Réaliser un faux moteur en étoile
Ayant récupéré un vénérable Morane-Saulnier 225 bien abîmé après des années d’oubli, je m’étais mis en tête de lui faire retrouver le ciel dans son habit original de chasseur de 1933. Une excellente occasion pour vous montrer en images comment réaliser à peu de frais un faux moteur en étoile…
Ce MS 225 avait été équipé en son t emps de deux moteurs deux temps 10 cc couplés par pignons, mais tout cela avait disparu. J’envisageais de l e motoriser avec un Saito FA180 4T de 29 cc dont j’appréciais particulièrement l a douce musique. Ayant un penchant certain pour un traitement maquette, ou au moins semi-maquette, de tous mes modèles, l a question du faux moteur en étoile s’est immédiatement posée.
Grâce à la « magie » d’Internet, et après quelques heures de recherches, j e savais tout ou presque de ce MS 225, mais les documents, et surtout les photos du moteur, n’étaient pas légion ! Malgré tout, j’avais trouvé une vue d’ensemble prise au Musée Safran et c’est à partir de cette seule photo que j’ai vaillamment entamé la fabrication des « huit cylindres manquants », si l’ on peut dire...
RÉALISATION
Je m’étais tout de suite rendu compte que l a taille du moteur Saito devait permettre de l’intégrer harmonieusement dans l e faux moteur 9 cylindres dont il serait l e seul actif. En effet, l e capot moteur, avec un diamètre respectable de 32 cm, permettait d’abriter sans problème la reproduction du Gnome Rhône 9 Krs de 500 ch d’époque. Comme il n’est pas de réalisation technique bien comprise sans plan, le tracé à l’échelle 1 d’une vue de face et de profil fut rapidement réalisé afin de pouvoir estimer l a taille des différents composants. Les justes proportions ont été en outre confirmées par des mesures faites sur des photos de moteur du kit de maquette plastique Heller du MS 225 également trouvées sur Internet.
La seule concession a consisté en une réduction de 30 % de la longueur du carter du réducteur pour des raisons de
positionnement du Saito et de son plan d’hélice, mais cette modification ne choquera que les puristes !
Le choix du polystyrène extrudé (Roofmate) a été rapidement arrêté car ce matériau est facile à travailler, rigide et léger. Il permet l’obtention de surfaces régulières et se ponce bien. Il faut bien sûr faire son affaire de l a poussière mais, avec un bon aspirateur, l e problème est gérable...
Le tracé des pièces (il en fallait souvent huit de chaque !) fut fait avec un feutre indélébile à l’aide de gabarits en carton. Le découpage des différentes pièces (ou tout au moins de leurs ébauches) s’est effectué à la scie vibrante à lame fines, mais aussi au cutter et au scalpel chirurgical pour des coupes parfaites.
Le tournage du carter a été réalisé avec une simple perceuse et une cale à poncer, les fraisages de formes diverses étant obtenus à la mini-perceuse munies d’embouts à poncer à bout sphérique, après traçage des repères appropriés. À noter que la vitesse de rotation et le choix du grain des abrasifs sont i mportants pour éviter l a fusion du polystyrène, mais aussi son arrachement ou l’encrassement des outils tournants. Le mieux est d’essayer sur des chutes pour juger du résultat.
Les assemblages ont été réalisés majoritairement à l a colle blanche car j’ai trouvé que l e collage équivalait à une colle « spécial polystyrène », mais cet avis n’engage que moi. Les collages soumis à des efforts tels que les pattes de fixation ont été faits à l a colle époxy. Les surfaces externes des pièces ont été enduites de colle blanche afin d’éviter l es réactions avec l es solvants lors de la mise en peinture, mais aussi pour permettre le collage rapide de petits éléments de finition à l’aide de colle cyano.
L’expérience de nombreux vols a montré que tous ces assemblages étaient parfaitement durables car aucun composant du faux moteur ne s’est décollé. Les cylindres ont été en outre reliés au carter par des curedents en bois. La mise en peinture réalisée au pinceau avec de la peinture acrylique Decorlack de chez Marabu n’a pas posé de problèmes.
Les tubes des tiges de culbu- teurs sont issus de tronçons de petit tube en alu. Les ailettes des cylindres ont été découpées dans du carton plat de 1 mm à l’emporte-pièce, mais aussi avec des ciseaux (car toutes de taille différente !), puis enfilées sur l es cylindres et collées.
Les tuyauteries sont réalisées avec du fil de soudure à l’étain, des tronçons de tube plastique et des gouttes de cyano moulées dans de l a pâte à modeler. De même pour l es bougies reproduites avec des fragments de tube et du fil électrique rigide.
Rien de particulier donc dans le choix des matériaux, mais simplement le recours à toutes les ressources et astuces du modéliste, avec l’envie de faire quelque chose qui ressemble le plus possible en taille et en aspect à la réalité ! On est ici loin de la technologie d’impression 3D.
Les diverses vis et écrous ont été collés à la cyano après mise en peinture, pour renforcer le fini de l ’ensemble. Le verdict de l a balance est de 180 g pour l e moteur terminé.
Au fur et à mesure de l’avancement du projet, ma satisfaction augmentait de voir le faux moteur ressembler de plus en plus au vrai. C’est sans doute la motivation de chaque maquettiste pour qui le temps passé devient alors une notion relative. Une bonne centaine d’heures a été consacrée à la réalisation de ce moteur, soit autant que pour la remise en état approfondie du MS 225.
Cependant, le jeu en vaut la chandelle puisque, à mes yeux, un capot annulaire sans faux moteur s’apparente, si j e puis dire, au sourire d’une bouche sans dents !
Les commentaires des copains au terrain, dont certains croyaient à un véritable moteur en étoile, m’ont d’ailleurs conforté dans cette conviction.
LA REMISE EN ÉTAT DU MODÈLE
Au cours de mes recherches sur Internet, j’étais tombé sur le « micheldetroyat.blogspot.fr » de Romain Détroyat, relatant la vie de ce très grand pilote de l’entredeux-guerres. J’ai été séduit par les décorations en rouge et noir des Morane-Saulnier qu’il avait pilotés au cours des meetings et nombreuses compétitions de
l’époque. J’ai donc abandonné l’idée de la décoration militaire et celle de faire une vraie maquette du MS 225 pour le transformer en MS 234 dont le premier vol eut lieu en 1933. Les formes et proportions étant très proches, je me suis lancé dans la transformation du modèle, à savoir : • modification de l’habitacle et du pare-brise, • agrandissement du volet de dérive • recul de la cloison pare-feu (un morceau de bravoure !) pour pouvoir installer le Saito 180 et son bâti équipé de silent-blocks.
Le faux moteur ne serait donc plus « maquette » puisque le MS 234 était équipé d’un Hispano 9Qd de 350 ch (Wright sous licence) mais ce moteur avait une apparence voisine du Gnome & Rhône 9Krs et aussi, bien sûr, 9 cylindres ! Autre trace du passé, le capot a conservé sur sa partie supérieure les deux dégagements permettant le passage des balles des mitrailleuses.
Bien des heures plus tard, après une révision approfondie de la structure, du train d’atterrissage suspendu par ressorts, des commandes, la pose d’un réservoir neuf de 700 cc et un réentoilage complet à l’Oracover, est venue l’heure de la mise en peinture. J’ai utilisé des bombes de peinture automobile polyuréthane (Delfleet), certes coûteuses mais offrant un fini excellent.
Le pilote fait maison et l’ajout de quelques détails sont venus couronner la réalisation de cette désormais semi-maquette de MS 234 n°2. L’équilibrage a nécessité la mise en place de 600 g de plomb dans le capot moteur. Malgré la flèche de la voilure, l’engin s’est en effet révélé « court du nez ».
J’ai fait appel à mon ami René pour les essais. Le premier vol a montré le besoin d’avancer le centrage (250 g de masses autocollantes sur contour intérieur du capot) et de de réduire les débattements ailerons et profondeur. L’anti-couple a été l égèrement augmenté, ainsi que l e piqueur initialement à 0. Au troisième vol, le comportement était satisfaisant, l e décrochage devenant tardif et bien dans l’axe. Le Saito équipé d’une hélice 17x8 s’acquitte avec brio de sa tâche dans un ronronnement bien sympathique. La présence du gros capot en Roofmate revêtu de fibre de verre et tapissé de plaques de plomb participe, j’en suis sûr, à ce rendu sonore.
L’appareil a désormais plusieurs vols à son actif et est agréable à piloter si on n’oublie pas la dérive. La puissance est largement suffisante pour effectuer des vols réalistes au niveau vitesse (mesures radar : 35 km/h à l’atterrissage, 90 km/h à fond en palier). Un simple calcul montre qu’il faudrait plutôt évoluer à 40-45 km/h pour être à l’échelle au niveau vitesse : éternel problème des maquettes dont l a construction n’a pas privilégié la légèreté !
CONCLUSION
Je ne regrette vraiment pas d’avoir redonné vie à un modèle abandonné pendant une vingtaine d’années, en lui offrant une livrée civile après un passé militaire. La présence en l’air est certaine et permet de se replonger dans l’univers des grandes manifestations aériennes des années trente avec bonheur ! Le faux moteur donne beaucoup de cachet à cet avion, il est même quasi indispensable…
Je tiens à remercier ici l’ami Roger Nieto qui a su si bien promouvoir l’envie de faire des modèles qui « ressemblent à des vrais » et dont je partage totalement la passion.