FACTEURS DE SURVIE
des sujets sous avalanche
L’Association nationale pour l’étude de la neige et des avalanches (ANENA) a enregistré l’an dernier 72 avalanches impliquant des personnes dont 27 aux conséquences mortelles pour au moins l’une des victimes. On compte en France en moyenne 32 décès par an, nombre resté à peu près stable depuis ces quinze dernières années, et ce malgré une augmentation significative des pratiquants de la randonnée à skis. L’asphyxie est le mécanisme le plus fréquent de ces décès (environ 75 %). Si les voies aériennes supérieures ne sont pas obstruées par la neige, le manque d’oxygène dans le sang survient après vingt minutes, du fait d’une part du manque d’oxygène dans l’environnement immédiat, d’autre part de la ré-inhalation de son propre gaz carbonique par la victime, et enfin de la compression thoracique. La présence ou non d’une poche d’air semble aussi jouer un rôle sur la survie, de même que la densité de la neige. Le traumatisme sévère représente 10 à 25 % des décès, à la fois par choc direct dans les avalanches de plaques et par effet de «blast» des avalanches pulvérulentes. Tout avalanché doit être considéré comme un traumatisé et donc bénéficier autant que possible des principes de secourisme élémentaires. L’hypothermie pure est en fait rarement la cause du décès (moins de 10% des causes), les corps ensevelis n’atteignant des températures mortelles qu’après au moins 35 minutes. Cependant, l’hypothermie reste toujours de mise chez l’avalanché et complique souvent les manoeuvres de réanimation médicales. Il n’en demeure pas moins que bon nombre de personnes ensevelies en ressortent vivantes, et pour certaines d’entre elles indemnes. Quels sont les facteurs qui permettent une telle survie ? C’est ce qu’a essayé de comprendre le docteur Elophe Dubie du SAMU 73 dans une étude menée en collaboration avec la faculté de médecine de Grenoble, dans le cadre du Diplôme inter-universitaire de médecine d’urgence en montagne (DIUMUM) et qui analysait 528 accidents d’avalanches survenues en France sur la période de novembre2000 à mai2009. L’étude visait à étudier le nombre de décès en fonction de l’activité pratiquée, les taux de survie en fonction de la durée et de la profondeur d’ensevelissement, du type de secours mobilisé et des moyens utilisés pour retrouver la victime.
Tous les résultats concourent à dire que plus les victimes sont dégagées rapidement et plus les chances de survie sont grandes. Au bout de quinze minutes, le taux de survie chute de 90% à 30%. Davantage de personnes sont secourues vivantes par les témoins directs de l’accident par rapport au secours organisés qui arrivent de fait plus tard, et les victimes plus profondément ensevelies sont plus difficilement localisables que celles retrouvées plus proches de la surface. Les victimes retrouvées grâce uniquement aux indices de surface (bâtons, skis, bonnet…) sont vivantes dans près de 60% des cas. Ces indices sont donc très importants à rechercher d’autant qu’ils sont présents dans plus d’un cas d’ensevelissement sur quatre.
DVA, AIRBAG ET AUTRES
Le Détecteur de victimes d’avalanche (DVA) (avec la pelle et la sonde) est une technologie déjà bien connue, et d’une efficacité maintes fois prouvée. Dans l’étude, c’est le moyen qui a permis de retrouver vivante le plus de personnes ensevelies (32,5 %). Le réflecteur Recco© est un système utilisé uniquement par les professionnels du secours qui interviennent, on l’a vu, avec un délai plus long. Il n’a pas été étudié dans la série du fait de son faible taux d’utilisation par les victimes. Un travail mené en 2013 par une équipe du Centre hospitalier universitaire de Grenoble1 a retrouvé que les lésions traumatiques les plus sévères et qui engageaient le pronostic vital chez des traumatisés avalanchés se situaient préférentiellement au thorax, à la tête et au rachis. Par ailleurs, la sévérité de l’hypothermie et l’ensevelissement complet étaient retrouvés comme des facteurs majeurs pour le pronostic. Les nouvelles technologies qui protègent à la fois la tête, le thorax et le rachis, et qui empêchent l’ensevelissement complet revêtent une importance capitale en matière de survie sous avalanche. Les sacs à Airbag semblent regrouper toutes ces caractéristiques. Une autre étude internationale2 a analysé une grosse série d’accidents d’avalanche impliquant au moins un utilisateur d’Airbag entre1994 et2012 en Autriche, au Canada, en France, en Norvège, en Slovaquie, en Suisse et aux États-Unis. Elle a confirmé l’efficacité incontestable de ces sacs mais concluait tout de même à un moindre impact sur la survie que ce que montraient les études précédemment menées, notamment celle du constructeur. Le nondéploiement restait la limitation la plus considérable à l’efficacité. Le taux de non-déploiement global était de 20%, dont 60% étaient directement le fait de l’utilisateur. L’étude incitait ainsi à améliorer le système d’ouverture des Airbag. Le système de respiration Avalung© est basé sur le principe d’une valve unidirectionnelle qui expulse le gaz carbonique expiré loin de la zone d’inhalation mais d’utilisation encore trop confidentielle, raison pour laquelle il n’a pas été étudié dans le travail du Dr Dubie. Il en est de même pour les applications Smartphone qui ont fait leur entrée dans l’arsenal des systèmes de recherche. Elles sont basées sur des systèmes de détection d’accélération qui alerte les secours, et le repérage s’effectue grâce au GPS et au Bluetooth. ISIS© est une application développée par un jeune français. Citons également Snøg© ou Snowhere©. Elles ont été comparées d’un point de vue technique par une équipe canadienne mais leur impact sur la survie n’a pas encore été étudié. Les progrès dans la connaissance à la fois de la neige et des facteurs ayant une incidence sur la survie des personnes ensevelies ont permis sans doute de stabiliser le nombre de victimes alors que les pratiquants augmentent. Pour autant, ils ne doivent pas faire oublier que pour se prémunir d’une avalanche, il faut savoir l’éviter, et donc bien se renseigner avant toute sortie (bulletin météo, Bulletin du risque d’avalanche récent, avis de professionnels). Il faut aussi qu’au préalable, l’ensemble des personnes du groupe se soit bien équipé, formé et entraîné à l’utilisation d’un DVA. Le sac Airbag apparaît comme un dispositif très efficace mais encore cher et lourd. Si, malgré toutes ces précautions, l’accident se produit, l’obsession doit être de sortir le plus vite possible la victime sans attendre les secours pour limiter à la fois l’hypoxie et l’hypothermie, en appliquant les notions de base de secourisme. Les quinze premières minutes sont décisives.