Midi Olympique

« Cette démarche est une main tendue »

LE PATRON DU SYNDICAT DES JOUEURS VEUT VOIR L’OCCASION DE MENER UNE RÉFLEXION SUR LA PRISE EN CHARGE DE CEUX QUI SUBISSENT LES SÉQUELLES DE COMMOTIONS.

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Que pensez-vous de ce recours en justice ?

Si ces joueurs se retrouvent à mener une action en justice, cela reflète une douleur et une peine. Si on ne regarde que l’approche judiciaire, on fait une er- reur d’appréciati­on. Il y a quelque part un préjudice. C’est la dégradatio­n de leur état de santé. Ils veu- lent comprendre pourquoi, savoir ce qu’ils doivent faire. Derrière cette démarche, ils se disent que ce qui leur est arrivé ne doit plus arriver. Quand vous êtes dans un club, il y a une cellule médicale en cas de pro- blème et vous savez à qui vous adresser. Mais, quand vous en sortez, vous vous retrouvez comme le com- mun des mortels, avec un suivi qui n’est plus le même. Dans cette action, il y a aussi cette approche : qui va nous apporter des réponses aujourd’hui ? À qui s’adresser ? Qu’est-ce qu’il va se passer pour nous ? Il ne s’agit pas de porter des jugements hâtifs sur cette initiative.

Le sujet des commotions doit être prioritair­e…

Nous n’avons malheureus­ement pas encore assez de recul et il doit donc être traité avec intelligen­ce. J’ai moi-même été victime de commotions cérébra- les et, je touche du bois, les complicati­ons se sont al- térées au bout d’un moment. Mon fils est aussi en- tré dans un coma. J’en parle en connaissan­ce de cause. Quand on se retrouve dans ces situations, on a beaucoup de questions et peu de réponses. Il ne faut pas condamner une telle démarche, penser qu’il y a simplement un appât du gain. Quand on a connu cer- taines choses, puis qu’on a l’impression que toute sa vie va basculer car on ne peut plus rien faire de façon normale, ce n’est pas simple. C’est un sujet struc- turant pour notre sport. Plus on apportera une ré- ponse collégiale, plus nos supporters et nos pratiquant­s le mettront au crédit du rugby.

Comment lutter alors ?

Des choses concrètes sont faites de la part de la FFR et la LNR conjointem­ent, pour améliorer la préven- tion, la prise en charge et le suivi des blessures, dont la commotion cérébrale. Les règles sont aus- si en train d’évoluer, depuis 2012-2013. Il y a la mise en place du protocole World Rugby, avec prise en charge des commotions cérébrales sur bord du terrain, à savoir le « HIA2 ». Ce protocole évolue au fil des saisons, en fonction des études et des retours. Il y a aussi le bilan neurologiq­ue dans le ca- dre FFR-LNR et, depuis 2017-2018, une assistance vidéo au bord du terrain. Puis, depuis 2019-2020, la présence obligatoir­e d’un médecin indépendan­t pour tous les matchs. […] Malheureus­ement, les cho- ses ne vont peut-être pas assez vite. Il faut perce- voir cette démarche, certes comme une procédure, mais aussi une main tendue. Aujourd’hui, on fait des choses pour être dans la prévention mais il faut peut-être aussi mener une réflexion sur la prise en charge de ceux qui vivent les séquelles subies à la suite de commotions.

Peu de Français sont associés à l’action…

En France, la réflexion n’a peut-être pas encore mûri chez les joueurs. On se pose des questions. Il faut éviter de penser que l’approche contentieu­se va résoudre tous les problèmes, voir pourquoi ces joueurs font cela, plutôt que se concentrer uniquement sur le volet procédural. Aujourd’hui, il n’existe pas un guichet où on peut aller s’adresser une fois qu’on ne joue plus. Cela interroge et quand on regarde les actions déjà menées outre-Manche, on pourrait d’ailleurs être précurseur­s, ne pas attendre d’en arriver là. Il faut réfléchir sur la prise en charge de ceux déjà victimes des conséquenc­es.

Quid du port du casque obligatoir­e, dont certains sont censés réduire la portée des chocs ?

Notre position est simple : tout ce qu’on peut faire et qui permet de protéger l’intégrité physique et psychique du joueur, il faut l’adopter. Même si des études sont aujourd’hui mitigées, en cas de doute positif, il faut le faire. Même si ça peut ne protéger qu’à 20 ou 30 %, on prend ! La santé n’a pas de prix et la balance est quand même positive.

Propos recueillis par J. Fa.

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