Midi Olympique

« Il y a trente ans, c’était déjà dur ! »

EN 1995, IL ARBITRAIT LA FINALE DU CHAMPIONNA­T DE FRANCE HONNEUR ENTRE CASTELNAU-MAGNOAC ET NISSAN ET FUT PRIS À PARTIE PAR DES JOUEURS ET DES SUPPORTEUR­S. IL A FINI À L’HÔPITAL.

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En juin 1995, j’arbitrais la finale du championna­t de France Honneur entre Castelnau-Magnoac et Nissan à Foix. Ce jour-là, il n’y avait pas de sécurité, les forces de police étaient réquisitio­nnées par des élections. Après le coup de sifflet final, les supporters ont envahi la pelouse et un joueur de Nissan, Didier Minaro, ancien talonneur champion de France avec Béziers, m’a emplâtré parderrièr­e. Je me suis retrouvé au sol et j’ai pris plusieurs coups, j’ai eu une épaule fracturée et plusieurs côtes cassées. J’ai passé quelques jours à l’hôpital et je n’ai pas pu travailler pendant trois mois. Mon épouse a dû assurer seule l’exploitati­on de mon commerce de Casteljalo­ux en Lot-et-Garonne.

Sur le coup, la FFR et la police ont pris l’affaire en main. Didier Minaro, Joseph Cano et Antonio Ortega ont été radiés, mais j’ai appris quelques années après qu’ils avaient été requalifié­s… L’affaire est allée au tribunal, les trois hommes ainsi que trois supporters ont été condamnés à de la prison avec sursis, six mois à mon souvenir. Le jour de l’audience, seul Minaro a parlé, les deux autres ont baissé la tête sans me regarder. Minaro a reconnu les faits, il a expliqué qu’il avait « pété les plombs » et qu’il regrettait. J’ai repris assez rapidement l’arbitrage, je ne voulais pas rester sur ça. Je me souviens d’un de mes premiers matchs dans le

Tarn où le public me criait : « Rappelle-toi

Minaro ! On va te faire pareil. » En 1996, j’ai fait la finale du championna­t de France féminin, puis en 1997 j’ai fait la touche de la finale Reichel ToulonBayo­nne. On m’a proposé de faire la touche en première division et j’ai refusé.

Je ne voulais plus me faire insulter.

Depuis, je n’ai pas le sentiment que la situation a évolué. C’est de pire en pire, les gens conteste tout. J’ai été DTA des arbitres du 47, je suis désormais en Bretagne où je dirige les arbitres du 29. Je me rends compte que les gens sont remontés partout. Je crois qu’on va perdre de plus en plus d’arbitres, l’an dernier il y a eu vingtet-une agressions, six déjà cette saison. Le public est de plus en plus excité, tout vient de là. Les arbitres ont je m’occupe me disent parfois que si ça continue, ils vont tout arrêter. Mais il y a trente ans, c’était déjà dur, mon cas a été médiatisé parce que c’était une finale, mais il y a eu plein d’affaires dont on n’a pas parlé. Bernard Lapasset m’a téléphoné à l’hôpital le soir même, ainsi qu’Antenne 2, premier coup de fil. Je suis passé au journal de 20 heures, ma pauvre mère a été choquée. Mais je lui ai répondu que c’était pour la bonne cause. Je pense beaucoup à ce jeune de 19 ans agressé récemment. C’est lamentable. Mais mon affaire, pour moi, c’est du passé. Si je recroisais Minaro aujourd’hui, je lui serrerais la main.

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