>Les Anglais, by fair means ?,
On n’a pas beaucoup aperçu les Anglais jusqu’à présent, sauf pour signaler qu’ils furent les premiers à créer un club alpin. Si leur système social, en développant la pratique sportive au sein des grands collèges, a favorisé l’apparition de l’alpinisme pa
Revenons quelque peu en arrière, lors de la création de l’Alpine Club, en 1857. La justification scientifique à la conquête des montagnes est la doctrine officielle du club, les Alpes sont le terrain de jeu des alpinistes victoriens, la conquête du sommet, l’alpha et l’omega de toute entreprise alpinistique. Les alpinistes victoriens, aidés par des guides, suisses pour la plupart, s’adjugent ainsi les plus hauts sommets des Alpes, les 4000 faisant références pour l’époque. Tous les alpinistes? Non, car l’exemple de Whymper infirme déjà l’hypothèse, lui qui a choisi le Cervin plus pour la difficulté de la voie que pour l’altitude. Non plus pour Mummery, le premier à avoir franchi la célèbre fissure qui porte désormais son nom, affirmant dans Mes escalades dans les Alpes et le Caucase1 : « Quant à moi je suis libre d’avouer que je grimperais encore même s’il n’y avait plus de paysages à voir, même si les seules escalades possibles se trouvaient dans ces grottes, dans ces horribles trous à marmites sombres des vallons du Yorkshire. » Mais, dans l’ensemble, l’idéologie de l’Alpine Club prévaut. Des nouveaux venus dans le paysage alpin Lorsque, quelques années plus tard, des nouveaux venus (Austro-allemands et Italiens pour l’essentiel) arrivent dans le paysage alpin, issus pour les premiers des clubs de gymnastes, portés, pour les seconds, par des préoccupations plus nationales, qu’ils s’attaquent à des sommets réputés inviolables ou aux voies normales trop difficiles techniquement, voire font passer la notion de voie tourner, les alpinistes britanniques (en tout cas ceux convaincus par la supériorité de leur conception), décident qu’il n’y a plus rien d’intéressant à faire dans les Alpes, que tous les grands sommets étant conquis, ce qui reste ne présente plus d’intérêt. D’où la décision de se tourner vers d’autres montagnes vierges, dans un territoire à découvrir, l’Empire des Indes, là où des intérêts géopolitiques réclamaient la présence de géographes, de cartographes et… d’alpinistes, au sens premier
Quand des concurrents bien meilleurs qu’eux leur ravirent la première place, les alpinistes britanniques allèrent ailleurs
d’accès bien avant celle du sommet, les Britanniques se retrouvent en porte à faux. Eux qui, jusqu’alors, trustaient les sommets un peu partout, sont concurrencés par des alpinistes meilleurs, qui grimpent souvent sans guide : il est bon de rappeler que, dans certains cas de conquêtes de sommets, c’étaient les guides qui faisaient le travail, le « monsieur » arrivant ensuite pour donner son nom à l’entreprise. Comment réagissentils ? En gros, de deux façons. La première est l’attaque, sur le plan des idées, contre les nouvelles pratiques et leur technicité. En introduisant la notion de fair means, ils s’en prennent directement aux alpinistes austro-allemands (voir p. 83). La seconde ne manque pas d’audace, ou d’hypocrisie, comme on veut. Sentant le vent des créateurs de l’Alpine Club. Là, on s’attaquait à des territoires peu, mal connus, voire totalement inconnus : on pouvait y transposer les mêmes techniques que lors de l’exploration des Alpes, la seule différence étant celle de la taille, ces territoires étant infiniment plus vastes et, surtout, plus élevés que les Alpes. Quand ces dernières leur parurent alors trop petites, trop connues, les alpinistes britanniques allèrent ailleurs ; quand des concurrents désormais bien meilleurs qu’eux leur ravirent la première place, les alpinistes britanniques allèrent ailleurs. Selon que l’on privilégie la première ou la seconde des explications, on s’en tire avec plus ou moins d’honneur.