PERRONS GRIMPE AVEC VUE SUR LE MONT BLANC
Aller grimper « sur Suisse » depuis la vallée de Chamonix pourrait apparaître comme un must en matière d’exotisme… Que peut-il bien y avoir de plus qu’au sein de La Mecque de l’alpinisme ? Pas de remontées mécaniques, pas de foule envahissante, mais de bo
Tout commence par l’apparition des deux plans d’eau dont les vignettes se retrouvent guillochées sur les fameuses tablettes de chocolat helvétiques et remplissent les tourniquets de cartes postales, de Genève à Sion en passant par Martigny, ville galloromaine, où se côtoient champs d’abricots et vignes en restanques (le fendant). On y trouvera aussi la fondation Gianadda, site d’expositions prestigieuses : Matisse, Van Gogh, Renoir ou Picasso. C’est déjà pas mal ! Certes, les lacs sont artificiels, conséquence logique des deux barrages d’Émosson, mais tout de même ! Une nappe d’eau émeraude perchée à 2 000 mètres d’altitude, ça ne peut qu’embellir le paysage, lui conférer une once de calme en contraste avec les cimes qui s’y reflètent. Du coup, le site attire les badauds et pourrait repousser les amoureux des espaces sauvages, mais il n’en est rien : une fois quittée l’atmosphère de kermesse autour du béton banché, on trouvera quiétude et isolement, rocher abrupt et folles chevauchées sur les lignes de crêtes, couennes où l’on peut s’exploser les avant-bras et faire joujou avec les coinceurs à cames et à câbles. Pour les inconditionnels de la wilderness, reste la solution du versant caché des Perrons, au sud de la chaîne. À son pied se trouve l’alpage de Loriaz, avec son refuge éponyme, base de départ possible pour les voies décrites. Ici paissent de paisibles ruminantes laitières, mais aussi quelques spécimens de races Abondance mais surtout Hérens, les bien noires, qui ressemblent à des taureaux Miura, celles qui animent les combats de reines. On pourra déguster non seulement la bonne tomme de Savoie ou le reblochon, mais sur demande, un repas de dhal bhat et momos, concocté par Renji, le cuisinier népalais du refuge…
ESCALADER LA VOÛTE DU BARRAGE : 250 MÈTRES SUR 600 PRISES EN RÉSINE, UN DÉVERS COLOSSAL… VOILÀ UNE EXTRAVAGANCE QUI N’EST PLUS AUTORISÉE
GRIMPER SUR LA VOÛTE DU BARRAGE
Voilà une extravagance qui n’est plus autorisée depuis une dizaine d’années : escalader la voûte du barrage. Ce fut au tout début
des années 2000 la plus haute structure artificielle connue. Deux cent cinquante mètres sur six cents prises en résine, un dévers colossal. Il fallait acquitter un péage, être coaché par un professionnel pour ouvrir le cadenas qui donnait accès via une échelle, au départ de la voie. Trop de treuillages pour des personnes épuisées ont conduit à la fermeture du site. Il se raconte que certains jours de brouillard, des fantômes en collants ont été vus gigotant le long de la plaque de béton, mais chut !
LA TRAVERSÉE DES PERRONS
Une course d’arête permet de découvrir l’ensemble d’un chaînon. Ses points hauts, qui sont autant de belvédères sur l’espace, ses accès, approches et descentes, la qualité du rocher, la répartition des itinéraires. En somme, on va dérouler le mode d’emploi. On passera en revue toutes les stratégies de la grimpe en quelques heures, on saura ce que veut dire « tenir un horaire » et flairer les meilleures solutions pour combiner rapidité et sécurité. Va-t-on finir par rivaliser avec les bouquetins qui cavalent loin devant ? Gardez le plus possible le fil de la crête et délaissez le parcours de vire en vire qui tourne les difficultés et gâcherait l’intérêt technique… Vous y découvrirez le mont Blanc comme vous ne l’avez jamais vu.
L’AIGUILLE NORD DU VAN, ACQUACONCERT
Lorsqu’on la découvre depuis le barrage, l’aiguille du Van impressionne. Sa pyramide parfaite remplit l’horizon constitué par un massif du Mont-Blanc réduit à l’état de vignette ! Le pilier qui s’élève d’un seul jet par-dessus les pelouses est bien notre objectif… Plus on s’en approche, plus le rocher noirâtre pose question. Et puis comment le tracé peut-il tirer si droit dans ce dédale de marches d’escaliers inversées ? Et le départ ? Tout près de cette cataracte dont les embruns nous vaporisent la racine des cheveux ! On peut se rassurer : l’équipement brille par sa qualité dans toutes les sections difficiles, la voie est logique, les longueurs se découvrent de relais en relais, et la sortie sur l’arête d’immenses blocs apporte son lot de satisfaction puisqu’on a tout loisir de passer où bon nous semble. Descente astucieuse dans un rocher enflammé puis une combe où chuintent les éterlous en glissade sur les névés…
LE GRAND PERRON,
BALADE DES GENS HEUREUX
La paroi est gigantesque, et le contraste avec les aimables champs de rhododendrons est saisissant. Sur la gauche, on reconnaîtra le pilier du Pain de Sucre, qui jouxte la pointe Vouilloz. Une longue faille borde à droite cette face en trapèze, et délimite le Grand Perron. La balade se déroule juste sur le bord gauche de ce sommet. C’est la plus dure des trois escalades proposées. Malgré son aspect forteresse, l’inclinaison de la paroi autorise un placement confortable sur les plantes de pieds, sauf au mur central, qui va jusqu’à déverser. Le sérieux de cette voie tient à l’économie de moyens employés pour l’équiper : quatre à six spits par longueur de cinquante mètres, c’est chiche ! Sans compter l’intelligence du tracé, qui passe là où l’adhérence est possible sans crispation, sous le bon angle… « Seulement » deux cent quarante mètres, mais quelle ambiance !