UNE HISTOIRE EXCEPTIONNELLE !
N° 17 - Pierre Marrot et Radio-Pilote… 74
Au milieu des années trente, les Américains furent les premiers à concevoir du matériel destiné à ppiloter des modèles réduits à distance. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les premiers ensembles de télécommandes firent leur apparition dans la revue anglaise Aeromodeller sous la marque ECC : Electronic Control Components. Vingt ans plus tard, des ensembles équipés de transistors étaient commercialisés par des fabricants tels Ace Radio, Orbit, Bonner, Graupner, O.S : tous étrangers. Rien en France ? Si, si, Radio-Pilote arrivait !
Au milieu des années trente, les Américains furent les premiers à concevoir du matériel destiné à piloter des modèles réduits à distance. À l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, les premiers ensembles de télécommande firent leur apparition dans la revue anglaise Aeromodeller sous la marque ECC : Electronic Control Components. Vingt ans plus tard, des ensembles équipés de transistors étaient commercialisés par des fabricants tels Ace Radio, Orbit, Bonner, Graupner, O.S : tous étrangers. Rien en France ? Si, si, Radio-Pilote arrivait !
Pierre Marrot est né en 1934, d’un papa dessinateur chez Gnome et Rhône et d’une maman secrétaire chez l e fabricant d’appareils de mesures Testud. Durant l ’Occupation, l e jeune garçon fut transféré en zone libre où, compte tenu du contexte, sa scolarité ne fut pas particulièrement suivie. Pour autant, doté d’une bonne mémoire visuelle, il
obtenait d’excellentes notes. Âgé de 12 ans à la fin de la guerre, il retrouve Paris et passe son certificat d’études dans une école située… en face du magasin de modélisme Briot ! Trois ans plus tard, il aborde le modélisme par le vol circulaire, puis par le bateau. Il pratique ensuite le vol libre durant sept années, ce qui lui permet d’appréhender toutes les subtilités des réglages d’un engin volant. Au cours de cette période, il part sous les drapeaux et va s’intéresser à l’électronique grâce à un modéliste qui lui en fera découvrir les bases : fréquences, longueur d’onde, etc. C’était l’époque des pionniers : Wastable, Poulain…, et des radios à lampes. Libéré de ses obligations militaires, il rentre comme cadre chez Testud. Côté passion, il passe au planeur télécommandé et est en contact avec le magasin La Source des Inventions, qui lui propose de succéder à Wastable. Le patron de l’enseigne lui suggère de s’orienter vers la télécommande… Pierre consulte son entourage et tout le monde lui dit qu’il n’y aura pas de débouchés… Mais la fougue de ses 26 ans prend le dessus et il se dit que s’il ne le fait pas maintenant, il ne le fera jamais. Alors il crée Radio-Pilote en 1960, le début d’une superbe histoire…
L’AVENTURE RADIO-PILOTE
Pour démarrer, Pierre s’inspire beaucoup de ce que réalisaient les Américains qui, d’ailleurs, vulgarisaient facilement l eurs résultats. La récupération du matériel électronique des surplus américains permettra la sortie de la première Radio-Pilote, de type monocanal, commercialisée par la Source des Inventions. Quatre personnes intègrent rapidement l’entreprise qui s’était installée dans le sous-sol du pavillon du couple Marrot, à Vincennes. La fabrication des circuits imprimés et des composants était cependant réalisée en sous-traitance. Une seule marque était devant Radio-Pilote à cette époque : Kraft ( voir chronique Vintage MM
MRA 834, mars 2021). Mais il fallait aussi compter avec Simprop qui montait en puissance. La marque française, grâce à sa réputation établie rapidement, obtiendra une commande du Service de la Formation aéronautique (Aviation civile) pour 600 postes de radios 6 canaux destinés à être fournis aux l ycées, dans l e cadre de l a formation générale. Une telle commande impose – évidemment – des investissements préalables pour être honorée. Elle l e sera sans obtenir d’aide des organismes bancaires, forcément un peu frileux…
Au fil des années, RadioPilote a étoffé sa gamme, passant de l’ ensemble monocanal au tout ou rien à lames vibrantes en 2, 4, 6, 12 canaux, puis au proportionnel. On notera au passage l’évolution extrêmement rapide, à la fois des connaissances et de la technologie… Bonner, aux USA, fut le premier à lancer le système proportionnel, et la communauté des aéromodélistes en resta toute « baba », mais envieuse en raison du prix prohibitif (un ensemble proportionnel coûtait le prix d’une Renault Dauphine !). Au-delà de la notion de prix, ces ensembles à la technologie balbutiante présentaient aussi un gros défaut : le glissement de fréquence qui engendrait un décalage du neutre. Comme la France ne pouvait être en reste, Jacques Perrin, le patron du magasin Baby Train qui vendait du Radio-Pilote, demanda à Pierre d’analyser le système américain et de surtout l’améliorer. Des nuits entières, le Français s’est plongé sur le sujet, et, en 1964-1965, les premières Radio-Pilote proportionnelles sortaient de l’atelier de Vincennes, avec des récepteurs à double étage : une partie décodeur et une partie radio. Pierre le reconnaît donc aisément, ses premières proportionnelles étaient des copies de Bonner… améliorées ! Les dix années qui suivirent, Radio-Pilote poursuivra son petit bonhomme de chemin, faisant en particulier le bonheur des pilotes d’avions de voltige, majoritairement équipés de la marque française. RadioPilote ne se contentera pas de fabriquer des radiocommandes, mais aussi tout ce qui tournait autour : chargeurs et servomécanismes, dont le fameux servo Chevron. On notera enfin le sérieux particulier de la marque qui n’effectuait la mise sur le marché d’un nouveau modèle qu’après une période de test d’un an, effectuée par des aéromodélistes actifs.
CLAP DE FIN…
Dès les premières années de Radio-Pilote, un jeune talent avait proposé à Pierre de traiter la maquette des catalogues de la marque et de concevoir les dossiers techniques des radios. Ce jeune, Christian Chauzit, créera quelques années plus tard le
Baron. Après un passage chez Briot, puis à l a rédaction de
Modèle Magazine, le décès de Monsieur Briot l’incita à proposer à Pierre Marrot de créer une société de commercialisation d’ensembles de radiocommande en kit. C’est ainsi que l’ on vit apparaître sur le marché une nouvelle marque : Prolink, dont l e développement avait été fait simultanément à celui de RadioPilote.
À partir de 1974, les publicités Radio-Pilote se firent plus rares dans les revues, laissant la place à celles de Prolink, marque qui avait un point de vente spécifique et qui, outre l es radios en kit, commercialisait aussi des accessoires, moteurs, kits de construction, etc.
Vers 1975, la situation devint compliquée car un changement dans le système des taxes françaises mit à mal la production tricolore : les produits nationaux étaient taxés à 33 % et les produits d’importation à seulement 15 %. De plus, l’importation de composants électroniques imposait désormais de détenir une licence. Tout ça condamnait Radio-Pilote à ne pas se développer à l’étranger et à se contenter du marché national. De plus, les détaillants français préféraient vendre des produits étrangers fabriqués industriellement par Graupner, Multiplex, Robbe, Simprop… et moins chers que la marque nationale. Pierre jettera le torchon et arrêtera Radio-Pilote et Prolink, et son atelier se reconvertira dans des systèmes de contrôle à distance de remplissage de cuves à fioul.
OUVERTURE DE RC MARROT…
Avec cette expérience d’une quinzaine d’années en tant que fabricant, et les difficultés que cela représentait, Pierre avait compris que le commerce valait bien mieux que la production. Il décide d’ouvrir, en 1975, le magasin RC Marrot, à Paris, pour commercialiser tout ce que les importateurs de l’époque proposaient aux modélistes des quatre disciplines : avion, voiture, bateau et train. La voiture RC boostera vraiment cette nouvelle enseigne parisienne, les Marrot Père et Fils étant tous les dimanches sur les pistes de courses de voitures. Et avec succès !
L’arrivée au début des années quatre-vingt-dix des grandes enseignes de modélisme de vente par correspondance signera la fin de RC Marrot et entraînera la fermeture de ses portes.
À la fermeture de son magasin, et devant encore travailler quelques années avant la retraite,
Pierre rejoindra l’entreprise de Christian Chauzit, f abricant d’alarmes pour voitures et de blocs d’affichage, comme directeur des achats. Il prendra sa retraite quelques années plus tard après avoir également contribué à la création du SAV des radiocommandes Hitec, au sein de Model Racing Car.
LES AVIONS ET LA COMPÉTITION…
En 1951 (Pierre a 17 ans), le plan de l’une de ses premières créations sera publié dans la revue
MRA. Le JumpingII était un planeur de vol libre à moteur caoutchouc qui lui permit de gagner plusieurs concours. Dès qu’il s’est intéressé à la télécommande, ils’ est également fortement orienté vers les planeurs et avions de voltige. Pierre se rapprochera des ténors de l’époque et apprendra rapidement en participant activement aux concours régionaux. Ainsi, il affûtera son pilotage et empochera plusieurs titres de champion de France. Ces résultats en France lui permirent d’intégrer à cinq reprises l’équipe de France pour les championnats du monde.
Parallèlement aux championnats du monde, il fut invité en 1968 à participer aux Nationaux américains. Ce championnat national US sélectionnait un pilote par état et permettait des inscriptions libres. La compétition étant basée sur un système d’éliminatoires, Pierre sortira vainqueur des 120 pilotes sélectionnés. Et sur les vingt finalistes, il se placera septième : une très belle performance !
Comme en radiocommande, voilà un homme qui aura fortement marqué le monde de la voltige avec ses avions. Si au départ il utilisait un Taurus, il est ensuite passé au Lucifer qu’il avait créé, puis à son évolution, le Satanas, puis au fameux Styx. Il y a eu neuf évolutions du Styx car un numéro de série était placé sur la dérive. Elles ont laissé place à une nouvelle monture utilisée en 1971, le Sulfure, rapidement rebaptisée Diabolo. Cette cellule préfigurait le profil des avions de voltige qui allaient être utilisés partout dans le monde durant les trente années suivantes.
Enfin, pour son baroud d’honneur, Pierre céda en 1975 à l’insistance de Jean Palais, l’un de ses collaborateurs chez RadioPilote. Il lui dessina un avion entièrement nouveau, avec fuselage en fibre et ailes en polysty
rène coffré. Le Blitz lui permettra de gagner son dernier championnat de France et donnera naissance peu de temps après au Super Blitz, qu’il n’utilisera cependant pas en compétition.
Pierre reviendra à la compétition entre 2009 et 2018 pour retrouver les joies du vol libre en catégorie F1C motoplaneur. Et avec succès ! En effet, sur cette période, il gravira l’une des marches du podium de championnat de France à huit reprises, et renouera deux fois avec le podium i nternational. Chapeau bas, Monsieur Marrot !
MERCI, VRAIMENT MERCI !
En 2021, fort de ses 87 printemps, Pierre n’hésite pas à se déplacer sur des manifestations ou concours de voltige vintage. Cela lui permet de rencontrer de nombreux anciens, mais aussi des plus jeunes qui prennent plaisir à l’écouter raconter ses anecdotes. Sa mémoire est intacte, et c’est d’ailleurs ce qui a permis la rédaction de cette chronique. Le Vincennois réside toujours là où se trouvaient les ateliers Radio-Pilote. Le nom de la marque de radiocommande française, qui aura tant marqué le monde de l’aéromodélisme durant plus de quinze années et bien après, est d’ailleurs toujours présent sur le mur du pavillon. Un clin d’oeil inéluctable au passé…