À Toyota puis Tokyo, on a parfois eu l’impression que les Japonais s’arrêtaient avant de nous faire mal. Là-bas, seuls leurs étrangers, comme le centre australien (Dylan Riley) ou le deuxième ligne sud-af’ (Wimpie van der Walt) appuyaient vraiment leurs plaquages et entraient pour nous meurtrir. C’était comme s’ils n’avaient pas voulu nous battre. Comme s’ils avaient eu peur de nous vexer. » C’est certes caricatura­l et un rien excessif. Mais à bien des égards, se dégage aujourd’hui de cette équipe japonaise flattant régulièrem­ent nos rétines une vague impression de naïveté ou d’inoffensiv­ité, quand bien même son ultime voyage en France, à l’automne 2020, avait conduit aux licencieme­nts de Guy Novès et son staff, alors composé de Yannick Bru et Jeff Dubois. Vu de loin, il n’y a donc a priori pas photo entre les favoris du prochain Mondial et la bande à Jamie Joseph. Vu de près, on se demande simplement dans quel état de délabremen­t le récent ouragan « Springbok » a laissé notre bien aimé XV de France…

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Thomas Damian Gaël Jonathan Yoram Romain Maxime Charles Grégory Anthony Romain Cameron Uini Julien Reda
Julien Marchand À Toulouse - Stadium de Toulouse Dimanche 14 heures - France 2 Thomas Damian Gaël Jonathan Yoram Romain Maxime Charles Grégory Anthony Romain Cameron Uini Julien Reda
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STATS AUTUMN NATIONS SERIES 2022 Points marqués Points encaissés Franchisse­ments Passes après contact Pénalités concédées

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