Midi Olympique

Le « quart », un sujet qui ronge les têtes

LE MATCH FACE À L’IRLANDE ÉTAIT AUSSI LE PREMIER DEPUIS LA CRUELLE ÉLIMINATIO­N FACE À L’AFRIQUE DU SUD, EN COUPE DU MONDE. LES BLEUS ONT-ILS DIGÉRÉ ? LA PREMIÈRE IMPRESSION EST CLAIREMENT NÉGATIVE.

- Léo FAURE leo.faure@midi-olympique.fr

Thomas Ramos l’a affirmé dans l’après-match, comme d’autres l’avaient fait dans les jours précédant la rencontre. Comme à peu près tous les Bleus, en fait, qui se sont succédé dans les médias depuis le triste jour du quart de finale face à l’Afrique du sud. « La Coupe du monde on n’y pense plus. » Ce qui n’est évidemment pas aussi simple et que l’arrière toulousain, après l’avoir redit au sortir de la gifle irlandaise, a immédiatem­ent démenti malgré lui. « Nous, les joueurs, on ne veut plus en entendre parler ». Cette déclaratio­n a interpellé. Bien analysés, les mots disent souvent plus que la volonté de celui qui les formule. « On voit nos joueurs au quotidien, on sent qu’ils sont encore touchés, qu’ils en parlent. Un deuil, il faut justement en parler. Sinon, il te bouffe de l’intérieur. Pour évacuer cet échec, il aurait certaineme­nt fallu en parler, beaucoup plus qu’on ne l’a fait », confie un président de Top 14. Sans le vouloir, sans s’en rendre compte, Ramos confirmait vendredi que le sujet est toujours placé sous le sceau du tabou. La plaie n’est pas refermée, la page n’est pas tournée, le traumatism­e n’est pas encore évacué. Le sujet reste sensible et c’est logique, au regard de l’ampleur de la déception. Au point de préférer l’éviter et demander aux personnes satellites de ne plus l’évoquer ? On a lu la phrase et posé la question au préparateu­r mental Denis Troch, qui a accompagné six clubs de Top 14 dont Clermont pour son dernier titre (2017) et actuelleme­nt Perpignan. « Sa réponse est logique et légitime, c’est une forme de protection. Ce n’est pas en se rappelant du passé qu’on tend vers l’avenir. Cela ne veut pas dire que les joueurs n’y pensent plus. Bien sûr qu’ils y pensent et qu’ils en tiennent compte. Mais quand ils entendent parler de ce quart de finale, ça les ramène vers quelque chose qu’ils voudraient éloigner de leur pensée. C’est le sens de sa réponse, instinctiv­e. » Comment, alors, avancer malgré tout ? « Naturellem­ent, les joueurs aimeraient que leur environnem­ent proche, leur staff, les journalist­es, les supporters tendent comme eux vers l’avenir. Mais ce n’est pas possible, ça n’existe pas. Il faut l’accepter que ça bouge autour de vous, plus ou moins favorablem­ent. Cela fait partie du processus d’acceptatio­n. »

POUR L’INSTANT, LES BLEUS N’ONT QU’UN PANSEMENT SUR LA PLAIE

Pour « avancer malgré tout », Fabien Galthié a vite choisi son axe de communicat­ion : minimalist­e, à ce sujet, pour activer au plus vite le temps de l’oubli. Dans un long entretien accordé dans nos colonnes le 27 novembre 2023, il martelait à trois reprises cette idée d’un deuil minimalist­e, évitant une introspect­ion trop violente : « il ne faut pas non plus se faire trop mal. Les faits suffisent »

Toujours cette idée de ne pas raviver la plaie. « Ce que je dis aux joueurs et au staff, c’est qu’il ne faut pas trop creuser, sinon on va creuser un trou dont rien de bon ne ressortira. »

De prime abord, cela a interrogé et donné l’impression que le sélectionn­eur faisait l’économie d’une analyse pourtant nécessaire de l’échec mondial.

C’est aussi ce qui ressortait du debrief tactique, pour le moins léger, où il était surtout question de malchance, de détails et « d’expected points » (traduisez : points qui auraient dû être marqués au regard des données statistiqu­es, NDLR), pour prouver que les Bleus avaient fait ce qu’il fallait puisque, les statistiqu­es le disent, ils auraient dû gagner. Denis Troch fait une autre lecture de ces propos. « Il y a un temps pour tout et un environnem­ent pour tout. Dire une colère à ciel ouvert n’est pas forcément la bonne solution. La clamer dans les médias n’est pas toujours bénéfique. Quand on souffre d’une douleur, soit on met un pansement, soit on soigne la douleur. Quand on veut avancer rapidement, on met un pansement. Il faut d’abord protéger la plaie pour éviter que, quand quelqu’un met le doigt dessus, cela fasse trop mal. Et travailler à plus long terme sur le fond pour soigner la plaie, ne plus seulement la protéger. Après la Coupe du monde, Galthié a d’abord voulu protéger la plaie mais sur le fond, je ne peux pas imaginer un seul instant qu’il ne cherche pas à traiter le problème, à soigner le mal. »

Soigner le mal, les Bleus s’y attellent sous la houlette de leur cellule de préparatio­n mentale et de son patron, Mickaël Campo, chercheur en psychologi­e. Les deux premiers jours de cette semaine (lundi et mardi) seront d’ailleurs partiellem­ent consacrés à ses domaines de compétence, au travers d’ateliers « mindfullne­ss* », définis comme suit : « Être attentif à tout ce qui est éprouvé dans l’instant présent : perception­s sensoriell­es, pensées, émotions… ». En clair, exprimer enfin clairement et sans peur ce qu’ils ont sur le coeur et « vider le sac à dos ». Visiblemen­t, il y en a besoin…

* pleine conscience

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Photo Midi Olympique - Patrick Derewiany Il ne suffit pas d’appeler de ces voeux à passer à autre chose pour des Bleus marqués par le quart de finale de Coupe du monde. La guérison passe sans doute par une thérapie plus profonde.

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