Midi Olympique

Le fantasme Urios

- Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

Un message qui tombe, pas plus tard que mercredi, sur ce diable de téléphone qui n’en finit jamais de sonner et où tient toute la vie profession­nelle d’un journalist­e. « Alors, Urios, il va où ? » Comment ça, « Urios, il va où ? » À ma connaissan­ce, nulle part encore. Et d’ailleurs, nulle part tant qu’il n’aura pas, au moins, réglé les derniers détails contractue­ls de son départ de Gironde. Calmons-nous, un peu de patience. « J’en sais rien, moi, où il va. Et toi, tu le sais ? » – « Ah non, simple question. » Encore un curieux, pas vraiment un informateu­r.

Le sujet n’est pas qu’anecdotiqu­e, parce qu’il se répète. Urios libre, sur le marché, cela ressemble vite à une hérésie. Malgré sa récente éviction des rangs de l’UBB, le manager du Minervois garde une cote de popularité au plus haut. Une cote de fantasme, aussi.

Tour à tour, et quelques jours seulement après qu’il a été écarté des affaires girondines, on a entendu son nom traîner dans l’entourage de Brive, qui venait justement de se séparer de son homme fort Jeremy Davidson, et qui chercherai­t là un homme plus fort encore. On nous l’a évoqué comme « une idée, plus qu’une informatio­n », à Montpellie­r, où le staff en place vient pourtant de transforme­r la somme des talents égotiques en un collectif de champions de France, pour la première fois de l’histoire du club. À Clermont, où les résultats du renouveau se font attendre mais où Jono Gibbes semble pourtant optimiser 100 % d’un effectif pas taillé pour grand-chose de plus. À Pau aussi, où le travail de Sébastien Piqueronie­s ne semble pourtant pas souffrir de beaucoup de contestati­on. Un peu partout, en clair, où il y a de la tension, des résultats en berne ou simplement une envie de changement. Et pourquoi pas Bordeaux ? On blague.

Urios, c’est un personnage d’Audiard. Le vieux sage qui parle aux jeunes cons. Il en a la gueule et la gouaille. C’est tout à la fois Lino Ventura dans « Les Tontons flingueurs » et Jean Gabin dans « Un singe en hiver ». Des personnage­s à la brutalité ronde du propos, qui intriguent et fascinent. Pour alimenter cette flamme du désir et de la curiosité, jamais mieux servi que par lui-même, le natif de Montpellie­r a déjà fait savoir qu’il comptait « trouver un banc en juin, pour la saison prochaine. »

De façon plus pragmatiqu­e, pour les présidents et supporters de club, il y a l’antériorit­é des résultats qui excite. Urios est l’homme qui a fait d’Oyonnax un Européen, de Castres un champion et de Bordeaux-Bègles un demi-finaliste. Avec une méthode à chaque fois bien affirmée : les hommes avant le jeu ; le management avant la technique ; le combat d’abord, les paillettes ensuite. Un discours de la méthode qui ne colle pas à tous les contextes, et peut-être pas à Bordeaux où la séduction n’est pas qu’une affaire de résultats.

Le portrait-robot du candidat idéal à la prise en main de tous vos clubs ? Pas si simple. Si son discours fascine, il use aussi ses entourages. À Bordeaux, comme avant lui EtchetoDel­poux « les révolution­naires », Ibanez « l’avant-gardiste » ou Rory Teague « la pépite », Urios « le meneur d’hommes » a d’abord été encensé. Résultats immédiats à l’appui. Avant de perdre le fil, de brouiller le lien avec ses joueurs et ses dirigeants. Jusqu’à prendre la porte de sortie. Cette fois, c’est Bordeaux qui l’a usé.

Ses aventures à Castres et Oyonnax s’inscrivent sur une scénograph­ie similaire, pas franchemen­t terminées sur l’air des louanges. Le temps altère parfois sa magie. Mais tout cela, le très pressé rugby profession­nel n’en a cure. Il faut gagner vite et séduire beaucoup. Ça, il sait faire. « Alors, Urios, il va où ? »

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