TRAJECTOIRE Épisodep 28
Comment améliorer le Lentus de Multiplex ?
Aider à la préparation et à la formation intensive au pilotage des 4 m les plus performants, tel est l’objectif quasi surréaliste que j’ai assigné au Lentus. Comment retrouver en vol les sensations d’un planeur valant trois fois plus cher ? Il fallait trouver les moyens d’augmenter le potentiel de ce planeur en mousse. Le résultat est probant et accessible à tous : voici mon Lentus que j’ai baptisé « Evo » !
Est- ce encore une mousse ? La question de la maturité de ce type de machine chez Multiplex ne se pose plus depuis l ongtemps, mais force est toutefois de reconnaître qu’une autre étape vient d’être franchie. Obtenue grâce à une hybridisation de l a technique de construction, le dernier Lentus n’est plus vraiment une mousse. Ce planeur de 3 mètres, qui se paye le luxe d’offrir une aile très travaillée avec un bel allongement, peut se permettre de venir prétendre à certains équipements et technologies plutôt inattendus.
POUR QUI, LE LENTUS « EVO » ?
On peut voir deux types de clientèle pour le Lentus. D’abord le modéliste qui cherche un Cularis amélioré, c’est-à-dire un Easyglider de 3 m. L’option FES (qui permet de décoller du sol) va dans ce sens, pour les modélistes d’un certain âge, inquiets de ne pouvoir lancer un planeur et cherchant quelque chose de grand, mais pas trop, pour mieux le voir en l’air. À ceux-là, il convient de suivre scrupuleusement toute la notice Multiplex, et surtout de ne rien y modifier. Ils obtiendront un
planeur décollant facilement du sol, se posant lentement et volant plutôt pas mal. À ceux-là, tout ce qui va suivre est de peu d’intérêt, voire déconseillé. Par contre, on peut aussi vouloir en faire un outil relativement performant quand on est un planeuriste plus exigeant, mais que l’on souhaite disposer d’une machine tout-terrain, quelles que soient les conditions locales.
POUR QUOI FAIRE ?
C’est justement la bonne question. Pour faire tout ce que l’on ne peut pas faire avec d’autres planeurs plus fragiles. Voler partout avec un joli planeur au look maquette de 3 m, c’est tout de même un bien sympathique programme. Il se lance facilement à la main, il se pose comme une fleur partout, et il gratte très bien. En fait, ce Lentus est le partenaire idéal pour voler avec les avantages d’une mousse, sans avoir de gros compromis à faire sur les qualités de vol. C’est justement là que commence l’histoire me concernant, puisqu’il s’agit d’améliorer l’animal pour le rendre plus performant, plus pratique, plus formateur et au final, plus agréable.
LE GYROSCOPE
À mon avis nécessaire sur le Héron, le gyro apporte un petit mieux au comportement du Lentus. J’ai en effet remarqué une petite instabilité en spirale de la version « sortie d’usine » du Lentus sur l’axe longitudinal. Le gyro lisse ce phénomène. Aux ailerons, le petit surcroît de stabilité donne l’impression d’un planeur plus grand, c’est agréable. En effet, sans gyro, les ailes étant légères, le planeur « vibre » en permanence sous l’effet des perturbations. On pourrait penser que cela aiderait à détecter les petites pompes, il n’en est rien, au contraire, le gyro sert un peu de filtre et on peut davantage se concentrer sur la communication avec le planeur. Mais comme toujours, on peut le couper en fonction des circonstances et ainsi apprécier le gain ou pas.
ACCESSOIRES DIVERS
Le Lentus est vendu en version RR (prémontée et livrée avec les équipements), ou en version kit (à assembler et livrée nue). C’est cette dernière version que j’ai achetée pour y installer le matériel que j’avais dans les tiroirs (servos Hyperion DS11 SCB pour
les ailerons et l a profondeur, Corona DS 939 MG pour l es volets, Corona CS 939 MG pour la dérive et l e train rentrant, récepteur Multiplex Wingstabi 7ch DR avec gyro intégré, moteur ProTronik DM2820 950 kV, contrôleur Hobbywing 60 A et accu LiPo 3S 3 200 mAh). En revanche, j’ai pris l’option du faisceau de câbles déjà assemblé. Tout est à la bonne longueur et tombe pile poil comme il faut, cela ne vaut vraiment pas la peine de s’en passer. Les rallonges torsadées pour l es servos de profondeur et dérive sont aussi présentes, de même que les clips pour sécuriser ces deux prises. J’ai acheté chez Lindinger des vis nylon avec une tête spéciale pour les visser à la main. Placées dans le sens de vol, l a traînée est minime, et c’est vraiment pratique de ne pas avoir à chercher un tournevis. Quelles que soient les vis, attention à bien les serrer, car sur mon Lentus, l e stab aurait tendance à ne pas bien se caler (crash assuré au décollage car trop de piqueur).
RÉGLAGES ET MIXAGES
Il est bien entendu que les réglages dépendent du centre de gravité (cdg) et ne valent donc qu’avec mon cdg reculé à 77 mm (la notice préconisant 67 mm). C’est la valeur que je retiens pour mes élèves quand je fais de la formation avec le Lentus. J’ai mis le maxi de débattement partout, sans expo. Pas de différentiel à la radio, et je n’ai rien eu à retoucher. Pour les mixages, ce n’est pas un planeur de compétition ni de voltige. Le mieux étant bien souvent l’ennemi du bien, il s’agit d’apporter des solutions qui amènent réellement quelque chose, plutôt que de tordre l’aile dans tous les sens pour rien. J’ai préféré que les servos de volets donnent le maximum de débattement vers le bas pour la fonction croco (AF), et donc je n’ai gardé que le strict minimum de débattement vers le haut pour la position « vitesse ».
LES PHASES DE VOL : SIMPLES MAIS EFFICACES
Elles sont très utiles, comme sur tous les planeurs à volets, mais là particulièrement, quoique simplifiées par rapport à d’autres machines bien plus performantes. Ici, les phases de vol n’ont pas besoin d’inclure des modifications de différentiel, de débattements, etc. Tout ce dont l’on a besoin, c’est d’augmenter la courbure sur toute l’aile en position durée et de la diminuer pour la position vitesse, avec à la clé, et c’est presque le principal, une mémorisation du trim de profondeur pour chaque phase. On obtient ainsi un planeur beaucoup plus doux et gonflé à l’hélium en position durée, plus rapide et plus agréable sur le dos en position « vitesse ». La position normale est parfaite pour les transitions et la prospection, le Lentus « Evo » accélérant maintenant fort bien.
ÉVOLUTION, STAGE 1
Étape 1 : ébavurer les contours des ailes. Autant l’état de surface des ailes est parfait, autant bord d’attaque et surtout bord de fuite peuvent être améliorés. Il faut faire attention avec la mousse Elapor car ça bouloche vite, et le remède serait pire que le mal. Pour bien bosser, on va se faire une cale à poncer avec du papier très fin, du 800 ou du 1000. C’est principalement côté intrados que les bords de fuite doivent être arasés. Il faut poncer doucement, sur une grande longueur, en faisant bien varier l’inclinaison de la cale à poncer. Le but n’est pas de faire des lames de rasoir, juste de retirer toutes les aspérités de moulage. On procédera de la même façon pour le bord d’attaque, où il y a une légère marque de moulage. Attention à ne pas modifier la forme du bord d’attaque, on y va doucement.
Étape 2: arrondir les bords d’attaque des gouvernes. On ne peut toujours pas passer à du plus gros grain, pourtant il va falloir bien arrondir la partie avant, côté intrados des gouvernes. Car un angle vif tel qu’il arrive d’usine accroît considérablement la traînée. L’arrondi à faire dépendra un peu de votre courage, car c’est assez fastidieux.
Étape 3 : le centrage. Comme d’habitude, le centrage indiqué (67 mm) dans la notice est trop avant. Le Lentus ne déroge pas à la règle. Avec le centrage donné, il oscille à la moindre prise de vitesse. En spirale, il semble un peu instable sur l’axe de tangage (profondeur). Bref, il faut piloter contre lui en permanence. C’est normal. Ce qui l’est moins, c’est de penser pouvoir progresser ainsi. Avec le centrage reculé à 77 mm, le planeur est beaucoup plus stable, sans effet parasite. Il enroule très agréablement, la dérive est effi
cace, le décrochage est toujours aussi gentil et se rattrape très rapidement. En transition, le planeur trouve seul son assiette pour le meilleur taux de chute.
En voltige, le Lentus se freine assez vite et la boucle inverse ne passe pas, il s’écroule avant d’avoir pu finir la boucle. Nous verrons que ce n’est que provisoire.
ÉVOLUTION, STAGE 2
Je ne pensais pas que le résultat serait à ce point probant, mais le fait est que masquer les fentes des gouvernes fait faire un bond aux performances du Lentus. On se rend compte tout de suite que le sifflement est plus léger, la vitesse de pointe est augmentée, et surtout la restitution est bien meilleure. Pour preuve, la boucle inverse qui ne passait pas sur mon modèle : Quelle ne fut pas ma surprise de voir que non seulement dorénavant elle passe, mais encore avec de la marge. Se freinant moins, il peut prendre davantage de vitesse et perd aussi moins d’énergie lors de la remontée dos.
À propos de vol dos, la figure se fait en position « vitesse », c’est-àdire les gouvernes légèrement relevées. Le vol dos est nettement amélioré un ainsi.
Je considère donc cette amélioration comme nécessaire, surtout au vu de la facilité pour masquer les fentes. Pour cela deux méthodes : une pas chère, en utilisant du Scotch transparent « Magic », la partie venant masquer la fente sera talquée pour ne plus coller. Pour procéder, on étale bien le talc sur la gouverne, alors que côté aile, on dégraissera bien à l’alcool. C’est un coup à prendre, ce n’est pas facile à faire au début pour un bon résultat. L’autre solution est d’acheter (j’ai utilisé un produit Graupner, mais on en trouve aussi chez Topmodel) de l’adhésif de masquage dont seule une partie est collante. C’est ce que j’ai utilisé. Là aussi, le bord d’attaque inférieur des gouvernes doit être un peu arrondi, sinon la lèvre vient buter contre la gouverne et se plier au lieu de glisser audessus. C’est surtout valable pour les volets, où la fente est très large et où il faut bien faire attention au positionnement de l’adhésif afin de masquer la fente entièrement. Volets, ailerons et stab ont tous reçu ce traitement côté intrados. Toutes les aspérités, comme le renfort de stab ont aussi été masquées, soit avec de la déco, soit avec du Scotch transparent.
BALLAST
Sur ma version « Evo », le Lentus est assez fin pour mieux voler en étant ballasté. Les 200 g du train rentrant optionnels sont les bienvenus, j’avais prévu davantage mais, au final, c’est suffisant (masse en ordre de vol 2 500 g). La vitesse de décrochage est à 22 km/h, ce qui est plutôt lent. Le vol dans le petit temps est très bon et le Lentus vole très bien aussi dans le vent plus fort. Pas besoin de la position « vitesse » pour remonter le vent. C’est pour moi, à ce poids, le compromis parfait eu égard à sa destination. Pour l’anecdote, par temps venteux (20 km/h au sol), temps gris et 18°, j’ai enroulé une pompe à 19 m d’altitude, ce qui démontre l’étendue du domaine de vol. Un piqué de 100 m et un passage dos ne l’impressionnent pas davantage. Ok, ce n’est pas un F3F ni un F5j, mais c’est un planeur sympa.
LANCER LE LENTUS « EVO » ET MOTORISATION
Un chapitre un peu inhabituel pour une position de la main qui l’est tout autant. Surtout ne pas prendre le planeur en arrière du CdG comme on le fait habituellement. Il faut en fait le prendre sous le bord d’attaque, ça fait bizarre je vous l’accorde, ce n’est pas non plus super confortable, mais c’est le seul moyen pour que le planeur parte bien à plat. Ensuite, il va rester en palier tout en accélérant, en attendant votre ordre à cabrer qui va le monter sous un angle régulier sans vraiment besoin de corriger la trajectoire, ou très peu à piquer de temps en temps pendant l’ascension. Le planeur est donc très neutre au moteur, et c’est bien agréable. Ensuite, il monte assez fort, entre 9 et 11 m/s en début de décharge, et aux environs de 8 m/s en fin. Mon moteur est très proche de celui recommandé, mais j’ai mis une hélice plus grande (13x8) qui charge un peu trop le moteur (j’avais 58 A au sol, que j’ai réduits
à 52 A en diminuant la course à l’émetteur). Une 13x6 serait donc plus adaptée. L’accu est un LiPo 3S 3200 mAh reculé au maximum contre le train, il m’a encore fallu plomber tous les orifices possibles dans la queue pour bien le centrer.
RÉSULTATS CHIFFRÉS
Volant avec une radio Multiplex, j’ai équipé mon Lentus du module optionnel « vario tek +tas ». Tout est prévu pour loger ce module dans le Lentus (durites, tube de Prandl du vario). Tout en mesurant la vitesse réelle du planeur avec précision (la vitesse « air »), le système utilise cette donnée pour inclure dans la mesure du vario votre énergie cinétique. Concrètement, le système va vous dire où ça pompe pour de vrai, et ne confondra pas vos prises de vitesse avec une ascendance, comme le font tous les varios « normaux ». À l’usage c’est redoutable d’efficacité.
Je n’aime pas trop les chiffres car il est difficile de reproduire les mêmes conditions de vol à chaque fois. C’est donc sujet à débats sans fin, et surtout cela ne rend pas compte d’une donnée essentielle : l’agrément ressenti. Une équation ça ne vole pas. Cependant, ce qui m’a encouragé à faire part de mon expérience, c’est non seulement le ressenti, mais aussi l’amélioration très significative de certaines performances. Je n’ai pas poussé le vice à faire des tableaux de tout, randomisés ou que sais-je ! Dès lors qu’il y a un résultat positif, faire une liste exhaustive me paraît vain, pour ne pas dire scabreux. Mais chacun est libre de continuer ce que j’ai commencé.
Nous avons donc vu que la boucle inverse passe après les modifications quand elle ne passait pas avant. Le taux de chute en vol dos est, lui aussi, très amélioré, surtout en phase « vitesse » où la compensation à pousser est faible. En prise de vitesse, le gain est très important. Quand après un long piqué à 30°, la vitesse atteignait péniblement les 82 km/h, cette vitesse est maintenant atteinte beaucoup plus rapidement, un bon tiers de moins en altitude. Avec le même genre de long piqué qu’avant, la vitesse atteint à présent les 100 km/h. Je n’ai pas poussé plus loin, les ailes ne bougent pas, mais au sol, la souplesse des winglets m’incite à la prudence. Le planeur siffle beaucoup moins, peu dans l’absolu même. En résumé, la restitution est bien meilleure, le vol dos n’est pas si mal et l’accélération est plus rapide. Franchement, je n’en attendais pas autant.
Concernant le taux de chute, les conditions de vol non neutres lors des tests ne m’ont pas permis de chiffrer l’amélioration. Au final, il s’établit aux alentours de -0,6 m/s en moyenne. C’est plutôt bon, et notez qu’ici il y a une marge d’incertitude. Le décrochage s’établit toujours vers les 22-23 km/h, ce qui est très peu. La vitesse en palier en lisse oscille entre 28 et 35 km/h, et en phase « thermique » entre 25 et 28 km/h en moyenne. Le vario tek +tas est suffisamment précis pour renouveler les mesures plusieurs fois.
CONCLUSION
En version de base, le Lentus constitue déjà une très bonne machine. Ma version « Evo » permet de s’approcher des performances d’un 4 m. En tout cas, les sensations et l’agrément de pilotage en sont maintenant très proches, que ce soit pour s’initier aux 3-4 mètres ou pour voler partout facilement. Centré correctement, fentes masquées, légèrement ballasté, le Lentus, en devenant « Evo », est plus facile et plus agréable qu’avant, plus performant aussi. Plus fin, il n’en est pas moins lent pour poser et enrouler. Agrément et performances peuvent être encore augmentés avec l’addition d’un gyroscope en mode basique, ainsi qu’un indispensable variomètre. Mon Lentus « Evo » est désormais capable de satisfaire un planeuriste habitué à un minimum de performance, afin de voler partout sans prise de tête avec un partenaire fiable et efficace, assez performant pour voler dans toutes les conditions et poser sur un mouchoir de poche.
Avec les réglages décrits, mon Lentus « Evo » s’adresse à des pilotes relativement expérimentés, ou sous surveillance d’une double commande. Il faut avoir conscience que l’amélioration des performances peut dépasser le domaine de vol pour lequel il est conçu initialement. Mais vous l’aurez compris, le plaisir est bien présent !