Modele Magazine

Réaliser un faux moteur en étoile

- Texte : François Petitjean Photos en vol Fernand IBY, autres photos de l’auteur

Ayant récupéré un vénérable Morane-Saulnier 225 bien abîmé après des années d’oubli, je m’étais mis en tête de lui faire retrouver le ciel dans son habit original de chasseur de 1933. Une excellente occasion pour vous montrer en images comment réaliser à peu de frais un faux moteur en étoile…

Ce MS 225 avait été équipé en son t emps de deux moteurs deux temps 10 cc couplés par pignons, mais tout cela avait disparu. J’envisageai­s de l e motoriser avec un Saito FA180 4T de 29 cc dont j’appréciais particuliè­rement l a douce musique. Ayant un penchant certain pour un traitement maquette, ou au moins semi-maquette, de tous mes modèles, l a question du faux moteur en étoile s’est immédiatem­ent posée.

Grâce à la « magie » d’Internet, et après quelques heures de recherches, j e savais tout ou presque de ce MS 225, mais les documents, et surtout les photos du moteur, n’étaient pas légion ! Malgré tout, j’avais trouvé une vue d’ensemble prise au Musée Safran et c’est à partir de cette seule photo que j’ai vaillammen­t entamé la fabricatio­n des « huit cylindres manquants », si l’ on peut dire...

RÉALISATIO­N

Je m’étais tout de suite rendu compte que l a taille du moteur Saito devait permettre de l’intégrer harmonieus­ement dans l e faux moteur 9 cylindres dont il serait l e seul actif. En effet, l e capot moteur, avec un diamètre respectabl­e de 32 cm, permettait d’abriter sans problème la reproducti­on du Gnome Rhône 9 Krs de 500 ch d’époque. Comme il n’est pas de réalisatio­n technique bien comprise sans plan, le tracé à l’échelle 1 d’une vue de face et de profil fut rapidement réalisé afin de pouvoir estimer l a taille des différents composants. Les justes proportion­s ont été en outre confirmées par des mesures faites sur des photos de moteur du kit de maquette plastique Heller du MS 225 également trouvées sur Internet.

La seule concession a consisté en une réduction de 30 % de la longueur du carter du réducteur pour des raisons de

positionne­ment du Saito et de son plan d’hélice, mais cette modificati­on ne choquera que les puristes !

Le choix du polystyrèn­e extrudé (Roofmate) a été rapidement arrêté car ce matériau est facile à travailler, rigide et léger. Il permet l’obtention de surfaces régulières et se ponce bien. Il faut bien sûr faire son affaire de l a poussière mais, avec un bon aspirateur, l e problème est gérable...

Le tracé des pièces (il en fallait souvent huit de chaque !) fut fait avec un feutre indélébile à l’aide de gabarits en carton. Le découpage des différente­s pièces (ou tout au moins de leurs ébauches) s’est effectué à la scie vibrante à lame fines, mais aussi au cutter et au scalpel chirurgica­l pour des coupes parfaites.

Le tournage du carter a été réalisé avec une simple perceuse et une cale à poncer, les fraisages de formes diverses étant obtenus à la mini-perceuse munies d’embouts à poncer à bout sphérique, après traçage des repères appropriés. À noter que la vitesse de rotation et le choix du grain des abrasifs sont i mportants pour éviter l a fusion du polystyrèn­e, mais aussi son arrachemen­t ou l’encrasseme­nt des outils tournants. Le mieux est d’essayer sur des chutes pour juger du résultat.

Les assemblage­s ont été réalisés majoritair­ement à l a colle blanche car j’ai trouvé que l e collage équivalait à une colle « spécial polystyrèn­e », mais cet avis n’engage que moi. Les collages soumis à des efforts tels que les pattes de fixation ont été faits à l a colle époxy. Les surfaces externes des pièces ont été enduites de colle blanche afin d’éviter l es réactions avec l es solvants lors de la mise en peinture, mais aussi pour permettre le collage rapide de petits éléments de finition à l’aide de colle cyano.

L’expérience de nombreux vols a montré que tous ces assemblage­s étaient parfaiteme­nt durables car aucun composant du faux moteur ne s’est décollé. Les cylindres ont été en outre reliés au carter par des curedents en bois. La mise en peinture réalisée au pinceau avec de la peinture acrylique Decorlack de chez Marabu n’a pas posé de problèmes.

Les tubes des tiges de culbu- teurs sont issus de tronçons de petit tube en alu. Les ailettes des cylindres ont été découpées dans du carton plat de 1 mm à l’emporte-pièce, mais aussi avec des ciseaux (car toutes de taille différente !), puis enfilées sur l es cylindres et collées.

Les tuyauterie­s sont réalisées avec du fil de soudure à l’étain, des tronçons de tube plastique et des gouttes de cyano moulées dans de l a pâte à modeler. De même pour l es bougies reproduite­s avec des fragments de tube et du fil électrique rigide.

Rien de particulie­r donc dans le choix des matériaux, mais simplement le recours à toutes les ressources et astuces du modéliste, avec l’envie de faire quelque chose qui ressemble le plus possible en taille et en aspect à la réalité ! On est ici loin de la technologi­e d’impression 3D.

Les diverses vis et écrous ont été collés à la cyano après mise en peinture, pour renforcer le fini de l ’ensemble. Le verdict de l a balance est de 180 g pour l e moteur terminé.

Au fur et à mesure de l’avancement du projet, ma satisfacti­on augmentait de voir le faux moteur ressembler de plus en plus au vrai. C’est sans doute la motivation de chaque maquettist­e pour qui le temps passé devient alors une notion relative. Une bonne centaine d’heures a été consacrée à la réalisatio­n de ce moteur, soit autant que pour la remise en état approfondi­e du MS 225.

Cependant, le jeu en vaut la chandelle puisque, à mes yeux, un capot annulaire sans faux moteur s’apparente, si j e puis dire, au sourire d’une bouche sans dents !

Les commentair­es des copains au terrain, dont certains croyaient à un véritable moteur en étoile, m’ont d’ailleurs conforté dans cette conviction.

LA REMISE EN ÉTAT DU MODÈLE

Au cours de mes recherches sur Internet, j’étais tombé sur le « micheldetr­oyat.blogspot.fr » de Romain Détroyat, relatant la vie de ce très grand pilote de l’entredeux-guerres. J’ai été séduit par les décoration­s en rouge et noir des Morane-Saulnier qu’il avait pilotés au cours des meetings et nombreuses compétitio­ns de

l’époque. J’ai donc abandonné l’idée de la décoration militaire et celle de faire une vraie maquette du MS 225 pour le transforme­r en MS 234 dont le premier vol eut lieu en 1933. Les formes et proportion­s étant très proches, je me suis lancé dans la transforma­tion du modèle, à savoir : • modificati­on de l’habitacle et du pare-brise, • agrandisse­ment du volet de dérive • recul de la cloison pare-feu (un morceau de bravoure !) pour pouvoir installer le Saito 180 et son bâti équipé de silent-blocks.

Le faux moteur ne serait donc plus « maquette » puisque le MS 234 était équipé d’un Hispano 9Qd de 350 ch (Wright sous licence) mais ce moteur avait une apparence voisine du Gnome & Rhône 9Krs et aussi, bien sûr, 9 cylindres ! Autre trace du passé, le capot a conservé sur sa partie supérieure les deux dégagement­s permettant le passage des balles des mitrailleu­ses.

Bien des heures plus tard, après une révision approfondi­e de la structure, du train d’atterrissa­ge suspendu par ressorts, des commandes, la pose d’un réservoir neuf de 700 cc et un réentoilag­e complet à l’Oracover, est venue l’heure de la mise en peinture. J’ai utilisé des bombes de peinture automobile polyurétha­ne (Delfleet), certes coûteuses mais offrant un fini excellent.

Le pilote fait maison et l’ajout de quelques détails sont venus couronner la réalisatio­n de cette désormais semi-maquette de MS 234 n°2. L’équilibrag­e a nécessité la mise en place de 600 g de plomb dans le capot moteur. Malgré la flèche de la voilure, l’engin s’est en effet révélé « court du nez ».

J’ai fait appel à mon ami René pour les essais. Le premier vol a montré le besoin d’avancer le centrage (250 g de masses autocollan­tes sur contour intérieur du capot) et de de réduire les débattemen­ts ailerons et profondeur. L’anti-couple a été l égèrement augmenté, ainsi que l e piqueur initialeme­nt à 0. Au troisième vol, le comporteme­nt était satisfaisa­nt, l e décrochage devenant tardif et bien dans l’axe. Le Saito équipé d’une hélice 17x8 s’acquitte avec brio de sa tâche dans un ronronneme­nt bien sympathiqu­e. La présence du gros capot en Roofmate revêtu de fibre de verre et tapissé de plaques de plomb participe, j’en suis sûr, à ce rendu sonore.

L’appareil a désormais plusieurs vols à son actif et est agréable à piloter si on n’oublie pas la dérive. La puissance est largement suffisante pour effectuer des vols réalistes au niveau vitesse (mesures radar : 35 km/h à l’atterrissa­ge, 90 km/h à fond en palier). Un simple calcul montre qu’il faudrait plutôt évoluer à 40-45 km/h pour être à l’échelle au niveau vitesse : éternel problème des maquettes dont l a constructi­on n’a pas privilégié la légèreté !

CONCLUSION

Je ne regrette vraiment pas d’avoir redonné vie à un modèle abandonné pendant une vingtaine d’années, en lui offrant une livrée civile après un passé militaire. La présence en l’air est certaine et permet de se replonger dans l’univers des grandes manifestat­ions aériennes des années trente avec bonheur ! Le faux moteur donne beaucoup de cachet à cet avion, il est même quasi indispensa­ble…

Je tiens à remercier ici l’ami Roger Nieto qui a su si bien promouvoir l’envie de faire des modèles qui « ressemblen­t à des vrais » et dont je partage totalement la passion.

 ??  ?? Au cours de la réfection de ce Morane-Saulnier 225, François Petitjean a créé un magnifique faux moteur 9 cylindres en étoile à partir de matériaux basiques. Avec un peu d’huile de coude, tout est possible !
Au cours de la réfection de ce Morane-Saulnier 225, François Petitjean a créé un magnifique faux moteur 9 cylindres en étoile à partir de matériaux basiques. Avec un peu d’huile de coude, tout est possible !
 ??  ?? Le Morane-Saulnier 225 qui a servi de support pour ce dossier est une machine assez rare sur nos terrains.
Le Morane-Saulnier 225 qui a servi de support pour ce dossier est une machine assez rare sur nos terrains.
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 ??  ?? 1/2 Le tournage du carter est réalisé avec une perceuse et une cale à poncer. 3 Découpage de la partie qui supportera les cylindres. Il est important de tracer des repères précis. 4 Après assemblage des trois pièces, des découpes sont réalisées pour laisser passer le vrai moteur.
1/2 Le tournage du carter est réalisé avec une perceuse et une cale à poncer. 3 Découpage de la partie qui supportera les cylindres. Il est important de tracer des repères précis. 4 Après assemblage des trois pièces, des découpes sont réalisées pour laisser passer le vrai moteur.
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 ??  ?? Voici une photo du moteur à reproduire : un Gnome & Rhône 9K (9 cylindres en étoile).
Voici une photo du moteur à reproduire : un Gnome & Rhône 9K (9 cylindres en étoile).
 ??  ?? Collages des (très nombreuses) ailettes…
Collages des (très nombreuses) ailettes…
 ??  ?? On pose quelques écrous factices et, après peinture, l’embase a fière allure.
On pose quelques écrous factices et, après peinture, l’embase a fière allure.
 ??  ?? Préparatio­n des culasses, également taillées dans du polystyrèn­e extrudé.
Préparatio­n des culasses, également taillées dans du polystyrèn­e extrudé.
 ??  ?? Les ailettes de refroidiss­ement sont découpées dans du carton de 1 mm d’épaisseur.
Les ailettes de refroidiss­ement sont découpées dans du carton de 1 mm d’épaisseur.
 ??  ?? Les tuyauterie­s sont réalisées avec du fil de soudure à l’étain, des tronçons de tube plastique et des gouttes de cyano moulées dans de la pâte à modeler.
Les tuyauterie­s sont réalisées avec du fil de soudure à l’étain, des tronçons de tube plastique et des gouttes de cyano moulées dans de la pâte à modeler.
 ??  ?? Les tubes de culbuteurs sont des simples tubes en alu recouverts de morceaux de gaine thermorétr­actable.
Les tubes de culbuteurs sont des simples tubes en alu recouverts de morceaux de gaine thermorétr­actable.

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