Deux stratégies pour le futur
Le Tournoi 2024 est une étape incontournable pour tous les staffs des 6 Nations pour se projeter sur 2027 en Australie. Ils sont soumis à une double contrainte :
- soit… capitaliser sur la linéarité, à savoir choisir un collectif porteur d’expériences, celles acquises par la majorité des joueurs ayant participé à l’aventure précédente. Continuer avec « ses meilleurs soldats », garantit une certaine sécurité. On reste dans ce que l’on connaît déjà, un référentiel tactique vécu qui a fait ses preuves ou pas et qu’il s’agira ou non de faire évoluer.
- soit… prendre le risque de s’engager dans une aventure inédite en introduisant en abondance une jeunesse prometteuse, certes moins mature, mais qui, au fil des compétitions et matchs de haut niveau sera à même d’accroître leur potentiel et efficience, tant individuellement que collectivement. Quoi qu’il en soit, la mise en place et en oeuvre de l’une ou l’autre stratégie sera soumis à de nombreux paramètres. Entre autres, celui de partager avec le collectif choisi et sans complaisance l’analyse du jeu précédent. D’autre part, de cibler les éventuelles évolutions voire novations tant tactiques que réglementaires pour… in fine, présenter le jeu recherché et des objectifs de résultats perçus comme atteignables dans le court et long terme. Entre staff et joueurs, Il s’agit bien de mettre en forme tout une représentation collective du jeu à faire et de choisir les joueurs en fonction de leurs capacités évolutives à y répondre. Bien sûr, la réalité est plus complexe. On le sait, la nature de tout projet, le meilleur soit-il, son organisation, sa déclinaison, sa structuration, se construit ou se déconstruit dans le cours de sa mise en oeuvre. Ceci au gré des circonstances qui surgissent, celles qui vont dans le bon sens et rassurent, comme les mauvaises, celles que l’on accepte comme les plus cruelles.
Le troisième round de ce Tournoi 2024 a déjà donné des indicateurs significatifs.
L’Irlande ne manquera pas d’aller à la prochaine Coupe du monde avec « ses grognards ». Leur déception au dernier mondial ne va pas amener Farrell à « défaire l’histoire ». Ce collectif va s’accrocher au « jeu de conservation dynamique » qui l’a conduit à devenir la première nation mondiale. Les jeunes joueurs, éventuellement appelés, vont très vite entrer dans le moule tactique et s’approprier les repères utiles puisque la formation en Irlande se décline peu ou prou de manière identitaire dans leurs quatre franchises et au niveau jeunes (moins de 20 ans).
Pour la France – au regard de 2027 et des résultats actuels – faut-il faire un « turnover » radical, à savoir le renouvellement important du collectif avec des jeunes ? Le management de Fabien Galthié, depuis quatre ans, a toujours visé à intégrer la jeunesse dorée du Top 14 pour les imprégner justement du référentiel de jeu choisi facilitant au fil des compétitions leur future et éventuelle sélection. Il ne faut pas tomber dans la frénésie de tout changer, mais il convient aussi d’accepter que la transfusion de jeunes nouveaux joueurs peut apporter enthousiasme, voire d’autres ambitions et originalités à même de s’intégrer à la cohérence de l’oeuvre collective, celle qui semble manquer actuellement aux Bleus.
Les Gallois sont en pleine restructuration. Ils conserveront quelques joueurs aguerris mais de nouvelles têtes apparaissent et apparaîtront. Gatland est adepte d’un jeu ambitieux, tout comme d’ailleurs l’écossais Gregor Townsend, mais ni l’un ni l’autre ne peuvent s’appuyer sur un réservoir de jeunes joueurs de haut niveau, leurs équipes moins de 20 ans sont loin du niveau des Français, Irlandais et Anglais.
Les Anglais justement, vont-ils rajeunir leur collectif ? J’ai quelques doutes. La médaille de bronze glanée en 2023 ne va pas les inciter à aller vers un rugby plus libéré. Celui-ci, dans leur tête, est fait de trop d’inconfort, un état pourtant qu’il s’agit de côtoyer quand on veut jouer… plus et autrement. Borthwick leur coach n’est pas dans cet esprit novateur.
Pour l’Italie, la faible profondeur de l’effectif de Gonzalo Quesada va l’obliger au fil des tournois à s’adapter à cette lourde contrainte. Il peut compter sur « les moins de 20 ans » aujourd’hui compétitifs. Malgré ce handicap, les dernières productions des « azzurris » contre l’Angleterre et la France voire l’Irlande sont prometteuses.
D’une Coupe du monde à l’autre, pour les staffs, le temps imparti pour évoluer est très court. Pour certains, refaire ce qui a marché n’est pas pour autant une assurance tous risques.
Pour d’autres, défaire ce qui ce qui existé et avoir l’audace de retoucher son collectif en transformant peu ou prou son jeu reste un challenge captivant pas forcément linéaire. Une fin de tournoi qui confirmera ou non les diverses tendances.