Midi Olympique

Veillée d’armes avec les Bleues

- Par Simon VALZER, envoyé spécial simon.valzer@midi-olympique.fr

À LA VEILLE DU CRUNCH QUI ALLAIT DÉCIDER DU GRAND CHELEM, LES BLEUES NOUS ONT OUVERT LEURS PORTES POUR NOUS PERMETTRE D’ASSISTER À LEUR CÉRÉMONIE DE REMISE DES MAILLOTS. UN MOMENT FORT, PRÉPARÉ EN SECRET PAR LE STAFF QUI AVAIT INVITÉ LES ACTRICES DES GRANDS CHELEMS DE 2004 ET 2014.

Hôtel Mercure Aéroport Mérignac, peu avant 18 heures ce vendredi. Dans une salle attenante au hall d’entrée, les premières joueuses du XV de France prennent place. Les filles rayonnent, les vannes fusent, l’excitation est palpable. Dans quelques minutes, le staff du XV de France Féminin va procéder à sa cérémonie de remise des maillots. La dernière du Tournoi. La cosélectio­nneuse Gaëlle Mignot prend la parole et pose le décor : « À partir de ce soir, on vit ensemble, on ne se lâche plus. Les « helpers » (joueuses hors groupe, N.D.L.R.) sont arrivées, on ne se quitte plus. C’est ce groupe de cinquante personnes qui va aller faire quelque chose de grand demain à Chaban. » Les premiers frissons traversent la salle. La douce euphorie a laissé place à une forme de solennité. Place au concret, place aux détails.

« PACKER NOUS PROVOQUERA DANS LES RUCKS, C’EST SÛR »

Mathieu Borel, le responsabl­e de la préparatio­n physique du XV de France Féminin entre dans le vif du sujet et présente les timings d’avant-match et de mi-temps, découpés à la minute près en prenant en compte la traversée de l’interminab­le tunnel de ChabanDelm­as. C’est ensuite au tour de Romane Ménager et de Joanna Grisez de présenter les joueuses clé des Red Roses, trois avants et trois arrières : « Packer a une grosse activité dans les rucks, elle aime le chocolat, remporte souvent ses défis balle en main et cherche à faire jouer autour d’elle. » Clips à l’appui, la numéro 8 des Bleues décrypte le jeu de la capitaine anglaise : « Elle nous provoquera dans les rucks, c’est sûr. Regardez, ici, elle va jusqu’à chercher le bras de la demi de mêlée adverse. Il faudra protéger Pauline (Bourdon-Sansus).» Grisez enchaîne : « Holly Aitchinson est une super animatrice, mais une mauvaise défenseuse : il faudra aller dans cette zone. Regardez, Dow et Kildunne travaillen­t souvent en binôme. Dow possède un énorme raffut à gauche, mais elle ne change jamais son ballon de main. Hunt, la demi de mêlée, est souvent à la limite du hors-jeu pour mettre sous pression la 10 adverse. Et souvenez-vous que leurs botteuses sont toutes droitières. » Le briefing passé, place à la remise des maillots. Jusque-là, les cosélectio­nneurs Gaëlle Mignot et David Ortiz ont toujours invité des personnali­tés soigneusem­ent choisies, en fonction des contextes et de leurs parcours afin de « puiser au fond de chaque personne inspirante les ressources pour aller faire quelque chose de grand », explique Ortiz : Sébastien Calvet pour évoquer les folles aventures humaines qu’ont vécu les moins de

TRÉMOULIÈR­E : « EN 2014, ON AVAIT LES YEUX INJECTÉS DE SANG »

Cette fois, le staff du XV de France avait une surprise pour ses joueuses. Ou plutôt huit, comme le nombre d’anciennes grand chelemarde­s de 2004 et 2014 invitées par le staff pour remettre les maillots.

De 2004, on trouve la talonneuse AnneSophie Canizares (14 sélections) et la deuxième ligne Maylis Bonnin (57 capes). De 2014, l’incontourn­able Jessy Trémoulièr­e (78), la flanker Koumiba Djossouvi (30), la demi de mêlée Yanna Rivoalen (54), l’ailière Marion Lièvre (19), la deuxième ligne Manon André (56) et la pilier Hélène Ezanno (35). Cette dernière prend la parole en premier et évoque des anecdotes cocasses : « En 2014, on a battu ces satanées anglaises à Grenoble 18-6, avec deux essais de

Gaëlle Mignot et une touche à 12 qui s’appelait « Irlande », où l’on faisait sauter Marjorie Mayans qui jouait centre ! » L’improbable tableau déclenche l’hilarité générale, laquelle est rapidement coupée par le discours guerrier de Djossouvi : « Qu’est ce que vous voulez faire ? Être juste là ou marquer l’histoire ? En 2014, on voulait marquer nos adversaire­s et marquer notre nom dans l’histoire. » Discours prolongé par celui de Jessy Trémoulièr­e, qui monte encore d’un cran : « En 2014 on était actrices. On était là les unes pour les autres. On voulait casser la figure aux Anglaises. Sur le terrain, on en laissait jamais une toute seule. En 2014, on voulait les massacrer. On avait les yeux injectés de sang. En face de moi, j’avais Maggie Alfonsi. J’étais jeune, Alfonsi me terrifiait. Mais Marion (Lièvre) m’a toujours aidée. Demain, ce sera pareil : pour chaque Anglaise, il y aura deux Bleues ! » L’excitation est palpable dans la voix de la Clermontoi­se, qui semble toute prête de rechausser les crampons pour prendre sa revanche sur le douzième Crunch perdu de suite, l’année dernière…

« ON COUSAIT LE COQ SUR NOS MAILLOTS LA VEILLE DU MATCH. SOUVENEZ-VOUS EN ! »

C’est au tour de Maylis Bonnin de

prendre la parole. L’ex-deuxième ligne limougeaud­e de Toulouges et Montpellie­r veut insister sur le chemin parcouru tout au long des vingt dernières années : « Je vous vois soutenues par un staff complet, séjourner dans un bel hôtel… c’est fantastiqu­e ! En 2004, on cousait encore le coq sur nos maillots la veille du match ! Souvenez vous de ça. Mesurez le chemin parcouru, et la chance que vous avez. » À ses côtés, Anne-Sophie Canizares en remet une couche : « En 2004, on gagne contre les Anglaises. 13-12, à Bourgen-Bresse. Même si on était en France, à l’époque, il n’y avait même pas de remise des trophée. On nous avait lancé la coupe dans les vestiaires ! » Tour à tour, le ton des « anciennes » monte encore. Malgré son tout petit gabarit, Yanna Rivoalen bouillonne : « Cela fait depuis 2018, p **** n ! Faites vous respecter ! » Djossouvi encore : « Il n’y a rien de pire que les regrets. Il faut les découper, leur faire mal. Du combat. Faites vous plaisir ! » Pour faire redescendr­e la pression, Gaëlle Mignot reprend la parole : « Au delà du simple résultat sportif, ces aventures créent des amitiés que vous garderez toute votre vie. Toute votre vie. Regardez, elles sont encore là, vingt ans après. J’ai une

certitude : on va le faire. J’en suis certaine. »

« 1, 2, 3 ! QUI OSE… GAGNE ! »

Chaque ancienne joueuse remet ensuite le maillot à une Bleue, en fonction de son poste. L’actuelle capitaine, Manae Feleu passe en dernier et reçoit son maillot des mains d’Hélène Ezanno : « La première fois que j’ai vu Manae, c’était lors d’une sélection jeunes dans le Nord. Elle jouait centre, mais au vu de sa taille et de ses qualités, je lui avais conseillé de devenir deuxième ligne. Je suis ravie de voir la joueuse qu’elle est devenue aujourd’hui. » Submergée par l’émotion, la capitaine tricolore doit s’y reprend à plusieurs fois pour adresser ses remercieme­nts : « Vous êtes des pionnières. On dit souvent que pour aller de l’avant, on doit savoir d’où l’on vient. Vous nous l’avez rappelé et on vous en remercie du fond du coeur. Vous nous avez donné encore plus l’envie de tout défoncer, demain sur le terrain. Merci encore. » Avant de se séparer, le groupe s’unit une dernière fois en cercle pour pousser le cri de guerre des Bleues : « 1,, 2, 3 ! Qui ose… gagne ! » Le match était lancé.

 ?? ?? À la veille de France - Angleterre, des « Chelemarde­s » de 2004 et 2014 ont été invitées par le staff pour créer un beau moment de transmissi­on. En bas à droite, on voit l’ex-deuxième ligne Maylis Bonnin qui remet le maillot à Madoussou Fall, son héritière. Idem avec l’emblématiq­ue Jessy Trémoulièr­e, qui remet le maillot à Lina Queyroi. Photo France Rugby / Julien Poupart.
À la veille de France - Angleterre, des « Chelemarde­s » de 2004 et 2014 ont été invitées par le staff pour créer un beau moment de transmissi­on. En bas à droite, on voit l’ex-deuxième ligne Maylis Bonnin qui remet le maillot à Madoussou Fall, son héritière. Idem avec l’emblématiq­ue Jessy Trémoulièr­e, qui remet le maillot à Lina Queyroi. Photo France Rugby / Julien Poupart.
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