>L’ajisme, la montagne, la Waffen SS : Marc Augier dit Saint-Loup,
Alpiniste, Marc Augier était une âme perdue, qui passa de l’aventure des Auberges de jeunesse à la Waffen SS. Il s’exile finalement en Amérique du Sud, exerçant ses compétences alpines au service de l’armée argentine, et ses talents d’écrivain sous le pse
« Je ne voudrais pas ramasser, même dans la boue, notre pacifisme d’antan. La guerre nous a révélé le sens de la vie, qui n’est en aucune
manière pacifiste… » Marc Augier
Marchez seuls ! » , répétait Giono à ses camarades pacifistes du Contadour, militants du mouvement des Auberges de jeunesse, ajistes en culottes courtes, dormant à la belle étoile de Lure ou dans des granges du voisinage. L’un d’entre eux, Marc Augier, motard, alpiniste, skieur, futur écrivain de montagne sous le pseudonyme de Saint-Loup, patrouille quatre ans plus tard (juillet 1942), sous le casque de la Wehrmacht, tenue feldgrau avec un écusson tricolore, engagé volontaire à la LVF, la Légion des volontaires français contre le bolchevisme, formée à l’automne 1941. Huit mille Français environ servirent dans l’armée allemande sur le front de l’Est entre 1941 et 1945. Du pacifisme à la chasse aux partisans dans les forêts de Briansk (Smolensk). De l’ajisme à la guerre vécue pendant quelques mois et argumentée pendant quatre ans. Revirement complet, assumé par son auteur dans Les Partisans (1943) : « Je ne voudrais pas ramasser, même dans la boue, notre pacifisme d’antan. La guerre nous a révélé le sens de la vie qui n’est en aucune manière pacifiste. En dehors du combat pour le peuple et la liberté, nous n’apercevons pas de salut, nous ne découvrons aucune mesure acceptable de la vie. Notre pacifisme de 1938 était une arme redoutable qui, tel le boomerang, revient infailliblement frapper le joueur. »
Une conversion au nazisme
Marc Augier est un déçu du Front populaire. Les réussites économiques et sociales de l’Allemagne nazie (plein emploi, maisons ouvrières, voiture du peuple, modernisme technique, autoroutes, dynamisme sportif, Jeux olympiques de Berlin) sont un des éléments de son revirement. Avec une évidente germanophilie et une hostilité croissante pour les manigances et sophismes dialectiques des communistes. Prêt à l’entendre, en 1938, Augier rencontre le romancier de la Brière, Alphonse de Chateaubriant (1877-1951) et lit son voyage enAllemagne ( La Gerbe des forces, 1937). Une apologie du régime nazi et plus encore, de la personne même de Hitler, sauveur de l’Europe, selon Chateaubriant.Augier s’est engouffré, dès l’automne 1940, dans la collaboration à outrance. Saint-Loup: « À partir de l’automne 1940, je ne me suis plus occupé des auberges. Moi, j’ai pris l’option socialiste en faveur de l’Allemagne. » Dans son cas, on peut même parler d’une conversion au nazisme, au sens religieux du terme, d’une conversion aux théories raciales du nazisme (antisémitisme, lutte des races) et à son néopaganisme. À l’automne 1944, Augier est officier politique avec le grade de lieutenant dans une division de la Waffen SS en cours de formation, la division Charlemagne, composée de Français. Marc Augier naît à Bordeaux le 19 mars
1908, dans une famille aisée, appauvrie ensuite par la guerre. Bachelier, Augier interrompt ses études de droit et enfourche à dix-neuf ans la mécanique de ses rêves, une motocyclette qu’il paie avec l’argent qu’il n’a pas, en imitant la signature de sa grandmère. Augier se fait connaître par des raids à moto (Paris-Athènes par les Balkans ; le Sud saharien) et des reportages. En 1933, sympathisant socialiste, sans pain sur la L’ajisme, c’est l’internationale de la jeunesse et du voyage, un idéal de communauté et d’entraide, dans les joies et les épreuves du grand chemin, une aspiration à l’universelle camaraderie. Camarade : le mot courait dans tous les mouvements, partis, comités, syndicats, amicales et clubs de la période. Un écriteau à l’entrée des auberges de jeunesse portait ces mots à l’adresse des jeunes camarades : Monde nouveau.
Marc Augier est un déçu du Front populaire. Les réussites économiques et sociales de l’Allemagne nazie sont un des éléments de son revirement
planche, Augier rencontre Cécile Grunebaum-Ballin, secrétaire général du Comité laïque des Auberges de jeunesse. Depuis un an, ce Comité concurrence la Ligue française pour les Auberges de jeunesse, association catholique, créée par Marc Sangnier en 1930. La première auberge de jeunesse s’est ouverte en Allemagne (1907). Richard Schirrmann, son fondateur, voulait favoriser la paix et l’amitié entre toutes les jeunesses du monde par l’expérience du voyage et de la nature. L’ajisme, laïc ou catholique, encourage les sports, les aventures de plein air, la marche, le camping, les bains de mer, le ski, l’alpinisme, le vélo-voyage. L’aventure ajiste par excellence, c’est le grand voyage du couple Leininger, Raymond (le compagnon de cordée de Pierre Allain) et Nicole, parti en avril 1938 de Bourg-Saint-Maurice pour faire le tour du monde à bicyclette et en campant, arrêté à Kaboul par le déclenchement de la guerre. L’ajisme, c’est le lyrisme du chemin, du grand air, du vagabondage. Dans la bibliographie de Saint-Loup, donnée par son biographe Jérôme Moreau ( Sous le signe de la roue solaire. Itinéraire politique de Saint-Loup), parmi plus d’une trentaine d’ouvrages et de nombreux articles, il y a un papier sur l’auto-stop paru dans Le Cri des
auberges de jeunesse et daté de janvier 1936. Dès 1934, Augier se charge du mensuel de l’association. Le Cri des auberges de
jeunesse, tiré à 1 000 exemplaires, ne comporte que quatre pages. Il comportera vingt-huit pages en 1938 et sera tiré à 30 000 exemplaires, le mouvement ajiste n’ayant pas cessé de croître dans l’élan du Front populaire. Le 4 juin 1936, le gouvernement Blum créa un sous-secrétariat d’État à l’organisation des sports et des loisirs. On en confia la direction à Léo Lagrange, avocat, député socialiste du Nord, rédacteur au journal Le Populaire. C’est le fameux été 1936, les billets Lagrange à quarante pour cent de réduction, l’organisation des trains populaires pour la mer et la montagne, les forêts et les campagnes, le prolétariat mis au vert, la semaine de quarante heures, les deux semaines de congés payés. Les ajistes, garçons et filles, chantent à pleins poumons l’espérance des matins de l’été 1936 : « Ma blonde, entends-tu dans la ville Siffler les sirènes et les trains ? Allons au-devant de la vie. Allons au-devant du matin. » Chargé de mission dans le cabinet Lagrange pour le développement du ski, Augier inspecte des fonds de vallée avec l’oeil du skieur. Solstice en Laponie est le premier ouvrage de Marc Augier. Solstice d’hiver : un raid au-delà du cercle polaire arctique, à skis et sous tente en Laponie finlandaise, exécuté par l’auteur et son ami bordelais Édouard de Thuisy, en décembre 1938. L’ouvrage parut à compte d’auteur en 1940 aux éditions du Contadour, une maison parrainée par Jean Giono.
Jean Giono, prédicateur du pacifisme
Romancier, poète, génie du verbe, sage de Haute-Provence, prédicateur du pacifisme, Giono est au sommet de son influence dans les années d’avant-guerre, influence morale plus que littéraire. Giono habitait Manosque. Point sportif mais marcheur, il lui arrivait de marcher avec une caravane de fidèles sur la montagne de Lure au nord de Forcalquier. Un jour, Giono, trébuchant, se blesse le genou. Très nombreuse ce jour-là (une quarantaine de personnes), la caravane bourdonne un moment dans les pierres et les racines d’un hameau, le Contadour (9 kilomètres de Banon), près d’une vieille bâtisse, le Moulin, qu’on décide d’acheter collectivement dans un élan d’enthousiasme. Chacun se cotise. On l’acheta pour une bouchée de pain. C’est au Moulin que les amis du Contadour (écrivains, professeurs, artistes, ajistes) se réunissent pour écouter religieusement l’auteur de Regain. Après les silences et les anecdotes au coin du feu, Giono nomme les constellations du ciel le plus étoilé de France. Augier : « Les communistes adoraient Lénine, mais nous avions Giono. À chacun son dieu. On approchait la divinité sur les plateaux de Manosque ou de la montagne de Lure. On communiait avec lui au Contadour. Quelques fermes, des greniers dortoirs avec de la paille. Les veillées devant une cheminée paysanne serrés autour du prophète enveloppé dans sa cape brune de berger […] On parlait peu. Nous refaisions le monde par nos silences. » Giono est un ancien poilu de la Grande Guerre. Morts sur morts dans une tranchée de quatre ans. Un million et demi de morts pour la seule France. Plus jamais cela. La der des ders. Giono prêche le désarmement universel, la vie au grand air et le travail du paysan. Giono en 1938, à Toulouse, préside le premier congrès des Auberges de jeunesse : « Camarades, votre jeunesse est
la qualité de l’homme à laquelle on a le plus envie de s’adresser. » Son discours s’achève par un conseil incessamment répété sous les étoiles de Lure : « Marchez seuls ! » Giono lie son individualisme à son pacifisme. Refus de toute discipline de parti, d’armée ou d’église. Refus d’obéissance : « Ne suivez personne. Marchez seuls, que
votre clarté suffise. » Une mise en garde contre tous les partis, et singulièrement contre le parti le plus tentant pour ces internationalistes, le parti communiste dont la duplicité et le cynisme éclateront du jour au lendemain en août 1939 (pacte de nonagression germano-soviétique). Ni capitalisme, ni fascisme, ni communisme : l’individu, la nature. Giono, qui eut pour amis des communistes ou des compagnons de route (Henri Barbusse, Eugène Dabit, Romain Rolland) garda sa liberté de conduite. En septembre 1939, Giono, mobilisé, ne se rend pas à sa convocation. Il est incarcéré pendant deux mois à Marseille au fort Saint-Nicolas et en sort le 18 novembre avec un non-lieu et un fascicule de démobilisation. Giono se tait. Son silence déçoit certains amis du Contadour. C’est un silence de résignation à la guerre, l’aveu d’une défaite. On aurait aimé qu’il fît une déclaration fracassante, qu’il fût un martyr de la paix.
La fuite d’Augier
Mobilisé dans la DCA à Fontainebleau, après la défaite de l’été 1940, Augier est rédacteur en chef d’un journal hebdomadaire fondé en juillet par Alphonse de Chateaubriant : La Gerbe. Ce journal ultra de la collaboration tirera en janvier 1943 à cent quarante mille exemplaires. Chez Denoël, Augier publie Les Copains de la
belle étoile en 1942, des souvenirs sur l’ajisme, et Les Partisans (choses vues en Russie, 1943). En juin 1943, Augier, rédacteur en chef du Combattant européen, bimensuel de la LVF, ne croit pas un seul instant à la défaite de l’Allemagne, inéluctable à cette date, et recrute dans des conférences. Publié chez Stock en février 1944, Les Skieurs de la nuit sont une réédition du Solstice en Laponie, avec quelques ajouts. Le 3 septembre 1944, Augier fuit Paris pour l’Allemagne. Derniers mois entre Berlin, Sigmaringen, Hildesheim (Hanovre) et le Tyrol. Le 3 avril 1945, il fuit l’Allemagne pour l’Italie du Nord (Garda, Milan). Le pseudonyme : Saint-Loup. La tension d’une guerre inexorable est transposée dans un groupe de Jeunesse et Montagne à l’entraînement pour une saison historique dans le massif du Mont-Blanc. Guido La Meslée, chef de groupe : « Fin juillet, nous déclenchons l’assaut général. En Oisans d’abord… Face nord de la Meije et du Râteau et, peut être, face nord du pic Gaspard… À Cham : face nord des Drus et
Mobilisé dans la DCA après la défaite de l’été
1940, Augier est rédacteur en chef d’un journal ultra de la collaboration, La Gerbe
1er juillet 1945, il se cache dans la maisonmère des moines salésiens à Turin. Le 10 juillet, guidé par un moine, Augier retourne en France par la montagne (col de l’Iseran, Val-d’Isère). Clandestin à Paris pendant dix-huit mois, de planque en planque, Marc Augier termine
Face Nord, un roman de montagne dont il avait écrit les cent premières pages dans un chalet du Tyrol (appartenant à Leni Riefenstahl) durant l’hiver. Les éditions Arthaud publient ce roman signé d’un face nord directe du Grand Triolet, à partir du point Bobi Arsandaux. Enfin, pour que cette campagne compte dans l’histoire de l’alpinisme, nous lancerons une offensive non-stop contre les trois arêtes italiennes du mont Blanc soit, sans arrêt et sans bivouac : descendre l’arête du Brouillard, remonter l’arête de l’Innominata, redescendre par l’arête de Peuterey et rentrer par le col de la Fourche de la Brenva. » Deux cordées, mises en compétition après une belle moisson de premières, courent
contre la montre au terme de l’été sur les arêtes du mont Blanc. Une cordée périt dans la tempête. La cordée des survivants peut partir pour l’Everest où elle s’évapore audessus de 8 500 mètres. Au même moment, Guido La Meslée sombre dans la folie après la mort de sa belle devant lui, sur une paroi de l’Oisans, et disparaît vers le haut avec son corps dans les bras. L’alpinisme, dans ce roman noir, est une marche au suicide.
Aidé par les Bénédictins
Saint-Loup prépare sa nouvelle fuite, un départ pour l’Argentine avec l’avance de son éditeur. Au printemps 1945, Américains et Soviétiques se disputent les ingénieurs allemands (von Braun). L’Argentine de Peron, elle, est un asile pour tous les compromis de la collaboration et de nombreux Allemands, réfugiés des territoires de l’Est, soldats perdus, nazis poursuivis, vétérans aux compétences recherchées (comme les as de l’aviation,
Grâce à des amitiés nouées avec des officiers argentins, Augier devient conseiller technique des troupes de montagne avec le grade de lieutenant-colonel
Galland et Rudel). La France ne délivre plus de visa pour le pays. Augier part avec un visa obtenu par des Bénédictins et sous une fausse identité pour le Brésil. Il y réside pendant quelques mois avant d’entrer légalement en Argentine. Grâce à des amitiés nouées avec des officiers argentins, Augier devient conseiller technique des troupes de montagne avec le grade de lieutenantcolonel et s’installe à Mendoza, terre de vignobles dans le piémont andin. En octobre 1948, Augier apprend qu’il est condamné à mort à Paris par contumace pour intelligence avec l’ennemi. En décembre 1949, les éditions Arthaud publient La Montagne n’a pas voulu, une enquête sur des accidents extraordinaires à l’issue heureuse. Il s’agit de survie en montagne contre toute vraisemblance, de survie dans une chute faramineuse, dans une avalanche ou au fond d’une crevasse. C’est le pendu dont la corde casse, le quasimiracle, un thème à surprises, et tel qu’on m’en redemande toujours. La chronique du miracle en montagne s’est prodigieusement enrichie depuis Saint-Loup. Deux des récits sont tirés des mémoires de Guido Lammer ( Fontaine de jouvence). On y lira également la chute de Whymper au Cervin sous le col du Lion, le dévissage de la cordée Gréloz-Valluet dans le couloir Couturier à l’aiguille Verte, leur fabuleuse culbute sur 700 mètres dans une pente de neige à 50°55° ; le plongeon au col de Muande-Bellone (Oisans) en mai 1942 pour Fernand Bellin et Rouillon, après la cassure d’une corniche six mètres derrière eux et devant leurs amis mâchant leur casse-croûte ; la mise en bière de Guy Labour dans une crevasse du glacier des Nantillons (1934) ; les trois sauts périlleux de Monsieur Moricet à la cime de Roghè (Alpes-Maritimes, novembre 1945), scalpé dans une chute de cinq cents mètres sur une pente de neige où trois barres rocheuses l’ont projeté dans les airs. Contrairement à Face Nord, cette enquête
ne porte pas l’empreinte de la guerre. Slatkine, une maison d’éditions suisse, la réédite en 1978. Dernièrement, l’histoire de Guy Labour, le miraculé du glacier des Nantillons, a été développée, grâce à d’autres documents, par Yves Ballu ( L’Impossible sauvetage de Guy Labour).
Trois ans d’Argentine
Saint-Loup rentre en Europe en 1950. Prudemment exilé dans le Val d’Aoste, il publie coup sur coup deux récits nourris par ses explorations dans des régions dont les alpinistes français n’avaient pas la moindre idée : les Andes argentines centrales (Aconcagua); la Patagonie (Fitz Roy, Cerro qu’elle pose. Monts Pacifique est un grand livre d’évocation, sans une once de politique, un ouvrage d’explorateur. Des alpinistes frémissent aux révélations de ce livre. Vainqueur du Fitz Roy (1952) avec Lionel Terray, Guido Magnone, dans son autobiographie Sculpteur de cimes (Arthaud, 2005) reconnaît sa dette : « Marc Augier, écrivain de montagne revenu depuis peu d’un long périple en Argentine, avait recensé dans Monts
Pacifique tout ce que les Andes du Sud étaient susceptibles d’offrir aux alpinistes en quête d’exploit. » Monts Pacifique mit également la puce à l’oreille aux Parisiens de l’Aconcagua (1954). Je tiens la confidence de Robert Paragot lui-même, un soir d’Autrans.
Aujourd’hui, le nom de Saint-Loup est fatalement associé à sa trilogie sur les Français ayant combattu en Russie, dans la Wehrmacht, puis dans la Waffen SS (Division Charlemagne)
Torre, tours du Paine) ; la Terre de Feu. Le premier ouvrage, Le Roi blanc des Patagons, est un portrait romancé d’Antoine de Tounens, l’aventurier de Gascogne devenu roi d’Araucanie et de Patagonie par les vertus de son délire (fin XIXe siècle). L’écrivain Jean Raspail, intrigué par ce roi de Patagonie, approche Saint-Loup. Le second ouvrage,
Monts Pacifique, mêle les aventures alpines de Saint-Loup en Argentine à l’histoire de l’andinisme austral. Saint-Loup, alpiniste moyen, parfois basé en refuge militaire de Puente del Inca durant ses trois ans d’Argentine, ne fit jamais de tentative sérieuse sur la face sud de l’Aconcagua. Mais il décrit la paroi en technicien et analyse les problèmes En décembre 1953, condamné à deux ans de prison lors d’un nouveau procès à Paris, Marc Augier bénéficie d’une loi d’amnistie. Son passé, révélé au jury, lui a coûté le prix Goncourt évoqué à son sujet quelques mois auparavant. Saint-Loup y présentait un roman, La Nuit commence au cap Horn, sur les tragédies de l’évangélisation en Terre de Feu et la disparition des Indiens Patagons (Onas, Alakaloufes, Yaghans). Roman paru en 1955 (chez Amiot-Dumont),
Montagne sans Dieu est le dernier livre de Saint-Loup sur l’alpinisme. Le héros, meilleur alpiniste du monde mais banni de liesse, tourne dans le vide de ses exploits en solo. Un roman sombre. En 1952, Face
Nord, son premier roman, s’est au total mieux vendu que les Contes à pic de Samivel et infiniment moins que les romans de Frison-Roche. Quelques chiffres donnés par Michel Ballerini ( Le Roman de
montagne en France). Cette statistique indique à quel point la littérature de montagne était populaire dans les années quarante et cinquante. Premier de cordée : 750 000 exemplaires ; La Grande Crevasse : 350 000 ; La Tour blanche (un roman de l’Américain James Ramsay Ullman) : 40 000 ; Face Nord : 35 000 ; Contes à pic : 20 000. Saint-Loup meurt en 1990. Aujourd’hui, son nom est fatalement associé à sa trilogie sur les Français ayant combattu en Russie, dans la Wehrmacht (LVF), puis dans la Waffen SS (Brigade Frankreich, Division Charlemagne). Trilogie en partie romancée. Le premier volume, Les
Volontaires, publié en 1963 et vendu à 125 000 exemplaires, lui valut plus de soixante plaintes en justice. La meilleure définition de l’alpinisme, ce sont les pionniers (le Suisse Eugène Rambert, les Anglais Stephen et Mummery) qui l’ont donnée en parlant d’un jeu avec ses plaisirs et ses pénalités. Un jeu possible entre toutes les mains, comme le jeu d’échecs, et beaucoup plus lourd de conséquences qu’une distraction de reine ou de fou sur l’échiquier. Ce jeu, né en Occident vers 1850, plus ou moins universel en 2014 est, en soi, politiquement neutre et d’autant plus propre à créer des liens entre joueurs qu’il est désintéressé. On est camarade ou compagnon de jeu, le temps d’une course hors du temps. Après, c’est une autre histoire. Tout est possible, apparemment, dans le champ historico-politique. Marc Augier passe du pacifisme à la Waffen SS.