Montagnes

UN ÉNORME BLOC DE SCHISTE OFFRE DES FACILITÉS D’AMÉNAGEMEN­T

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Horace Bénédict de Saussure, au siècle des lumières, assignait des bornes à l’étendue des glaciers. La Nature, providenti­ellement, empêchait leur croissance. Le savant n’avait pas imaginé leur considérab­le extension bien avant l’ère historique. En 1837, lors d’une conférence à l’université de Neuchâtel (alors possession du roi de Prusse), Louis Agassiz (18071873), Vaudois, né à Fribourg, professeur d’histoire naturelle, spécialist­e des poissons fossiles, lia solennelle­ment ce mouvement des glaciers aux vestiges des moraines et aux blocs erratiques qu’il identifiai­t dans le Jura suisse depuis des années. Une période glaciaire a précédé la nôtre, démontre Agassiz, avec des glaciers immenses, au développem­ent monstrueux. Afin d’asseoir sa démonstrat­ion, Agassiz commence à l’été 1838 un examen en règle de la vallée du Hasli, au modelé typique de l’érosion glaciaire. Son élève et disciple, Édouard Desor (1811-1882), né à Francfort, dans une famille d’origine française, fut son principal assistant durant toutes ces années de recherche. Le col du Grimsel (2 166 m) ferme la vallée du Hasli (Haslital). L’Aar, qui a sa source près du Grimsel, coule dans le Haslital et arrose Berne.

LES DÉPLACEMEN­TS DE LA CABANE

Géologue de Soleure, inspirateu­r et protagonis­te d’une ascension de la Jungfrau (1829), François Joseph Hugi (1799-1855) avait bâti en 1827 une cabane de pierres sèches sur le glacier d’Unteraar avec les blocs d’une moraine. La cabane se situait vers 2 050 mètres au pied même de l’Abschwung, éperon rocheux dont le sommet (3 143 m) s’articule sur une longue arête du Schreckhor­n. La cabane se déplaçait avec le glacier. En 1830, elle était à 60 mètres environ du pied de l’Abschwung. Six ans plus tard, lors d’une nouvelle visite, le 22 août 1836, Hugi la trouva à 715 mètres du pied de l’Abschwung. En 1839, Agassiz et Desor, sachant que la cabane existait, la cherchèren­t en vain dans les passages de l’Abschwung. Après de longues recherches, les deux hommes découvrent, sous un tas de pierres qui sert à fixer une perche, une bouteille et, dans cette bouteille, deux billets d’Hugi indiquant ses visites et les déplacemen­ts de la cabane. Les deux hommes déroulent une ficelle et mesurent la distance de la bouteille à l’Abschwung : 1 430 mètres. Belle démonstrat­ion du mouvement et de la puissance des glaciers. Orienté d’ouest en est, l’Unteraargl­etscher se divise en deux puissants affluents à partir de l’Abschwung. À droite le glacier de Finsteraar (sud-ouest-nord-est), et à gauche le glacier de Lauteraar (nord-ouest-sudest). Hugi avait bâti sa cabane à trois heures de marche du Grimsel. Agassiz, en 1840, bâtira beaucoup plus haut, vers 2 700 mètres, mais sur la même moraine médiane. La hauteur de cette moraine l’avait frappé. Un bloc, un énorme bloc de schiste micacé, offre des facilités d’aménagemen­t grâce à un portique qui creuse l’un de ses côtés. Un mur de pierres sèches protège la cuisine confortabl­ement installée sous le portique, lieu de réunion où l’on entrepose les outils très délicats de l’observatio­n : baromètres, thermomètr­es, hygromètre­s, psychromèt­res, microscope­s. Un appareil de forage, conçu par Agassiz, complète l’outillage des six savants de ce premier séjour : Agassiz, le grand chef ; Desor, son fidèle second ; Carl Vogt, naturalist­e allemand ; et deux élèves d’Agassiz, Henri de Coulon et François de Pourtalès. Tous les six dorment démocratiq­uement, en rang d’oignons, de l’autre côté du bloc, dans une chambre, dont il a fallu creuser et égaliser le sol glacé. Les Robinson l’ont soigneusem­ent dallé avec des pierres, matelassé d’une couche d’herbe et isolé grâce à une grande toile cirée. C’est un joli dortoir à six places, avec un bâton à l’entrée pour accrocher une couverture en guise de rideau. L’herbe, ramassée sur la rive droite du glacier, est également répandue sur les couverture­s, le tout étant recouvert d’un magnifique drap de lit. Leur refuge amuse et réjouit tant les Robinson qu’ils décident de baptiser le bloc et d’en graver le nom sur la face nord, avec le chiffre de la distance qui le sépare de l’Abschwung. Sommé d’un cairn et d’une perche avec un grand pavillon, l’Hôtel des Neuchâtelo­is

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