Retour aux origines
Pour varier les plaisirs, pourquoi ne pas faire voler un avion centenaire? Le fabricant américain Maxford (distribué par Robbe) en reproduit plusieurs, dont ce fameux Blériot XI. Ces frêles structures haubanées ont un charme désuet à découvrir!
Le modèle reproduit a beau être rétro, cela n’empêche pas de fournir un kit dans l’air du temps, c’est-à-dire prémonté et motorisé aux électrons. Ce Blériot fait 1,30 m d’envergure, et sera par conséquent équipé de matériel courant. À noter que le fabricant propose des options spécifiques : un pilote et son siège, des roues à rayons et un faux moteur tricylindre. Étant donné la vocation maquette du Blériot, il est dommage que ces équipements quasi obliga- toires pour le rendu final soient vendus séparément, mais c’est une pratique courante sur les kits Maxford.
UN PEU D’HISTOIRE
Tout commence avec Louis Blériot, ingénieur et inventeur prolifique. En tant que précurseur, il s’intéressa rapidement aux prémices de l’aviation, en concevant plusieurs prototypes d’avions. Après de nombreux échecs, ses premiers vols auront lieu en 1907, et il aboutira avec le Blériot XI à un modèle commercialisable en 1908. Pour éprouver son modèle aux yeux du monde, il sera le premier à faire la traversée de la Manche à son bord en 1909.
L’appareil de 7,20 m d’envergure est alors conçu autour d’une structure de frêne et de toile rigidifiée par un treillis de CAP. Un moteur 3 cylindres Anzani de 25 ch propulse ses 300 kg à une vitesse de 75 km/h. Construit jusqu’en 1931, le Blériot XI subira de nombreuses évolutions, avec notamment l’adoption de motorisations plus performantes.
À DÉBALLER AVEC SOIN
Le carton est d’un format inhabituel, car assez plat et sans aucune illustration. À l’intérieur, on ne trouve aucun calage, les différents composants sont seulement emballés individuellement et scotchés sur les parois. Même si l’absence de protection plus sérieuse pose des questions,
aucun élément n’a subi de chocs ou ne présente de marques. Tant mieux, car la structure du train principal présente des parties saillantes plutôt hostiles vis-à-vis des pièces entoilées.
Le déballage est donc exécuté avec précaution, en sortant d’abord la paire d’ailes et l’empennage. Il faut ensuite extraire le cadre avant, totalement monté et supportant le train principal, tout comme le train arrière également prêt à l’emploi. Vient le fuselage avec ses deux clés d’ailes, puis un ensemble de jonc en carbone pour les tringleries d’empennage et l’articulation de la profondeur. Pour finir, on trouve deux sachets d’accastillage comprenant la visserie, les charnières fibre, les guignols, des cales en CTP, des ressorts, de la ficelle, etc.
Le fuselage est constitué de deux types de constructions bien distincts. L’avant est une caisse rectangulaire réalisée en CTP entoilée. À l’intérieur, un plancher en CTP évidé occupe toute la longueur pour recevoir les servos, la réception, le contrôleur et l’accu de propulsion. Il n’y a pas de fourreau de clé d’ailes, mais simplement des perçages dans les flancs en CTP pour la clé d’ailes principale, et la secondaire plus en arrière. Leur positionnement donnera une incidence très prononcée aux ailes, comme à l’époque. La partie arrière est faite de quatre longerons carrés et creux, en carbone peint en marron pour imiter le bois. Ces longerons sont guidés dans des
couples en CTP pour finir resserrés vers la queue, où une platine recevra le stabilisateur.
L’imposant cadre avant est composé de plats et de tubes en carbone collés et vissés ensemble. Le système de suspension à ressort du train coulisse autour de deux tubes. Les roues du kit sont réalisées en CTP avec un bandage en mousse. Une fine gravure sur le bois simule les rayons des roues de bicyclette du modèle grandeur.
La voilure principale est construite traditionnellement en bois et entoilée avec un classique film thermorétractable. L’aspect est ici lisse et brillant, et non mat et tissé comme sur le vrai. L’intrados est totalement plan au lieu de reproduire le profil creux du vrai, et comporte l’immatriculation d’époque en place. Des puits recevront les servos actionnant des ailerons, articulés sur des charnières souples tissées. Il s’agit d’une autre entorse au réalisme puisque, sur le vrai, la commande de roulis agissait par gauchissement (c’est-à-dire que l’on jouait sur la déformation en torsion de la voilure) via des câbles, difficile à reproduire et à maîtriser à cette échelle. Ces ailes s’enfileront sur deux clés tubulaires en carbone de 10 et de 7,5 mm de diamètre.
Côté empennage, on retrouve la même construction avec l e même type de profil que les ailes. Plus étonnant, les moitiés extérieures du stabilisateur sont mobiles et articulées autour d’un pivot central. Pour l e coup, ce principe est fidèle à cette version de Blériot XI, qui a également existé avec un unique et traditionnel volet de profondeur. La dérive est réalisée en profil plat, encore entoilé dans le même beige et avec le marquage « Blériot XI ». Parlons des instructions de montage, sous la forme d’un feuillet de 20 pages en noir et blanc. L’assemblage est décrit avec beaucoup (trop) de textes en anglais, agrémentés de quelques photos de petites dimensions. Certes, cette notice fera le boulot, mais elle paraît vraiment rébarbative. Pour donner davantage envie et mieux distinguer les photos en zoomant, il est possible de télécharger sur le Net le fichier PDF en couleur, ce sera déjà mieux.
UN MONTAGE INHABITUEL
On commence par le stabilisateur avec la mise en place du système d’articulation de la profondeur. Il faut réussir à coller l’axe en carbone dans les parties mobiles, sans déborder sur la partie fixe pour éviter de tout bloquer. La colle cyano conseillée risquant de s’infiltrer où il ne faut pas, j’ai préféré employer de la colle époxy 10 min. Pendant le séchage, j’ai placé l’ensemble stabilisateur/volets sur une plaque de mélaminé parfaitement plane en guise de marbre. Un guignol, à assembler à partir de trois pièces en CTP prédécoupées, a été engagé sur l’axe pendant cette opération. Ensuite, il sera lui-même encollé parfaitement à 90° et au centre.
Laissons le stabilisateur pour s’occuper du fuselage, en insérant les servos de profondeur et de direction dans les logements. Ceux-ci sont prévus pour accueillir des formats 9 g, j’ai retenu des Tactic TSX10 développant 1,7 kg.cm, suffisant pour le domaine de vol envisagé de notre modèle. Sur les palonniers, il faut choisir dans l’accastillage les dominos avec le plus grand diamètre d’entrée, car ils vont accueillir des tringleries en jonc de carbone.
Le stabilisateur est ensuite fixé par le dessous de la queue grâce à deux vis, sans oublier l’entretoise de calage sur l’arrière. D’après la notice, il sera possible de modifier l’angle du stabilisateur (Vé longitudinal) en jouant sur ce calage, pour influencer les caractéristiques de vol. La dérive est ensuite préparée en lui collant le double guignol en CTP à l’époxy. L’articulation sera basée sur une paire de charnières en fibre, mais j’ai dû repasser dans les fentes côté fuselage avec une lame de cutter pour réussir à les insérer. On procède à un clas-
sique collage à la cyano fluide, en veillant à garder 2 à 3 mm de jeu pour que la longue partie avant de la dérive ne touche nulle part.
Je monte la roue arrière avec son système de suspension passant dans deux traverses, simplement arrêté par un circlip. C’est le moment de passer les deux joncs carbone qui font office de tringlerie d’empennage, depuis l’arrière vers l’avant. Au bout de chaque jonc qu’il faut préalablement ajuster en longueur, on collera une CAP pliée en Z pour rejoindre la dérive et la profondeur. Un autre jonc plus court repartira de la dérive pour actionner à son tour la direction de la roue arrière, avec le même collage de CAP à réaliser. Chaque collage CAP/ jonc sera ensuite recouvert d’une gaine thermorétractable.
On attaque les ailes en préparant les trappes des puits, où il faut positionner puis coller des cubes de bois pour y fixer les pattes des servos. Pendant le séchage, on en profite pour coller les guignols sur les ailerons, puis ces derniers recevront des charnières souples. Les mêmes servos Tactic avec leur palonnier sont fixés au dos des trappes, et l’ensemble est vissé à l’intrados en faisant ressortir les rallonges des câbles à l’emplanture. Ensuite, les plus petits dominos sont placés sur le dernier trou des guignols, et des CAP pliées en Z servent de commande.
Maintenant, il faut assembler les mâts qui supporteront la partie haute des haubans des ailes, à partir de quatre plats en carbone et une tige filetée. Un assemblage d’émerillons et de ressorts fera partie du montage avant de serrer le tout. Enfin, la base de chaque plat est engagée dans les fentes prévues du fuselage, pour y être contrepercée et vissée dans les couples. Il faut ensuite présenter le cadre du train principal en insérant les quatre plats articulés dans les angles de la cloison moteur. La notice indique que l’on peut rentrer plus ou moins cette partie pour ajuster le centrage à la fin du montage. Je ne suis pas convaincu par cette solution et ne souhaite pas modifier les proportions du nez, j’ai donc préféré tout fixer en butée dès maintenant. J’ai retenu le moteur brushless recommandé par Lindinger, un Planet-Hobby Joker 3548-3,5 de 1 120 kV, capable de délivrer presque 400 W. Son installation nécessite un peu d’attention : trop arrière, l’axe ne dépasse pas suffisamment pour que l’hélice débouche devant le train et, trop en avant, sa cage butera sur une CAP transversale. Il faut donc ajuster son calage longitudinal avec soin, et j’ai dû façonner des colonnettes alu pour l’avancer au maximum. L’hélice adaptée est une 12x6, j’ai choisi une Xoar bois pour un aspect cohérent. Pour lui donner un peu plus de marge, je l’ai calée sur son axe par l’arrière avec des rondelles, en conservant juste ce qu’il faut de filetage pour visser totalement l’écrou. Pour faciliter cette mise en place du moteur, il vaut mieux retenir dès le départ un exemplaire à axe long qui offrira plus de souplesse dans l’installation. Le contrôleur est Hobbywing Skywaker 60 A avec UBEC. La notice recommande de l’implanter derrière la cloison moteur, mais comme je pressens qu’il faudra du poids sur l’avant, je préfère laisser cet emplacement pour l’accu. Je raccorde et fixe alors le contrôleur le plus en avant possible, en travers sous le plancher. D’un poids négligeable, le récepteur 6 voies file le plus en arrière possible, contre les servos d’empennage.
La cellule doit être retournée pour y ajouter le support inférieur de haubans. Les quatre fines CAP sont vissées dans les trous déjà préparés. À ce stade, il faut choisir de conserver les ailes démontables ou fixées définitivement. Dans ce dernier cas, la notice préconise de les coller sur les deux clés d’aile, on peut alors se passer des haubans. Mais quel que soit le montage, il est dommage de renoncer à ces nombreux câbles qui font le charme de ces premiers avions. Pour ma part, les haubans seront présents et fonctionnels pour tenir les ailes plaquées contre le fuselage. On respectera le montage à base de ressorts, d’émerillons et de tubes à écraser pour sertir le fil fourni. Mais si on suit à la lettre la notice, les haubans inférieurs sont prisonniers du support, les ailes ne sont donc jamais séparables de la cellule. Il vaut mieux improviser lors de cette étape et se servir de l’accastillage en surplus pour réaliser des fixations inférieures détachables, ce que j’ai fait.
Même si c’est facultatif, j’ai aussi monté les haubans du stabilisateur et tous les câbles formant le treillis de l’arrière de la cellule. C’est longuement décrit dans la notice, à grand renfort de photos guidées par des flèches, mais il faut y consacrer du temps et bien valider chaque étape de ce tricotage avant le noeud final, toujours sécurisé par une goutte de cyano. C’est le genre de détail qui ne se voit plus à quelques mètres, mais le réalisme y gagne énormément.
LES OPTIONS
• Le pilote (prix indicatif : 24,99 euros) est bien réalisé et convaincant, avec la base du siège présent et collé d’origine. Il n’est toutefois pas très léger et sera implanté à la place arrière, j’espère qu’il ne pénalisera pas trop le centrage. Il est livré avec deux pièces de CTP formant une embase à coller derrière les servos d’empennage. Le pilote est ensuite lui-même collé sur ce support. Préférez une colle pas trop forte type UHU, car il faudra l’extraire en cas d’intervention sur un servo. • Les roues en option (prix indicatif : 29,99 euros) comportent de vrais rayons en jonc de carbone collés entre un moyeu et une jante en bois. Chaque roue est fournie avec deux flasques en plexiglas à coller de chaque côté pour les renforcer. Je trouve que cela gâche le rendu, d’autant que l’assemblage des rayons semble suffisamment robuste entre les mains. Je décide dans un premier temps de ne pas monter ces flasques, en me promettant d’éviter les appontages pour ne pas faire souffrir ces roues. Les jantes seront peintes en noir mat, puis les bandages en mousse seront collés avant de remplacer les roues du kit. Après quelques vols, un virage un peu appuyé me donnera tort, une roue verra tous ses rayons sortir de leur logement, heureusement sans autre conséquence. J’ai donc réparé et collé un seul flasque par roue, sur la face intérieure pour plus de discrétion.
• Enfin pour masquer l’anachronique moteur électrique, j’ai attendu le faux moteur tricylindre optionnel, mais il était indisponible au moment du test. C’est finalement sans regret, car il est simpliste et semble trop petit sur les photos par rapport à l’échelle. Il a toutefois le mérite d’être abordable : 7,99 euros.
Mon ami Marc m’a alors proposé son aide en modélisant en 3D le fameux moteur Anzani à partir de plans et d’illustrations trouvés sur le Net. Il a ensuite été réalisé en nylon en impression 3D, avec un résultat et un niveau de détail incomparable avec l’option de Maxford. Délicats à imprimer, les échappements et les pipes d’admission sont façonnés à partir de tubes d’alu et de laiton. Les fils de bougies sont faits en fil électrique silicone de section 22 AWG, et un peu de peinture achèvera l’aspect. Le faux moteur sera fixé autour du brushless grâce à ses propres colonnettes alu.
RÉGLAGES
Le centrage recommandé est à 140 mm du bord d’attaque des ailes. Avec un accu LiPo 4S 3 000 mAh, on obtient un centrage légèrement arrière de seulement quelques millimètres, et il m’a suffi d’ajouter 40 g de plomb plat collé sur la structure du train, le plus en avant possible.
Mon moteur n’est théoriquement pas prévu pour du 4S, j’ai bridé la voie des gaz à 75 % pour respecter une allure de vol réaliste et ne pas faire souffrir la motorisation. Au niveau des débattements, je respecte les valeurs de la notice données en degrés et en pouces, en ajoutant 30 % d’expo sur tous les axes
UN CHARMEUR
Après avoir d’abord pesté contre la notice, je suis peu à peu tombé sous le charme en assemblant ce Blériot. Les options « maquette » sont incontournables et doivent être commandées avec le kit. Dans le même esprit, il faut mettre en place l’ensemble des nombreux haubans proposés. Une fois sur le terrain, le Blériot suscite l’admiration car ces avions sont finalement rarement reproduits. Je vous conseille d’aller jeter un oeil sur le site de Maxford USA, car le catalogue propose d’autres appareils de cette époque.
Le pilotage du Blériot n’est pas difficile avec sa faible vitesse et son absence de décrochage, mais il faut un peu d’expérience car son comportement n’est pas neutre. Avec ce type de modèle, le plaisir se situe moins dans le pilotage lui-même que dans l’observation des passages lents autour du soi. J’espère maintenant séduire d’autres modélistes pour admirer en vol plusieurs avions de cette époque sur mon terrain… comme base de départ. Mon Blériot est fin prêt pour son vol inaugural…