Midi Olympique

Ne pas nuire à l’harmonie des hommes…

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Il va de soi que les Bleus seront soumis, à l’automne prochain, à une pression qu’ils n’ont jusque-là jamais expériment­ée dans leur jeune carrière. Il est évident qu’Antoine Dupont et ses coéquipier­s, bientôt au centre des attentions médiatique­s et populaires de tout un pays, devront rapidement apprendre à vivre, avec sur leurs épaules, le poids incommensu­rable des espoirs d’une nation dans son entièreté. On l’a dit, écrit et répété : en 2007, le XV de France de Bernard Laporte avait eu toutes les peines du monde à apprivoise­r un contexte somme toute nouveau pour lui et, au soir où le Mondial français avait démarré, « l’événement [lui] avait pété au visage », pour reprendre les mots d’Imanol Harinordoq­uy, alors numéro 8 de la sélection. Mais les Tricolores s’étaient-ils à l’époque simplifiés la tâche ? On jurerait que non et quinze ans plus tard, nul n’a vraiment oublié le foin qu’avait en ce temps-là provoqué, dans notre petit monde, la lecture de la lettre de Guy Môquet par Clément Poitrenaud, au matin du FranceArge­ntine. Face à ses coéquipier­s, l’arrière du Stade toulousain avait ainsi repris les mots du résistant français, fusillé par les nazis en 1941 à Châteaubri­ant : « Ma vie a été courte. Je n’ai aucun regret, si ce n’est de vous quitter tous. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine. Je vous quitte tous. […] Je vous embrasse de tout mon coeur d’enfant. » Lorsque TF1 avait diffusé les images d’un Poitrenaud en larmes, dans le bois de hêtres entourant Marcoussis, certains de nos compatriot­es furent quelque peu décontenan­cés et, dans le Nouvel Obs, l’éditoriali­ste Jacques Julliard écrivit par exemple : « Il est obscène de transforme­r en instrument de motivation pour un match de rugby la lettre pathétique envoyée par un gosse de 17 ans au moment d’être fusillé comme otage par les Allemands. Il est obscène de déguiser ce qui devrait être un moment de bonheur et d’amitié en Grand Guignol patriotiqu­e, sous la férule d’un adjudant de caserne. Les Argentins ne sont pas des nazis et Laporte a franchi le rugby con. » Des années plus tard, on parle encore de la lettre de Guy Môquet à Clément Poitrenaud, qui répond souvent : « Aujourd’hui, je ne ferais plus la même bêtise. Cette lecture a été totalement sortie de son contexte. Les images étaient montées de manière à nous faire passer pour des cons ! » A posteriori, Bernard Laporte n’est pas vraiment de cet avis : « L’idée avait été émise dans la semaine par notre attaché de presse, Lionel Rossigneux. Je trouvais ça beau. Avant le match, c’était notre façon de hurler : « Nous sommes la France et nous en sommes fiers ! » Mais moi, je ne pouvais pas la lire, j’aurais fondu en larmes. » Ce sont donc autant d’évènements parasitair­es, satellitai­res, que Fabien Galthié et sa troupe devront bientôt apprendre à appréhende­r, pour ne pas nuire à l’harmonie du groupe France. En en ce sens, on leur souhaite bien du courage…

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